Getting Lost

 
Une lumière vive me tira de mon sommeil et j'ouvris péniblement les yeux. Je n'avais aucun souvenir de m'être endormie mais pourtant j'étais allongée là, à même le sol. Je devais vraiment être exténuée pour ne pas avoir eu le courage de regagner mon lit. Il faut dire que je continue de rechercher Anna sans relâche, même si elle a disparu depuis presque un an. D'abord brouillée par le trop plein de lumière, ma vue se précisait peu à peu. Je voyais des gens, beaucoup de gens, mais leurs vêtements étaient étranges. La plupart d'entre eux tenaient un petit objet qui m'était inconnu dans leurs mains. Qu'est-ce que... Je me levais d'un bon, paniquée. Où pouvais-je donc bien être ? Qui étaient tous ces gens ? Et qu'était-il arrivé à Arendelle ? Je regardais les passants défiler sans comprendre, et l'idée me vint. Je devais être en train de rêver, tout simplement. Ce monde ne pouvait pas exister. Je fis quelques pas vers la rue principale. Au moins j'avais eu la présence d'esprit de commencer mon rêve dans une ruelle déserte. Je me faufilais parmi la foule en espérant que je me réveillerais bientôt. Je n'avais jamais pris conscience que mon imagination était si fertile, où étais-je allée chercher tous ces détails ? Il n'y a que dans les rêves les plus fous que l'on peut croiser ce genre de personnages. Tant de personnes différentes, tant de vêtements que je n'avais jamais vus et ces odeurs ! D'où provenaient-elles ? Des odeurs ? Il n'y  jamais d'odeur dans les rêves ! Ou alors c'était un nouvel aspect de mes pouvoirs dont j'ignorais tout ? Quoi qu’il en soit, ce n'était pas pour me rassurer. Je tentais désespéramment de ne pas céder à la panique mais je sentais la peur m'envahir. Je m'attrapai machinalement le bras pour me rassurer. C'est alors que je réalisai que ma main était glaciale. Je la retirai vivement et en la regardant je vis une fine pellicule de givre la recouvrir. Mes pouvoirs ! Je n'avais jamais souhaité faire ça ! En avais-je de nouveau perdu le contrôle ? Mon rêve prenait de plus en plus des allures de cauchemar. J'essayai de reprendre le contrôle, et me risquai même à m'adresser à l'un des nombreux passants.

«  Excusez-moi, pouvez-vous me dire où nous sommes ? »

Il me regarda, hébeté, avant de balbutier quelque chose qui ressemblait à « Niou Iork ». Je n'avais jamais entendu un tel nom. Avais-je vraiment pu inventer cela ? Je repris mon chemin, de plus en plus inquiète, voyant les visages d'une foule immense défiler. Leurs regards, tantôt amusés, tantôt réprobateurs, mais où-étais-je ?

Je me retournai, cherchai à comprendre lorsque quelqu'un me bouscula. En tombant, je sentis une légère douleur. Et mon mauvais pressentiment se confirma. La douleur n'existe pas dans les rêves, non décidément tout ceci paraissait bien trop réel. Et si après tout j'étais bien réveillée ? D'inquiète, je venais de passer à paniquée. D'avoir perdu tous mes repères, de n'avoir aucune idée ni de l'endroit où je me trouvais, ni du sort d'Arendelle, ni de ce qui m'était arrivée. Rien, pas le moindre indice. Et mes pouvoirs qui n'en faisaient qu'à leur tête ! La pellicule de givre commençait à s'étendre sur mon poignet, il fallait que je me cache avant que quelqu'un ne s'en rende compte. Je me précipitai dans le premier bâtiment sur mon chemin et constatais avec affolement qu'elle était pleine de gens qui semblaient attendre quelque chose. Je n'avais aucune idée de ce pourquoi ils patientent, mais je n'avais pas le temps de m'en préoccuper et je rentrai d'un pas pressé dans la première salle accessible. Une fois persuadée que je n'avais pas été remarquée, je me terrai dans un coin. Fort heureusement, la salle était plongée dans le noir et personne ne prêtait attention à moi. Je me forçais à faire le vide dans ma tête, à contrôler ma panique avant que l'on découvre mes pouvoirs lorsque soudain une image gigantesque se projeta sur le mur du fond, accompagnée d'un son retentissant. Mais où étais-je donc tombée ?!

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Maybe it's just a dream, maybe nothing else is real

Ce doit être un don chez moi. Celui de partir pour une destination précise et finalement arriver dans une autre complètement différente. La meilleure preuve à l'appui en date, c'était encore mon arrivée dans ce monde étrange; je commençais à m'y habituer, et je savais que c'était parce que je n'y étais pas seul. J'avais déjà pu rencontrer des gens, et la plupart d'entre eux avait cherché à m'aider. Et pourtant... Je ne pouvais m'empêcher d'éprouver une certaine nostalgie, et désirer rentrer chez moi. Tout me manquait là-bas, ma vie, mes amis, ma tante, les traitements de Baymax... Ce n'est qu'une fois loin qu'on se rend compte à quel point la routine nous manque.

Je le disais malgré tout et c'est indéniable: si je cherchais un moyen de rentrer, je commençais à me faire à New York. Objectivement, j'aurais très bien pu tomber dans un endroit bien plus hostile et austère, et encore plus seul. Non; là j'avais quand même quelques points de repère, il y avait autour de moi des lieux et des choses que je connaissais... Comme ce cinéma par exemple. Pourquoi y étais-je? Au départ, je n'avais pas voulu venir; mais au moyen de publicités on avait fait l'annonce d'un blockbuster de science-fiction. Mes récents colocataires - ceux qui m'hébergent plutôt - étaient persuadés que ce film me permettrait d'en apprendre plus sur les technologies de ce monde, pas moi. Mais comme j'avais lu sur internet ensuite que les critiques étaient plutôt favorables...

Au moins je n'avais pas été surpris par la longue file d'attente pour acheter une place, seulement par son manque de discipline. On dit souvent que plus les gens se massent, plus le Q.I général descend et là c'en était un bon exemple; beaucoup auraient pu penser à acheter un ticket en ligne... Il y a de la technologie ici, bien suffisamment pour s'en servir. Du coup et sans cacher ma satisfaction, j'avais pu gagner un siège bien plus tôt que tout le monde.
Dans la mauvaise salle.
Je regagnais la bonne peu avant le début des bandes-annonce, mais après que la foule y prenne place. Je me retrouvais dans un coin de la pièce, pas vraiment bien placé; mais c'était déjà un miracle que celle-ci soit vacante. Mais alors que les annonces débutaient, j'avais entendu un soupir de surprise près de moi. Tout près. Le film n'avait pourtant pas commencé, il n'y avait rien d'effrayant là-dedans... En plissant les sourcils, je me retournais pour attendre la prochaine image lumineuse à l'écran qui me permit de voir une jeune femme assise par terre dans un angle, les membres rassemblées comme si elle avait voulu chercher à disparaître. Des yeux apeurés rivés sur l'écran, ça je l'avais bien perçu. Ils allaient vite, comme si elle ne comprenait pas ce qu'elle voyait... Non, pire.
Elle semblait... Perdue. Comme si la situation la dépassait. Je n'avais pas hésité un instant en me levant pour m'approcher, et poser un genou au sol devant elle le temps de tapoter son épaule.

- Viens avec moi.

Peut-être que je me trompais, c'était un risque à prendre. Cette fille... Allez savoir pourquoi, mais son expression devait être celle que j'avais eue avant elle en arrivant dans cet endroit. Je voulais l'aider, comme Ariel l'avait fait - m'écouterait-elle seulement? Sans doute; si le pourcentage faible de probabilité d'avoir raison s'avérait tomber sur son cas, alors elle n'avait rien à perdre à me suivre. En plus il fallait l'avouer, je ne devais pas paraître bien menaçant... Elle n'était pas encore debout que je la devinais déjà plus grande que moi. La vingtaine environ. Et apparemment, quelques circuits avaient été déconnectés dans son esprit depuis que je l'avais touchée. On aurait dit qu'elle laguait, car ses yeux avaient totalement cessé de bouger. Étrange... Mais compréhensible, moi aussi j'avais été totalement déboussolé.

Il était temps de mettre en pratique ce que Baymax m'avait appris. Au sens propre du terme, tendre la main à quelqu'un dans le besoin. Objectivement, j'avais très peu eu l'occasion de le faire par le passé, alors que j'avais moi-même sollicité de l'aide. Là, c'était à ne pas manquer. Paume ouverte qui lui était destinée, je la regardais dans les yeux pour essayer de la convaincre - le contact visuel fonctionne bien à ce qu'il paraît - mais je n'avais pas tenu très longtemps avant d'y couper court.

Getting Lost

J'avais failli crier de surprise lorsque le bruit et l'image s'étaient déclenchés. J'avais seulement pu me contenir de justesse, mais je ne fus malheureusement pas aussi silencieuse que je l'avais espéré. Et pour cause, j'étais paniquée. Tout mon corps me hurlait de trembler, de crier, de fuir, de faire quelque chose pour extérioriser ma peur mais je me retins. Qu'arriverait-il si mes pouvoirs s'en mêlaient ? Je ne pouvais pas prendre ce risque. Alors comme toujours dans ce genre de cas, je m'assurais que mes paumes ne touchaient que mes propres bras et je me recroquevillais. Yeux clos, tête baissée, je faisais tout ce que je pouvais pour rester concentrée.

Fais le vide dans ta tête, Elsa. Respire lentement. ça va aller. Calme toi

J'aurais tellement voulu que ce ne soit pas réel. M'allonger là sur le sol, m'endormir et me réveiller chez moi, à Arendelle. Mais je savais que ça n'arriverait pas, et je devais comprendre. Je rouvris les yeux, et les gardais rivés sur l'écran. Qu'est ce que ça pouvait bien être ? Et à quoi ça servait ? C'est sans doute parce que j'étais trop occupée à chercher un sens à ce que je voyais que je n'avais pas entendu cette personne arriver près de moi. Je sursautai à son perdis brièvement le contrôle.

Pas ça ! J'avais hurlé intérieurement. Mais était-ce bien intérieurement ? J'aurais juré entendre une voix. Mais une vois calme, pas un cri. Et cette voix, ce n'était peut-être pas même la mienne. Alors celle de l'autre personne ?

Je perçus un mouvement sur le côté, une main qu'on me tendait. Je voulus la repousser pour ne pas risquer de blesser sa propriétaire mais me retins de peur que mes pouvoirs fassent encore des leurs. Je décidais finalement de tourner mon regard pour le planter dans celui de l'inconnue. C'est alors que je réalisais que "cette inconnue" était en fait "cet inconnu"...

" C-ça va, je peux me lever seule" tentais-je de balbutier presque brusquement en me redressant doucement, avant de glisser un remerciement discret. J'aurais voulu lui faire comprendre que j'étais reconnaissante de son aide mais que je ne pouvais pas prendre le risque de le toucher, mais comment lui dire sans me trahir ?

Visiblement, il ne me tint pas rigueur de refuser sa main tendue, ou en tout cas il n'en montrait rien. Une fois debout, je profitais de la lumière maintenant fixe pour examiner la salle. Par chance, personne ne faisait attention à nous, tout le monde avait les yeux rivés sur cet image gigantesque. Et le bruit était bien trop assourdissant pour que l'on nous entende. Mais quel était donc cet endroit ? Est-ce que les gens venaient souvent s'infliger ce genre de choses ici ? Cette pensée me ramena au jeune garçon qui me regardait curieusement.

Un grand bruit retentit soudain, et tous les regards revinrent se river sur l'image, y compris le mien. Je ne comprenais pas tout mais de toute évidence il s'agissait de quelque chose de violent. En tout cas, quelque soit cette chose elle me mit mal à l'aise et je préférais profiter de ce que mon jeune compagnon observe attentivement ce qu'il se passait sur le mur du fond pour l'observer.

Comme l'avait trahi sa voix il était jeune, à peine adolescent à mon avis. En tout cas il ne devait probablement pas m'arriver plus haut que l'épaule. Je ne pouvais pas en être sûre dans cette obscurité mais je devinais aussi des cheveux sombres et en bataille. Et tout à l'heure ses yeux m'avaient semblé étranges. Il étaient plus petits que les miens, et bien plus en amande. Et marrons, ce qui n'était pas très commun à Arendelle. Ce devait être un étranger, comme ceux que l'on rencontre dans les terres du sud. Enfin d'après les récits de voyages que j'avais entendus, je n'avais jamais eu l'occasion d'aller vérifier par moi-même. Est-ce que tous le gens étaient ainsi ici ? Était-ce là que j'étais, dans les lointaines terres du sud ? J'avais des milliers de questions à poser à ce jeune homme, et je ne pourrais certainement pas le faire dans ce bruit, ni dans cette pénombre. J'aurais bien voulu partir mais il semblait intéressé par cette chose sur le mur. Alors que j'hésitais à le déranger plus longtemps, il se retournait de nouveau vers moi. Et si je la tenais là, maintenant, ma chance de comprendre ?

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