Installée sur les marches de l’église de la Madeleine, je fixais les voitures bloquées par l’embouteillage, telle un groupe de maquereaux dans l’océan. Non, je n’avais vraiment pas l’habitude de venir ici.

Je n’avais rien fait d’intéressant dès le matin, me contenant de rester dans mon cabinet jusqu’à attendre qu’un client toque à la porte, ou que Judy m’informe de la présence d’une quelconque fée de Pixie Hollow à New-York via un mail. Vidia était partie depuis quelques jours pour l’hôtel Le Nouveau Monde, lieu où se trouvait l’un des portails qu’avaient fait Merlin. Je lui avais pourtant proposé de rester dans mon appartement (il y avait encore la chambre d’Alison), mais je pense qu’elle ne voulait que sa fierté en prenne un coup en acceptant. Je n’avais donc pas insisté, bien que je ne comprenais pas en quoi passer plusieurs jours chez moi était humiliant. Peut-être qu’elle ne souhaitait pas en colocation avec une personne de l’Autre Monde ? Je n’aurais probablement jamais la réponse.

M’ennuyant à en mourir, j’avais pris la décision de prendre l’air. Plus que cela, de ne plus voir un énième fois mon quartier. J’avais donc quitté le cabinet, pris la moto que j’avais enfin acheté (parce que je m’étais rendu à l’évidence que de me déplacer seulement sur les toits était limité), et pris la route pour une destination aléatoire. Qui s’avéra être le 8ème arrondissement, lorsque je vis de loin son imposante église. Je garais alors le motocycle un peu plus loin, et m’assis sur les premières marches.
Ça me fit un bien fou. Certes, aller dans une zone rurale avec de belles collines vertes pouvait davantage me faire du bien. Mais je savais me contenter des petites choses.

Alors que je pris finalement la décision de rentrer au cabinet, au cas où il client était finalement arrivé et n’avait que rencontré la porte close, qu’une silhouette se détacha des passants traversant la route. Mon coeur rata un battement. C’était elle. Alison.

Cela me semblait impossible. Comment pouvait-elle être devant moi, alors que ça faisait des mois que je la cherchais. Et pourtant, plus je la fixais, et plus j’étais persuadée qu’il s’agissait de cette personne.
Je voulais lui courir après, la prendre dans mes bras et lui répétait que j’étais désolée, et qu’elle m’avait manqué. Mais j’avais peur qu’elle fuit. Je la suivais donc discrètement, sur le trottoir parallèle au sien.
Je due finalement traverser la route sur le passage piéton. Mais plus j’attendais, plus j’emmerdais les voitures qui traversaient en toute légalité. Quelques minutes plus tard, je pus enfin le faire, Mais Alison avait disparu.

Je regardais autour de moi, me demandant qui pouvait être assez attentif pour l’avoir aperçu. Peut-être le marchant de granite ? Je respirais alors profondément avant de m’avancer vers lui.

« Excusez-moi, auriez-vous vu une blonde aux yeux bleus qui vient de traverser cette rue? »

Je crois que j’étais vraiment désespérée pour demander ça à quelqu’un.

Avec un peu de chance, Alison n’était pas très loin et je pouvais facilement la rattraper. Pourtant, le marchant de granité était formel : aucune blonde n’était passé dans la rue.
S’était-elle volatilisée, ou étais-je vraiment désespérée au point d’halluciner ?
Abattue, je me laissais presque tomber sur le caniveaux. J’aurais pu continuer la route, en le remerciant au passage, jusqu’à me rendre compte que je l’avais perdue de vue. Mais là, la réalité venait de prendre le dessus sur mon optimisme. Je me contentais alors de me forcer à ne pas pleurer,  ayant eu l’impression d’avoir reçu une véritable gifle.

Comme pour me consoler, le vendeur de granités me tendit l’un de ses produits.

« Merci... » lançais-je faiblement, encore sous le choc de ce que je venais de réaliser.

Même si pomme-cola n’était pas mon parfum préféré, j’aspirais la glace fondue doucement. Ça eut le don de me calmer.

Le blond, qui me faisait penser à quelqu'un (mais qui?), en profita alors pour me proposer son aide. Si seulement…

« C’est une longue histoire... »

Expliquer à un inconnue que ma petite amie avait rejoint un groupe de chasseurs Disney afin de résoudre nos problèmes conjugaux, me laissant seule ? Je crois que je ne valais pas mieux que Mally.

« Pour faire simple, Alison, que je cherche, est partie du jour au lendemain. Sans me laisser de nouvelle. Ça doit faire maintenant… un an, et quelques jours. A peu près. » continuais-je en jouant machinalement avec la paille de mon granité.