Nous pouvions dire que c’était un grand jour ? Oui et non, tout dépendait du point de vue dans le quel nous nous placions. Pour certains, cela ne serait qu’une journée banale, pour d’autre, un moment important. Il y a peu, j’eus pour patiente une jeune femme atteinte d’un sévère traumatisme lié à la perte d’un ami, qui suivait toute une liste de tragédie. Evitant les détails, elle me raconta son histoire où elle avait recueilli une seconde jeune femme, devenant presque une mère poule pour elle. Situation à la fois compréhensible, mais pouvant être dangereuse, il fallait l’aider à retrouver un semblant de confiance envers le monde et elle-même. Et la première idée qui me venait, fut d’accepter de prendre sa protégée sous mon aile, où elle gagnerait un peu d’autonomie. Voir son amie chez quelqu’un de confiance et ne risquait rien, me paraissait être une bonne idée.

Voilà pourquoi j’étais dans ma voiture, remontant les rues de Londres pour venir chercher cette nouvelle « employée ». Certes, tout ceci pouvait paraitre si peu conventionnel, mais important pour la thérapie. Je comptais surtout mettre en place un cadre pouvant aider les deux jeunes femmes à s’épanouir et retrouver cette confiance dans la vie, perdue. Ce sera certainement long et éprouvant, mais il fallait surtout garder confiance.

La radio n’apportait pas beaucoup de nouvelle aujourd’hui. Quelques malheureuses agressions au début du mois, fort triste, toutefois aucune grande Nouveauté. On parlait bien de l’agitation qui prenait le gouvernement en ce moment avec le Brexit, mais pour moi ce n’était que des paroles en l’air et une perte de temps, car jusque-là, rien n’était encore décidé au final. Mais je m’égare, reprenons notre histoire. Il n’eut pas de bouchon, ce qui était bien. La route ne fut donc que ralentit par quelques feux, permettant une conduite presque fluide pour arriver à destination.

"Bon, je crois que c’est ici." Marmonnais-je à moi-même, pendant que je tentais de me garer entre deux véhicules.

Comment me sentais-je ? Et bien, un peu bizarre il fallait l’avouer. Comme dit, c’était une première, mais si cela portait ses fruits, je pourrais toujours en écrire une thèse et présenter ceci lors d’une prochaine convention. Voyons cela comme une expérience, la recherche d’une thérapie quelque peu alternative. Aider les proches pour aider le patient. Dit ainsi, la chose paraissait beaucoup plus plaisante. Soufflant un bon coup, je fis retentir trois petits coups contre la porte en bois. On m’invita directement à entrer, ce que je fis. Passant le seuil de la porte, j’affichais un sourire pour donner une première bonne impression et mettre la dénommée Sun bien à l’aise.

Tentative paraissant loupée, car elle eut comme un mouvement de recul, me prenant sans doute pour une kidnappeuse, ou un agent du gouvernement appartenant à une organisation secrète. J’avais des patients adeptes de la théorie du complot, un m’avait qualifié de la sorte une fois. Bref, ne me laissant nullement démonté par cette première rencontre, je demeurais courtoise et professionnel. Mais la pauvre jeune fille devait vraiment être perturber par ma personne, car elle confondit l’outil de son travail et son prénom.

"Enchantée aussi, vous devez être Sun ? Je suis Moïra Macsilwood, c’est un plaisir."

La première pensée qui me vint à l’esprit quand j’examinais celle se tenant en face, fut d’une enfant. Plutôt une adolescente. Car niveau vestimentaire, cela était impeccable, mais quelques accessoires comme le sac, trahissait un état d’esprit bien enfantin. Aucun jugement n’était porté à son encontre, en réalité j’analysais pour mieux savoir comment m’adresser et me comporter avec elle. Sun et Dayhun vivaient dans un cadre qui ne me paraissait pas complétement sain, et donc j’étais venue pour aider et non accuser qui que ce soit.

"Alors Sun ? Prête pour l’aventure ?" Un peu d’humour, toujours histoire de mettre en confiance et rassurer tout le monde.

Codage par Libella sur Graphiorum

La jeune femme avait une curieuse façon de s’exprimer. Sans vouloir être vexante, on aurait dit une enfant sachant à peine parler, ou bien qu’elle se soit retrouvée perdu au milieu d’une forêt ou une grotte pendant des années et qu’elle est retrouvée le monde humain seulement depuis peu. Mais je dirais en effet plus l’esprit d’une enfant, voyant le look porté sur les épaules, la faisant passée justement pour une gamine d’école maternelle. Quoi qu’il en soit, j’acquiesçais à ce qu’elle me disait et ainsi nous étions parties.

Autant vous dire que la conversation était… Particulière. Car plus cela venait, plus je me posais des questions, me demandant même dans quoi étais-je tombée au final. Déjà, cette question d’enfermement me fit froid dans le dos. Même si je me souvenais de ce que Dayhun m’avait racontée, sa peur de la perte de l’être chère, je constatais que les choses paraissaient plus graves que je l’aurais crue. Donc en voiture, j’en profitais pour discuter un peu avec Sun, essayez d’en savoir plus, toujours armée de douceur dans la voix :

"Elle t’enferme souvent ?"

Première petite question, mais c’était cette histoire de hache qui me fit sortir les yeux de la tête, ne comprenant pas de quoi elle parlait. Sérieusement, on se croirait dans un thriller avec un psychopathe cachait à la fin de cette histoire. Je me doutais bien qu’il y avait une explication derrière tout cela. Car j’eus compris par ses expressions, que Sun eut du mal à s’exprimer sur ses idées, restant simple, faisant des raccourcies. Et donc, afin de s’en assurer, d’autres questions venaient :

"De quels coups de haches parle-tu ? On ne frappe pas les gens avec tu sais."

La conversation par la suite, devenait plus « sympathique ». Nous parlions de chat, ce qui était une bonne chose. Des études montraient que notre attachement à un animal décrivait au mieux notre personnalité et notre relationnel avec la société. Cependant, chacun allait de son interprétation, et j’en avais la mienne. Très vite elle enchaina après sur un dénommé Kevin, qui visiblement, cet homme provoquait quelques troubles dans la relation Sun/Dayhun. Toujours comme une enfant, la jeune femme se confiait volontiers, sans rien demander, cherchant visiblement à créer un lien positif et rassurant en voulant faire plaisir.

"Kevin semble en effet être un très bon ami. J’aimerais beaucoup que tu m’en parle. Et tu as raison, un chat c’est mignon. Qu’aimerais-tu avoir comme chat ?"

Le mieux était de rentrer dans son jeu. Beaucoup diront que ce n’était pas une bonne idée, qu’il fallait faire face à al réalité et pousser à tout dire. Que nenni ! Sun souffrait visiblement d’un trouble, lié probablement à un traumatisme pouvant être lié à un manque de contact sein avec autrui. La jeune femme semblait donc vivre dans un autre monde, du moins en venir, mais découvrait le notre à son rythme, l’appréhender et vouant bien s’entendre avec les autochtones. Une rencontre brutale aurait eu de graves conséquences. Quelque soit le mal qui semblait frappé Sun, cela pourrait rendre son état pire qu’à la base. Mais bon, cette demande afin qu’elle fasse le ménage chez moi, servait avant tout de thérapie. Même si au départ c’était pour aidée ma patiente, Sun aussi pourra en profiter, car elles avaient cruellement besoin d’aide l’une que l’autre.

"En tout cas je suis bien contente de te rencontrer Sun. Ton amie ma parler de toi et tu sembles être une personne très charmante."

Ainsi nous arrivions chez-moi. Ouvrant la porte, j’invitais Sun à entrer. Posant les clefs je la guidais jusqu’à notre salle à manger. L’espace était plutôt spacieux avec une table à manger pouvant accueillir près d’une dizaine de personne, une télé avec grand écran posé à l’autre bout dans le coin salon à côté, quelques vases, pantes vertes et peinture pour décorer le tout. "Je te souhaite la bienvenu chez moi. Tu peux poser tes affaires sur une chaise ou le canapé si tu veux."

Me dirigeant vers le fond de la pièce, j’ouvris ce qui se révéla être le placard où furent ranger de façon précise et ordonné, tout le matériel destiné au ménage. Produit pour les vitres, pour les meubles, aspirateurs, balai brosse… Bref, nous ne manquions de rien. "Voici donc tes armes Sun. Et si tu as faim…" Ayant vue à qui j’avais à faire, je désirais m’adapter. Donc, je me dirigeais vers la cuisine, ouverte sur la salle à manger, séparer par un simple plan de travail. Ouvrant un des placards, j’en sortie une boite transparente, que j’ouvris et déposais sur la table.

"Voici quelques biscuits pour toi. Et si tu as soif, tu as du jus dans le frigo. Je te laisse donc travaillée ? Je serais dans mon bureau à l’étage s’il y a le moindre problème d’accord ? Si tu as des questions."

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Dayhun m’avait prévenue que Sun, se prenait pour un balai. En effet, je pus constater cela à travers les propos de la jeune femme. Elle parlait bien de balai, mais aussi de coups de haches. Visiblement une déformation de son esprit, car je notais aucune séquelle sur son corps, aucun membre amputé. En réalité, on dirait bien que Sun avait plus besoin de l’aide d’un psychiatre que d’un médecin urgentiste ou d’un psychologue. Son état mental était proche de celui de l’enfant. Une forme d’autisme peut-être. Il était possible aussi qu’elle avait du mal à mettre des mots sur ses pensées. Alors je lui posais la question suivante sur un ton inquiet :

"Qui t’a donné des coups de haches ?"

Pour la suite, c’était l’esprit à moitié tranquille que je rejoignais mon bureau à l’étage. J’aurais aimé classer mes dossiers et revoir certaines fiches, mais tracassée, ce fut des recherches que je menais. Non plus sur ma thèse, mais sur notre nouvelle employée. Curieuse, je fis tournée les pages de plusieurs manuels pour comprendre ce que souffrait cette jeune femme. Sun semblait bien être un cas particulier, et sans doute devrais-je passer quelques coups de fils. Rassurez-vous, je ne comptais pas la dénoncée et l’envoyer se faire enfermer. Juste un besoin de renseignement pour savoir à quoi m’attendre et gérer comme il fallait, la nouvelle femme de ménage.

Quelques livres ouverts devant moi, me racontaient des cas proches de notre amie. Il fut noté aussi des références, des noms à contacter pour plus d’information. Ce que je fis en attrapant mon téléphone, lorsque tout à coup, un vacarme énorme fit trembler la maison. Le sol avait vibré sous mes pieds. En alerte, j’abandonnais mes affaires pour me précipitée vers le rez-de-chaussée. De suite, je soupçonnais Sun d’en être à l’origine. Pas qu’elle est cassée quelque chose, mais étant victime d’un accident.

Arrivant en bas, je découvris avec surprise, la bibliothèque à terre, vomissant ses ouvrages tel un ivrogne sortant d’un bar. Et Sun… Se cachait derrière son balai, comme un personnage de dessin-animé. Perplexe, je cherchais à savoir ce qu’il s’était passé.

"Que s’est-il donc passé ? Vous allez bien au moins ?"

Déjà, m’assurée de son état, qu’elle ne fut pas blessée lors de l’accident. Visiblement non, cela ressemblait plus à une bourde classique, qu’à un drame. Voilà qui était déjà rassurant. Comme on le disait, plus de peur que de mal. Il n’eut même pas de casse. Toutefois, cela était surprenant de constater que pour une femme experte en ménage, elle eut déjà renversé quelque chose, même pas cinq minutes après le début de son premier jour de travail.

"Rassurez-vous ce n’est rien. Tenez, vous voulez bien m’aider s’il vous plait ?"

Attrapant un coin du meuble, je cherchais à redresser ce dernier. N’oublions pas que ce « travail » était avant tout une thérapie. Elle visait à aidée aussi bien Dayhun que Sun. Et je me doutais déjà que les débuts ne seront pas faciles. Peut-être eu-je la prétention de croire que cela coulerait plus facilement toute de même, mais je ne me démontais pas. En colère fus-je ? Pas du tout. Juste surprise, mais la patience serait payante. Et puis, là j’étais bien plus inquiète pour Sun que mon mobilier. Si elle s’était reçu la bibliothèque sur elle, là j’aurais été dans tous mes états, car oui, j’étais pour la journée, responsable d’elle, et aussi que j’étais soucieuse du bien être de tout le monde.

Au moins, je pouvais donc souffler un peu. Car rassurée de constatée cela, ce fut déjà un poids en moins sur les épaules. Cependant, je restais de plus en plus dubitatif concernant la jeune femme, désireuse plus que jamais de comprendre de quoi il en retournait. De quoi souffrait-elle ? Comment s’était-elle retrouvée dans un tel état ? Et c’était quoi cette histoire de hache à la fin ? J’eus comme un pressentiment tout de même…

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Avec les dernières informations fournis, je cru comprendre un peu mieux le cas de Sun. Si elle ne m’avait pas parler de la souris mascotte de production vidéoludique d’animation pour enfants, jamais je n’aurais deviné la chose. Visiblement, la jeune femme semblait souffrir d’un trouble de la personnalité. Du moins une de ses formes. Sa façon de parler, sa réaction face au monde qui l’entoure et j’en passe. Ils existent plusieurs types de ce trouble, mais là nous étions visiblement face à une personne se revêtant la personnalité d’un personnage fictif. Une détresse affective ? Un mécanisme de défense face à un traumatisme ? Difficile à se prononcer pour l’heure.

Quand nous eûmes terminée de remettre le meuble en place sans plus de casse que cela, Sun en profita aussi pour me poser une question. Une demande difficile à exaucer. On croirait qu’elle se voyait encore dans ce filme du début des années 2000. Je ne me souvenais plus très bien de ce qu’il se passait, sans doute devrais-je y jeter un rapide coup d’œil afin de me documenter et mieux savoir quelle approche adoptée envers ma nouvelle patiente.

"Euh… Et bien je n’ai jamais eu de hache. Je suis née et grandit ainsi sans soucie."

Difficile toujours de savoir quoi dire. Nous étions de deux mondes si différends, la communication risquait d’être compliquée. Cependant je cherchais les mots justes, à comprendre son langage pour y trouver une traduction et ainsi, discerner qui était réellement Sun. Cela ne risquait pas de se faire en une après-midi. Mais à la longue, avec beaucoup de travail, nous pourrions arriver à quelque chose.

"Dis-moi « Balai », qui est Dayhun ? A-t ’elle reçut des coups de haches aussi ?"

Règle importante, ne jamais contre dire le malade. S’il s’agissait bien d’un mécanisme de défense, il ne fallait pas le brutalisé au risque de subir une contre-attaque violente. Et les conséquences pourraient être dramatique, comme la destruction totale et définitive de l’esprit du patient. J’en avais vue justement qui ne fut traiter avec soin. Ils devenaient soit des légumes ou bien des êtres violents et hostiles à tout le monde. Leurs médecins se sont fait taper sur les doigts.
Là, je cherchais petit à petit à comprendre l’Histoire de Sun, ou Balai. Sans doute tout serait imagé à travers le conte moderne de Disney, mais j’espère pouvoir à la longue, deviner la vérité à travers sa fable et identifier le traumatisme l’ayant conduit ains dans cet état.

"Et toi ? Quelle est ton histoire Balai ? Tu as des frères et sœurs ?"

Questions simples, basiques… Mais qui apportaient bien plus d’informations qu’une demande complexe et bien visée. Il fallait laissée la jeune femme s’exprimer. A partir d’une réponse, elle devait pouvoir dire ce qu’elle en ressentait, ce qu’elle pensait important à narrer et ainsi apportés les premières pièces du puzzle.
Avais-je peur de me loupée ? Oui. Malgré toute l’expérience que j’avais derrière moi, il existait toujours un risque d’erreur plus ou moins important. Chaque cas était unique, chaque psyché différente. Un challenge devant chaque individu. S’occupée d’une nouvelle personne, c’était comme repartir de zéro à chaque fois. La différence fut qu’on arrivait à mieux discerner certains troubles et à les nommer. Mais faire confiance à son expérience et se croire assez intelligent pour ne plus se tromper était la plus grave erreur qu’on puisse faire. Se surestimer n’était jamais bon pour quoi que ce soit. Et donc, je préférais prendre des pincettes avec Sun, avancer doucement comme sur un champ de mines.
Je le sentais bien d’ailleurs, que la pauvre jeune femme était quelqu’un de plutôt vulnérable et naïve. Une enfant piégée dans le corps d’une adulte et qui se cachait sous le masque d’un personnage fictif. Sans doute que ce dernier, représentait au mieux qui elle était vraiment. La question qu’on pouvait aussi se demander fut si oui ou non, Dayhun était responsable de cet état, ou plutôt en partie, aggravant son cas ?

Codage par Libella sur Graphiorum