Les différences sont nombreuses. La vie n’a rien à voir. En un sens, elle est plus aisée. Plus facile. Les maladies sont moins nombreuses à ce qu’il a compris. Le peuple a l’air plus serein. Mais la vie reste foncièrement différente, comme si un certain nombre de valeurs sociales, morales, avaient été balayées d’un simple revers de la main. Adam ne comprend pas très bien ce mode de vie. A la cour, au château, tout est différent. Ce nouveau monde dans lequel il met les pieds est effrayant. Pour lui c’est l’inconnu, mais Belle aussi s’est confrontée au néant en entrant dans son château. Belle avant lui a dû avoir peur, de cette étrangeté, de ces objets du quotidien qui se mouvaient sous ses yeux, de cette affreuse et laide créature qui hantait le château. Si elle n’a pas eu peur de lui, pourquoi devrait-il avoir peur de ce monde ?

L’inconnu terrifie, il désempare, il laisse place à l’incertitude, au nouveau. Tous les repères du roi sont abattus, plus rien ne lui évoque son temps. Pourtant la ville, en elle-même reste identique. Les vieux bâtiments lui rappellent son monde. La cathédrale par exemple, existait déjà. C’est la raison pour laquelle c’est elle qu’il est allé voir. Il s’y est rendu à pieds, incapable de se familiariser avec ces transports souterrains. Lorsqu’il s’est arrêté, là, debout devant l’immense bâtisse il s’est perdu un temps dans ses rêveries, dans ses songes. Ce pays est le sien, ce monde, il le connaît. Pourtant, le temps n’est pas le même. Mais alors d’où vient-il, qui est-il réellement si il est à la fois familier et étranger de cet univers qu’il redécouvre ? D’un mouvement de la tête, délicat, il balaie les alentours. Ce monde dans lequel il met les pieds est le sien, il ne tient qu’à lui d’y trouver ça place et quelque part, il en a parfaitement conscience.

Alors qu’il balaie la place des yeux, les mains glissées dans ses poches, Adam arrête son regard sur une femme aux longs cheveux roux. Durant un instant, il ne s’interroge pas vraiment sur son identité. Ici, beaucoup de femmes lui rappellent Belle. Bien sûr, les femmes de cette époque sont différentes, avides de nudité, plus bruyantes, bien moins intelligentes certes … Puis il y a cette jeune fille, cette lady qui semble se différencier. Plus calme peut-être, à la fois sereine et perdue. Adam pose sur elle un regard qui se veut curieux, ses pupilles la suivent dans chacun de ses mouvements dans l’attente qu’elle ne relève doucement le visage pour dévoiler les traits de sa personnalité. Lorsqu’elle s’exécute, dans un hasard total, le cœur du roi manque un battement.

« - Anastasia ... »

Le prénom est prononcé d’une voix particulièrement faible. D’ailleurs Adam lui-même n’est pas certain de ce qu’il dit. Il se fige un instant, les traits tirés sous l’interrogation. Il se rapproche machinalement d’elle, d’une façon peu convenable et lorsqu’il comprend que cette femme est la même que celle rencontrée dans son monde, dans son époque, il se redresse, l’air plus courtois et l’interpelle.

« - Votre Grâce ? »

Mais voyant qu’elle ne réagit pas, ou peut-être simplement, qu’elle ne l’entend pas, il recommence, plus près cette fois.

« - Anastasia ? »