Était-ce pour se rassurer ou pour se faire du mal ? Il y avait quelque chose dans ce concept d’aquarium géant qui avait toujours intrigué Gill. Ce genre de musée de l’horreur où des gamins par milliers venaient voir tout plein d’êtres marins derrière des murs de verre, comme pour les narguer d’être libres de courir et de jouer où ils veulent comme bon leur semble tandis qu’eux n’ont même pas la place de nager sur plus de cinq mètres. Gill détestait cette manière d’utiliser les poissons comme des bêtes de cirques que l’on enferme pour le bon divertissement de ces humains qui au sommet du règne animal. Alors quand il avait appris qu’un aquarium se trouvait à quelques minutes à pied de l’immeuble dans lequel il logeait, il s’était juré de ne jamais y mettre les pieds. Il ne voulait même pas s’en approcher. Aujourd’hui pourtant, la curiosité était plus forte. Quelque part, il avait besoin de se rendre compte de ce qu’il s’y passait réellement à l’intérieur. Il voulait avoir le cœur net sur la manière dont les animaux marins étaient traités, même s’il n’était pas certain, à son niveau, de pouvoir y changer quoi que ce soit.

C’est pourquoi il était là, amer, le visage serré, à marcher dans ces couloirs emplis de monde, à regarder d’un air de pitié chacun de ces poissons qui n’avaient pas eu la chance, comme lui, de connaitre le monde merveilleux de l’Océan. Impuissant, frustré de ne pouvoir rien y faire, il s’attardait devant chaque vitre, peiné, comme pour leur montrer son empathie face à cette situation désastreuse. Si seulement les humains avaient un peu plus d’égard pour les autres espèces animales…

Alors qu’il se perdait dans ses pensées à imaginer un monde sans humains, un monde paradisiaque où chacun pouvait naitre et mourir là où l’ordre naturel avait établi qu’il le devait, il croisa le regard insistant d’un poisson clown de l’autre côté de la vitre. Surpris, Gill se rapprocha d’un bond et se colla presque au verre pour l’étudier de plus près. C’était un petit poisson, sans doute un enfant, ou un adolescent, dont l’une des nageoires semblait étonnamment plus courte que l’autre. Était-ce un fait ou une illusion d’optique, il n’en fallut pas plus pour l’ancien idole des maures pour penser à Némo. Était-ce vrai ? Était-ce lui, qui le regardait d’un air triste, ou d’un air fâché, un air qui semblait lui dire « Tu as changé, Gill, tu fais partie du camp ennemi, maintenant » ? Non, non, il fallait qu’il lui dise, qu’il n’avait pas changé, qu’il était toujours le même, qu’il détestait ce nouveau corps et qu’il ferait toujours ce qu’il peut pour les sauver. Il fallait qu’il lui dise ! Pris d’un élan soudain, Gill posa sa main contre la vitre et tenta de se justifier :

« Némo ! Némo, c’est moi, c’est Gill ! Je vais te sortir de là, je vais t’aider, tu as ma parole ! »

Il n’avait encore aucune foutue idée de comment il procèderait, mais il trouverait. Il avait déjà élaboré des plans plus complexes que ça, même s’ils n’avaient pas toujours fonctionné comme il l’aurait voulu. Les gens autour devaient le prendre pour un fou, mais qu’avait-il à faire de leur jugement ? Lui-même n’avait que peu d’appréciation pour eux, alors leur mépris, ils pouvaient bien se le mettre où il le pensait !

Gill n’était pas certain que le poisson en face de lui soit réellement Némo. Il lui ressemblait beaucoup, c’était indéniable, mais plus il le regardait et moins il y croyait. Et puis, comment se serait-il débrouillé pour se retrouver dans un aquarium à Paris ? Néanmoins, son simple souvenir le poussait à lui parler, à lui promettre sa délivrance. Pour lui, pour Némo, pour tous les autres poissons qui mériteraient une vie meilleure. Il allait le sortir de là. Il ne savait pas comment, mais il allait le faire. Tant pis s’il passait pour un taré ; ça ne changeait pas tant de ses habitudes de toute façon.

Persuadé que tout le monde autour le regardait comme une bête de foire, il fut extrêmement surpris de voir une femme arriver, coller sa tête contre la vitre et parler au même poisson en le nommant Fabio. Ou Elmo ? Est-ce qu’elle se fichait de lui ? Les humains avaient un sens de l’humour terrible parfois, ça ne le surprendrait pas. Sauf qu’elle avait prononcé le nom de Marlin, et ce fut ce qui mis la puce à l’oreille de Gill. Marlin, c’était ainsi que se nommait le père de Némo ! Qui que soit cette femme, et malgré les noms étranges qu’elle semblait attribuer au poisson clown, elle devait forcément le connaitre, elle aussi ! Peut-être une amie de Marlin ? Peut-être qu’elle aussi, c’était un poisson devenue humaine ? Ça alors ! Gill sentit une vague d’espoir lui réchauffer le cœur. Si c’était bien vrai, alors il n’était pas seul ! Se sentir comme un alien parmi tous ces bipèdes lui pesait plus qu’il n’aurait bien voulu l’admettre ; mais c’était rafraichissant de se dire qu’ils étaient peut-être deux dans le même cas. Gill lui sourit sincèrement en retour lorsqu’elle s’adressa à lui, se demandant si elle avait compris, elle aussi.

La femme ne laissa pas le temps aux présentations et passa tout de suite au brainstorming pour trouver un plan qui aiderait le petit poisson clown à se sauver de là. Ça allait bien à Gill, plus vite ils libèreraient Némo – ou en tout cas le petit qui lui ressemblait – et mieux il se sentirait. Il était un peu déconcerté par la familiarité de son discours, comme si elle échangeait avec un ami de longue date, mais ne s’en fit pas pour autant. Pas de temps pour les manières, de toute façon, et puis ça lui allait très bien comme ça. Il hocha la tête, affirmant :

« Oui, ça pourrait marcher. Il est assez petit pour passer par les tuyaux, et comme je le dis toujours, tous les drains mènent à l’Océan. »

Confiant, il se retourna vers l’aquarium. Le poisson avait bougé un peu mais il le vit un peu plus sur la droite, la tête tournée vers le fond de l’aquarium. Gill tapota contre la vitre et attendit que le petit poisson clown se retourne vers lui. Il lui expliqua alors :

« Némo, écoute-moi bien. Fouille l’aquarium, tu devrais trouver une grille derrière laquelle se trouvera un tuyau d’évacuation. Essaie de t’y infiltrer et suis-le, tu trouveras forcément la sortie ! Sois prudent, car ça peut être dangereux ; mais j’ai confiance en toi, d’accord ? Tu peux le faire ! Va maintenant, va ! Sauve-toi de là, retrouve ton père ! »

Mais le poisson ne bougeait pas. Mince. Peut-être qu’il avait raison, ce n’était sans doute pas Némo, finalement. Est-ce qu’il le comprenait, au moins ?

« Tu m’entends ? Ecoute, tu n’es peut-être pas Némo. J’ai connu ce gamin il y a un petit moment, et tu me fais penser à lui. Je veux t’aider. Fais-moi confiance, pars ! Pars ! »

Il vit le poisson s’éloigner et sourit, certain l’espace d’un instant qu’il avait réussi à le convaincre. Mais sa joie ne dura pas longtemps : finalement, le poisson clown préféra rejoindre un autre groupe dans le creux d’un rocher. Que faisait-il ? Pourquoi ne s’enfuyait-il pas ? Il n’y avait plus de doute, ça ne devait pas être Némo, le gamin avait plus de jugeotte que ça. Confus, Gill se tourna vers la femme et fit part de ses interrogations :

« Mais enfin, mais qu’est-ce qu’il fait ?? Tu penses qu’il ne m’a pas compris ? Au fait, tu le connais d'où toi, Némo ? »

Au milieu de l’aquarium, le poisson clown nageait sans but, comme s’il ne comprenait pas qu’il n’avait rien à faire ici et que son échappatoire était si proche. Ce n’était pas Nemo, c’était certain à présent. Nemo aurait compris, Nemo aurait tout tenté pour sortir d’ici. Nemo était un battant, un vainqueur, il n’était pas du genre à lâcher aussi rapidement, Gill l’avait connu assez pour le savoir. Déçu, un peu frustré de ne pas s’être fait comprendre par le poisson – même si ce n’était pas Nemo, n’aurait-il pas dû au moins réagir à ses cris ? – il soupira et tourna le dos à l’aquarium, une fois ses questions posées à la femme près de lui. Maintenant qu’il y pensait, est-ce qu’elle l’avait appelé Elmo ? Ou avait-il simplement mal entendu ? Connaissait-elle réellement Nemo ou était-elle seulement tarée ? Sa réponse leva cependant le mystère sur son identité. Gill se souvint d’un poisson bleu, qui avait débarqué chez le dentiste dans le bec de Nigel le pélican aux côtés de Marlin. Est-ce que c’était elle ? Alors, il avait raison, c’était bien un poisson, elle aussi ! Elle avait été transformée en humaine, comme lui ! Gill aurait pu crier de soulagement – mais il ne le fit pas, ce n’était pas tant son genre d’exprimer autant ses émotions – par la simple idée de ne pas être seul. Elle était comme lui ! Sans cacher son sourire, il répondit :

« Moi, je suis Gilles, j’étais un poisson aussi. J’ai aidé Nemo à sortir de l’aquarium du dentiste, à Sydney. »

Elle était bizarre, quand même, parce qu’elle garda sa main tendue un moment, après qu’il l’ait serré. Elle avait l’air un peu à l’ouest, d’ailleurs il avait noté qu’elle était repassée au vouvoiement après lui avoir parlé aussi familièrement tout à l’heure. Mais était-ce réellement important ? Il venait enfin de rencontrer quelqu’un comme lui, c’était tout ce qu’il voulait retenir. À présent, il ne voulait plus la lâcher. Il voulait lui parler de tout, du pourquoi, du comment, de cette condition de bipède qu’il détestait, de la civilisation humaine à laquelle ils avaient été obligés de s’accommoder, de l’océan dans lequel ils ne pouvaient même plus respirer. À deux, peut-être que l’enfer serait plus vivable. Mais actuellement, Dory semblait plus intéressée par l’aquarium et le poisson clown que par lui. Gill le chercha de nouveau et le trouva rapidement, presqu’au même endroit que tout à l’heure. Mais pourquoi semblait-il si serein ? Ne savait-il pas que les poissons clowns n’était pas fait pour vivre enfermés ? À croire que depuis que Gill était passé de l’autre côté de l’aquarium, les poissons étaient tous devenus complètement idiots, comme s’ils ne réfléchissaient plus à ce qu’il fallait faire ou non pour s’en sortir. Il s’était déjà fait cette réflexion, quelques mois plus tôt, lorsqu’il avait tenté d’en sauver quelques-uns en les jetant dans la Seine. Ou bien peut-être qu’en France tous les poissons étaient ainsi ?

Dory proposa de rejoindre le poisson directement dans l’eau pour se faire entendre, et désigna une porte « employés seulement » de laquelle elle s’approcha. Gill supposa qu’elle devait être humaine depuis très peu de temps pour faire une réflexion aussi stupide. Il décida de lui expliquer gentiment :

« Malheureusement, depuis que l’on est humains, on ne peut plus respirer ni parler sous l’eau. Même si on trouve un accès, on ne pourra pas y aller nous-mêmes. »

Il continuait à réfléchir, cependant, à un moyen d’aider le poisson. Il savait désormais que ce n’était pas Nemo, mais il restait un poisson clown, et il méritait de vivre dans un endroit où il ne serait pas une bête de foire. Il se demanda un instant s’il était là avec sa famille, mais les autres poissons clowns de l’aquarium ne semblaient lui prêter aucune attention, alors Gill supposa qu’il était seul. Le pauvre serait bien plus heureux dans l’Océan, il n’avait aucun doute. Peut-être pourrait-il même y retrouver ses parents. Ils devaient faire quelque chose. Alors il suivit Dory par la porte ouverte, espérant que personne ne les surprenne ici, et lui expliqua son plan :

« Il faudrait que l’on trouve un seau, et que l’on pêche le poisson clown avec. Je ne crois pas que ce soit Nemo, pour être honnête, il n’avait pas vraiment la même attitude. Mais si j’ai l’occasion d’aider un poisson, un enfant qui plus est, je veux le faire. On le fera sortir d’ici dans notre seau et on l’emmènera directement dans l’océan. »

La porte les menait directement vers un escalier, qu’ils empruntèrent, sans savoir où ils allaient. À l’étage, ils arrivèrent face à un couloir. Gill tenta une porte sur la droite, qui contenait des équipements de plongée. Il revint dans le couloir pour ouvrir la porte en face, et tomba sur une sorte de débarras dans lequel s’entassaient des produits ménagers. Il trouva au fond un seau et une serpillère et, avec un sourire vainqueur, se saisit du seau qu’il débarrassa. Désormais, il n’y avait plus qu’à trouver comment récupérer leur petit protégé.

Seau à la main, Gill suivit Dory sur la passerelle au-dessus de l’aquarium où se trouvait le poisson clown. Pour être complètement honnête, il n’était plus vraiment certain de ce qu’il était en train de faire. Même s’ils parvenaient à attraper le petit dans leur seau, qu’allaient-ils faire ensuite ? Il avait déjà appris que les jeter dans un fleuve pour qu’ils nagent d’eux-mêmes jusqu’à l’Océan était une mauvaise idée ; il n’oublierait jamais cette vision d’horreur qu’il avait eu des petits cadavres flottants dans la Seine. Non, s’il voulait libérer un poisson tout en le gardant en vie, il fallait qu’il aille directement le déposer dans l’Océan, et même là, il fallait le faire progressivement de sorte à ce qu’il s’y adapte. Or, il était actuellement à Paris, il faudrait qu’il parcoure des milliers de kilomètres s’il voulait trouver une zone maritime adéquate au poisson clown. Il ne croyait pas pouvoir le garder dans un seau pendant autant de temps. Peut-être aurait-il dû songer un peu plus à un plan, plutôt que d’embarquer Dory là-dedans sans réfléchir au reste.

Car Dory ne semblait pas avoir eu les mêmes réflexions que lui. Elle avait l’air très emballée par ce sauvetage improvisé du poisson clown, à l’entendre l’appeler depuis la passerelle. Encore une fois, ce nom de Fabio. D’où est-ce que ça pouvait bien venir ? Peut-être avait-elle su dès le début qu’il ne s’agissait pas vraiment de Némo et avait préféré lui donner un autre nom ? Dans tous les cas, ses exclamations n’eurent pas plus d’effet que lorsqu’ils étaient derrière la vitre de l’aquarium, mais Gill s’y était attendu. Depuis qu’il était devenu humain, il lui semblait que les poissons n’étaient pas aussi alertes et perspicaces que ceux qu’il avait connus quand il était encore un des leurs. Il ne comprenait pas vraiment bien pourquoi, mais c’était ainsi. L’homme était sur le point d’annoncer ses réflexions à Dory quand celle-ci lui arracha le seau des mains et, sans lui donner le temps de s’exclamer, plongea dans l’eau et nagea vers le poisson clown. Les yeux grand ouverts, abasourdi par ce qu’il venait de voir, Gill se rua vers la rambarde qui longeait la passerelle et cria :

« Dory ! DORY ! Reviens! »

Nom d’une étoile de mer, mais sur quelle genre de folle était-il tombé ? Il pouvait comprendre qu’elle ne soit pas habituée à être une humaine, lui-même avait dû prendre un peu de temps à s’adapter à sa nouvelle vie, mais il lui semblait l’avoir prévenue que plonger directement dans l’eau serait une mauvaise idée. Et voilà qu’elle se mettait à agiter les bras vers les passants qui la regardaient d’un air ébahi, mais qu’est-ce qu’elle fichait ? Il fallait qu’elle sorte de là immédiatement. Gill chercha autour de lui, mais il n’y avait rien qui pouvait aider sa partenaire de mission à revenir à la surface. D’où il était, il pouvait la voir se débattre avec le seau et chercher à respirer, et il était à deux doigts de plonger à l’eau lui aussi pour la secourir quand elle parvint finalement à émerger. Il lui tendit le bras pour l’aider à se hisser sur la passerelle. Il s’attendait à ce qu’elle réalise qu’elle avait fait une connerie en sautant dans l’eau, voire qu’elle admette qu’il avait bien raison tout à l’heure en lui disant que ce n’était pas la bonne chose à faire, mais il n’en fut rien. Quand elle eut repris son souffle, elle ne pensa en vérité qu’à parler du poisson clown et lui expliqua même qu’ils auraient dû utiliser un filet. Ça alors, cette dame était vraiment un sacré phénomène. À se demander comment elle avait pu aider le père de Némo à retrouver son fils.

« Écoute, laisse tomber, il va nous falloir un nouveau plan de toute façon, même si on arrive à le pêcher, on sera bien embêter de savoir quoi en faire ensuite. Et je t’ai dit qu’on ne pouvait pas resp... »

Il se tut en plein milieu de sa phrase. Il venait d’entendre un grand bruit de porte au-dessous d’eux, qui devait provenir de la pièce où ils étaient tout à l’heure. Immédiatement, il entendit des pas qui se hâtaient dans leur direction, empruntant le même escalier qu’eux. Forcément, le plongeon de Dory n’avait pas dû passer inaperçu. Ils allaient être dans de sacrés ennuis s’ils se faisaient attraper par la sécurité, il ne voyait pas en quoi ils pourraient être d’une quelconque aide envers les poissons s’ils se faisaient mettre eux-mêmes derrière des barreaux. L’index sur la bouche pour faire signe à Dory de ne plus faire aucun bruit, il lui attrapa la main et l’entraîna vers l’autre extrémité de la passerelle, espérant trouver une sortie de ce côté-là. Ils arrivèrent quasiment au bout quand il réalisa deux choses, une bonne et une beaucoup moins bonne. La bonne nouvelle, c’était qu’il y avait bien un autre escalier ici permettant de redescendre vers la sortie. La mauvaise, c’était qu’il venait d’entendre de nouveaux bruits de pas provenant de ce côté-ci également. Ils étaient cernés. Gill se retourna vers Dory, les yeux pleins d’urgence, tentant de réfléchir à un plan le plus vite possible pour leur donner une chance de sortir de là. Peut-être que de se jeter à l’eau n’était plus une si mauvaise idée, après tout.

Pendant quelques poignées de secondes, Gill resta figé devant les gardes qui déjà grimpaient vers l’endroit où ils se trouvaient. Non, non. Ça ne pouvait pas se passer comme cela, pas maintenant, pas comme ça. S’ils l’attrapaient, s’ils l’arrêtaient, ce sera la deuxième fois qu’il serait mis en cage par des humains, et il ne pouvait pas laisser faire ça. Il ne retournerait pas dans l’aquarium, c’était hors de question. Il lui fallait un plan, et il le lui fallait maintenant. Creuse-toi la tête, Gill. Il doit bien y avoir quelque chose que tu peux faire. C’est alors que sa partenaire d’aventure de la journée, Dory, fonça tête baissée sur les gardes et envoya le seau en plein dans la tête de l’un d’eux. C’était assez pour déstabiliser un moment les hommes. Aussi impressionné qu’il était par son binôme, Gill décida de ne pas perdre de temps à la féliciter et fonça à sa suite, profitant de la diversion pour s’enfuir vers l’issue de secours. Dory courait devant lui, ouvrant des portes au hasard qui se révélaient être des placards, pas très utiles pour semer les gardes qui avaient repris leur course derrière eux. Enfin, ils aperçurent le panneau de sortie au-dessus d’une porte et accélérèrent le rythme pour courir jusqu’à leur libération.

Ils n’étaient pas encore saufs, cependant. S’ils voulaient être certain d’être hors de portée des gardes, il allait falloir s’éloigner bien plus que cela. Ils prirent l’escalier de sortie, Dory trébucha mais se rattrapa heureusement à la rambarde et reprit son équilibre. Tant mieux, car par réflexe Gill avait levé son bras invalide vers elle et aurait été bien en mal de la rattraper si jamais elle était tombée. La femme termina de descendre les marches, l’ancien poisson noir et blanc juste à sa suite, bien décidé à mettre le plus de distance entre lui et l’aquarium avant de s’arrêter pour reprendre son souffle. Mais c’était sans compter sur Dory qui se stoppa net devant lui et se retourna pour lui rappeler en panique qu’ils avaient oublié Elmo et qu’il fallait revenir le chercher. Gill eut un moment de stupéfaction pendant lequel il resta interdit, se demandant bien ce qui pouvait se passer dans la tête de Dory pour s’écrier ça en pleine course contre des gardes. Déjà, pourquoi est-ce qu’elle parlait d’Elmo ? Gill se doutait qu’elle voulait parler de Némo, mais à quel point ce nom était-il compliqué pour elle pour qu’elle se trompe tout le temps ? Et ensuite, est-ce qu’elle était folle ? Elle voulait retourner là-bas, alors qu’ils étaient complètement cuits s’ils y remettaient les pieds ? Elle avait déjà oublié qu’ils étaient poursuivis ? Il finit par laisser sa stupeur pour répondre :

« Quoi ? Non ! Si on y retourne, ils vont nous choper ! On doit courir, on n’est pas encore sortis d’affaire ! Et ce n’était pas Némo, c’était un poisson clown ordinaire et pour l’instant, il est mieux où il est. »

Il n’en revenait pas de ce qu’il venait de dire à voix haute - penser qu’un poisson était mieux emprisonné dans un aquarium que n’importe où ailleurs, ça ne lui ressemblait vraiment pas. Mais il n’avait pas le temps d’argumenter plus longtemps. La porte par laquelle ils étaient sortis venait de s’ouvrir et il entendit l’un des gardes crier « Ils sont là ! » au-dessus d’eux. C’était maintenant ou jamais. Gill posa une main sur l’épaule de Dory pour l’inviter à courir et fit de même en lui indiquant :

« On contourne le bâtiment, et on se cache. Le temps qu’ils arrivent de notre côté, ils ne sauront pas où on est. »

Gill tourna à l’angle et parcourut très rapidement la zone des yeux dans l’espoir de trouver un endroit où se cacher. Ils étaient arrivés sur le parking de l’aquarium, ce qui était une chance. L’ancien poisson n’avait pas de voiture, ne sachant pas conduire et n’ayant pas réellement l’envie d’apprendre non plus, et au vu de la fâcheuse tendance de Dory à oublier très vite une information simple, il espérait qu’elle n’en ait pas non plus. En revanche, il y avait un bon nombre de véhicules, ils pourraient tenter de se cacher derrière l’un d’eux le temps que les gardes se lassent et repartent d’où ils venaient. Il n’y avait pas de temps à perdre ; Gill entendait déjà le bruit de course des hommes derrière eux, il fallait faire vite. Il entraîna Dory derrière une voiture stationnée et se mit à plat ventre sur le sol, puis en se tournant vers la femme, lui indiqua d’un geste de le rejoindre et de ne pas faire de bruit. Bon, et maintenant, il n’y avait plus qu’à espérer qu’on ne les trouve pas ici, et que Dory se tienne en place. Il ne voudrait pas qu’elle ait de nouveau envie de repartir au secours de Némo et qu’elle révèle leur cachette.

Gill retint son souffle le temps de voir passer des jambes derrière la voiture où ils étaient cachés, priant pour qu’elles s’éloignent rapidement. Il espérait aussi que Dory ne fasse pas tout foirer, il avait compris que quelque chose ne tournait pas rond chez elle, et même si elle avait l’air de quelqu’un de très sympathique, elle semblait souvent perdu et avait du mal à se souvenir de ce qu’elle faisait à certains moments. Il décida cependant de rester optimiste : si c’était bien le poisson chirurgien bleu qu’il avait aperçu dans le bec du pélican en compagnie du père de Némo, c’était qu’elle avait réussi à survivre toute une traversée dans le Pacifique, elle ne devrait donc pas avoir trop de soucis à échapper à quelques gardes d’un Aquarium. En tout cas, c’était ce sur quoi il comptait, jusqu’à ce qu’elle lui demande s’ils pouvaient changer de jeu voire carrément arrêter de jouer. Bon, faudra repasser pour l’instinct de survie. Tandis qu’elle continuait de monologuer, Gill jeta un coup d'œil rapide de l’autre côté de la voiture, mais par chance, personne ne semblait être dans le coin pour l’entendre parler. Ils étaient saufs, du moins pour l’instant, mais quelque chose lui disait qu’ils ne devraient pas rester ici trop longtemps.

Dory était actuellement en train de se plaindre que son téléphone ne marchait pas, ce qui n’était pas étonnant, vu son plongeon de tout à l’heure. Gill secoua la tête quand elle lui demanda s’il avait déjà son numéro et s’ils se connaissaient depuis longtemps. Clairement, elle n’en avait pas fini avec ses problèmes de mémoire, mais l’ancien poisson noir et blanc n’avait pas l’intention du perdre du temps à tergiverser sur le sujet. Il répondit rapidement :

« Non, pas vraiment. Écoute, on verra pour ton téléphone plus tard, mais d’abord, il faut qu’on parte d’ici, d’accord ? Suis-moi. »

Il n’attendit pas de confirmation de sa part, il avait l’habitude de prendre les rênes, comme il l’avait fait déjà à l’époque où il était encore coincé dans l’aquarium avec son groupe de poissons. Il quitta sa cachette, vérifia si elle suivait bien derrière lui et s’éloigna du bâtiment en rejoignant la sortie du parking, à moitié recourbé pour ne pas trop dépasser derrière les voitures et attirer l’attention de potentiels gardes qui patrouilleraient autour. Une fois en-dehors de l’enceinte du Grand Aquarium, ils pouvaient se remettre à marcher normalement. Gill ne ralentit pas pour autant, il voulait mettre le plus de distance entre eux et le bâtiment avant de pouvoir se poser. Quelques rues plus loin, il trouva un petit square avec un banc de libre qu’il désigna à Dory.

« Je pense qu’on n’a plus rien à craindre, maintenant. On peut se poser là et regarder pour trouver ton chemin. »

Il s’assit et sortit son téléphone, qui était lui toujours en bon état, n’ayant pas pris la flotte. Il ouvrit l’application pour afficher la carte et demanda :

« Où est-ce que tu habites, tu te souviens ? »

Il l’avait entendue parler de Londres, un peu plus tôt, mais il espérait fortement qu’elle ne lui répondrait pas qu’elle vivait en Angleterre. Elle devait forcément habiter quelque part dans le coin, ou du moins avoir un logement ici, ne serait-ce que temporaire, Gill ne pensait pas qu’elle ait pu faire l’aller-retour entre les deux capitales dans la même journée, surtout si c’était simplement pour aller visiter un aquarium. Même si elle était là pour les vacances, par exemple, elle devait bien avoir une chambre d’hôtel quelque part. La question était, s’en souviendrait-elle ?

Dory était donc passée par un portail magique pour venir à Paris depuis Londres. Gill ne savait pas s’il devait rire ou s’inquiéter de cette nouvelle, mais en tout cas, il avait bien du mal à croire que ce puisse être vrai. Ce n’était pas tant qu’il doutait de la probabilité qu’une telle chose existe - après tout il n’était plus à un phénomène étrange près, étant lui-même devenu humain en France après avoir passé quelques années comme poisson dans un aquarium à Sydney - mais il ne trouvait pas sa source suffisamment fiable pour accepter tout ce qu’elle pouvait lui dire comme argent comptant. D’autant plus qu’il supposait que si la téléportation était réellement possible d’une ville à l’autre pour les humains dans ce monde, il en aurait déjà entendu parler depuis le temps qu’il vivait là. Il se contenta donc plutôt de ranger l’information dans un coin de sa tête, vraiment au cas où, mais de ne pas rebondir dessus tout de suite, ne souhaitant pas entraîner Dory dans un nouveau délire illusoire alors qu’ils devaient d’abord chercher comment l’aider à rentrer chez elle. D’après lui, elle ne se souvenait sûrement pas comment elle était arrivée jusqu’à Paris et avait donc imaginé que c’était un déplacement instantané, mais entre-temps, elle logeait dans un hôtel. Patient, il lui répondit simplement, tandis qu’elle s’étonnait de ne pas réussir à allumer son téléphone :

« Malheureusement, les téléphones portables ne survivent pas longtemps sous l’eau. »

Si c’était le cas, cela ferait sans doute un moment que les poissons communiqueraient par FaceTime. Dory lui expliqua ensuite qu’elle avait des troubles de la mémoire courte, ce que l’ancien poisson avait déjà deviné tout seul - ou en tout cas, il avait bien compris que tout ne tournait pas bien rond là-dedans. C’était certes un handicap, mais Gill était bien loin de se laisser abattre par ces choses-là, alors cela n’avait que peu d’importance pour lui. Avec de la bonne volonté, tout était possible ; ce qui ne tuait pas rendait plus fort. Il hocha simplement la tête et affirma :

« Je m’en doutais un peu, mais ce n’est pas grave. Si tu arrives à te souvenir de certaines choses avec le temps, c’est déjà un bon début. Essaye de rester concentrée, tu connais le nom de cet hôtel, c’est quelque part dans ta tête, il faut simplement que tu parviennes à le retrouver. »

Il fallait forcer un peu, Gill n’avait pas vraiment l’intention de faire tous les hôtels du coin pour retrouver le bon. Si elle pouvait seulement se rappeler de quelque chose, un signe, un logo, ou même ne serait-ce que la vue qu’elle avait depuis sa fenêtre, cela pourrait déjà les mettre sur une piste. Dory sembla soudainement prise d’une illumination et fouilla ses poches pour trouver un petit papier rectangulaire avec une inscription rédigée dessus. D’un mouvement, Gill se releva avec elle pour tenter de lire lui aussi ce qui était marqué dessus, ce qui n’était pas une chose facile à cause de l’eau. Il réussit néanmoins à déchiffrer « Le Nouveau Monde » que Dory sembla traduire par « Nouveau Mende ». Elle revint à nouveau sur cette histoire de portail, mais cette fois-ci rajouta quelque chose qui piqua l’intérêt de Gill. Il y aurait d’autres gens qui se seraient réveillés ici ? Comme elle et lui, voulait-elle dire ? D’anciens poissons ? Mais ce portail aurait-il un rapport avec eux ? Est-ce qu’il pourrait lui permettre de retourner à l’Océan ? Non, non, il ne fallait pas qu’il s’emballe trop vite. D’abord, ce n’était peut-être même pas réel, car pour autant qu’il sache, ce pouvait encore être simplement l’imagination de Dory. Cette dernière se rassit, mais Gill, trop excité par toutes ces nouvelles informations, ne l’imita pas et se tourna plutôt vers elle pour lui demander :

« Des gens comme nous ? Tu veux dire d’anciens poissons ? Ou même d’anciens animaux devenus humains ? Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de portail ? Tu passes la porte, et magiquement tu te retrouves dans une autre ville ? »

Non, il commençait réellement à trop s’emballer. Il lui posait trop de questions et attendait bien trop de réponses de la part de quelqu’un qui ne comprenait même pas pourquoi son téléphone portable ne se rallumait plus après avoir fait un plongeon dans un aquarium géant. Cela ne le mènerait nulle part. S’il voulait vraiment comprendre cette histoire et s’assurer que ce n’était pas un simple délire, il devrait s’y prendre plus intelligemment. La première étape était déjà de vérifier l’existence de cet hôtel et où le trouver. Il reprit son téléphone, toujours ouvert sur son application de plan, et tapa « hôtel nouveau monde » dans la recherche. Il cliqua sur le premier résultat sorti et afficha les photos de la façade extérieures pour les montrer à Dory :

« Est-ce que tu reconnais cet hôtel ? C’est celui-là ? »

Autant y aller pas à pas. S’il s’agissait du bon endroit, il n’aurait qu’à s’y rendre avec elle et cela suffirait à tirer toute cette histoire au clair.

D’autres animaux. Alors, ils n’étaient pas seuls. Gill avait vraiment envie de se rattacher à ce nouvel espoir, mais il voulait attendre de le voir par lui-même avant de s’emballer. En revanche, il ne comprenait pas bien la partie sur les humains. Qu’est-ce que ça voulait dire, qu’ils s’étaient réveillés là du jour au lendemain ? Là où ? À l’hôtel ? À Paris ? Il garda cette interrogation dans un coin de la tête, ce serait une question à poser une fois qu’il en saurait un peu plus sur cette histoire et ces mystérieux portails. Pour l’heure, le plus important était de réussir à trouver leur chemin. Gill chercha sur Internet une photo de l’hôtel et la montra à Dory, qui confirma. Parfait, il ne leur suffisait donc plus qu’à suivre l’itinéraire indiqué. La blonde l’afficha d’elle-même et se leva pour marcher dans une direction avant de réaliser que c’était dans l’autre sens. Gill eut un petit rire discret mais ne fit pas de remarque, après tout lui-même avait eu du mal à trouver son chemin en utilisant ce machin, au début. Même s’il devait avouer maintenant que c’était plutôt bien pratique. Il suivit l’ancien poisson chirurgien dans les rues de Paris, songeant tout d’abord à prendre le relais avec le téléphone avant de décider de la laisser faire, elle avait l’air tant impliquée dans sa tâche qu’il ne voulait pas la lui retirer.

Ils arrivèrent finalement à l’hôtel qui, comme sur la photo, n’avait pas l’air plus différent qu’un autre. Difficile de croire qu’il y avait là-dedans un portail magique permettant d’arriver à Londres ou à New York en un rien de temps. Mais il ne fit pas de remarques et entra à l’intérieur à la suite de Dory. Celle-ci lui recommanda de faire attention car il pouvait y avoir des humains normaux dans les parages et qu’ils pourraient passer pour des fous, ou pire. Gill hocha la tête tout en notant le frisson de son amie quand elle termina sa phrase. Il se demanda ce que signifiait ce « pire » mais ne voulut pas la brusquer en lui posant la question, il ne souhaitait pas risquer de lui raviver des souvenirs douloureux pour rien. D’ailleurs, elle semblait déjà avoir oublié car elle changea pour un ton plus joyeux en lui disant de la suivre pour qu’elle lui montre le portail. Elle avait un peu écorché son nom au passage, mais il ne lui en voulait pas, ce n’était pas la première à le faire - c’était d’ailleurs la raison pour laquelle il se faisait appeler Gilles ici, plus simple à retenir pour les français.

Elle l’entraîna dans les escaliers et ils grimpèrent les marches rapidement pendant une très longue ascension jusqu’à arriver au treizième. Puis Dory se mit à tenter d’ouvrir quelques portes fermées à clé, ce qui inquiéta Gill qui se demanda s’ils avaient monté autant d’étages pour rien et s’ils allaient devoir faire toutes les chambres avant de trouver la bonne. Finalement, ce fut plus rapide qu’il ne le pensait, car au bout de la cinquième, Dory tomba sur une porte ouverte et entra à l’intérieur, l’ancien poisson sur ses talons. Au début, il ne vit rien qui ne sortait de l’ordinaire et la déception l’envahit tandis qu’il réalisait que ce n’était qu’une fausse piste depuis le début. Il savait pourtant qu’il n’aurait pas dû nourrir tant d’espoirs, mais ç’avait été plus fort que lui. Pourtant, sa camarade n’avait pas l’air découragée : au contraire, elle lui montra un coin vide de la pièce en lui proposant d’essayer. Il la regarda confus avant de lui expliquer :

« Dory, il n’y a rien ici. C’est vide. »

Il ne savait pas trop à quoi il s’était attendu, de toute façon. Une espèce de gros tourbillon noir capable de les transporter à l’autre bout de la planète ? Tout ça dans une chambre d’hôtel ? C’était un peu ridicule, non ? Il s’approcha du coin désigné par Dory pour lui montrer qu’il n’y avait rien, mais alors qu’il le faisait, il vit quelque chose d’étrange. Comme si l’angle dans le mur était déformé, ou qu’il le voyait à travers un mur d’eau. Mais ce n’était pas un mur d’eau, non, c’était plutôt comme une sorte de… fumée invisible ? C’était ça, le portail ? Alors c’était réel, Dory n’avait pas juste complètement déliré ? Mais si les portails existaient vraiment, cela signifiait que tout ce qu’elle avait dit était vrai également, qu’il y avait d’autres personnes comme eux, d’anciens animaux devenus humains. Il ne serait plus jamais seul. Curieux, il voulut passer sa main à travers le vortex avant de se dire que c’était sûrement une mauvaise idée : si elle finissait à New York et que le reste de son corps restait ici ? Il avait déjà bien assez d’un bras difforme.

« Comment ça fonctionne ? Je pense à une ville et je me jette dedans ? Ce n’est valable que pour Londres et New York, ou je peux aller n’importe où ? Mettons que je veuille aller à Sydney, par exemple, ça marchera aussi ? »

S’il pouvait aller à Sydney, il irait sûrement faire un tour chez ce fichu dentiste qui avait fait de sa vie de poisson un enfer et lui collerait une droite, à lui et à cette folle furieuse qui lui servait de nièce. Pour une fois qu’être humain avait des avantages, il n’allait pas s’en priver.

La chambre d’hôtel disparut pour laisser place à une petite pièce contenant quelques étagères chargées de livres. Ils avaient réussi, le portail avait fonctionné. Peu importe où ils étaient, peu importe s’ils s’étaient retrouvés à Sydney ou simplement dans la salle d’à côté : Gill venait d’avoir la preuve qu’il était possible de se téléporter d’un endroit à un autre et cela lui donnait plus d’espoirs qu’il n’en avait jamais eu depuis son arrivée chez les humains. Dory lui expliqua qu’ils étaient à Londres et pour une fois, Gill la crut sans douter. Elle avait eu raison jusque là, ce n’était pas juste un délire, le portail magique était réel. Et s’il était réel, alors la possibilité de retourner à l’Océan un jour devait l’être aussi. Peut-être que s’il le pensait assez fort… Ou peut-être que ce fameux Simon à New York pourrait l’aider. Quoi qu’il en soit, il trouverait un moyen, plus rien ne pouvait plus l’empêcher de s’en persuader, à présent.

Dory s’installa devant un ordinateur pour rechercher quelque chose dans le navigateur. Elle lui expliqua qu’elle habitait proche d’une piscine et qu’une fois là-bas, elle saurait se débrouiller pour rentrer chez elle. Gill hocha la tête tandis qu’elle notait l’adresse sur un papier, mais il n’était pas certain de vouloir la laisser seule, qui savait si elle n’allait pas se perdre en route ou oublier ce qu’elle faisait au moment de rentrer ? Il prit le crayon qu’elle lui tendait, nota son prénom suivi de son numéro sur le papier comme elle lui avait demandé, puis proposa :

« Tu veux que je t’accompagne jusque chez toi ? Ou bien, laisse-moi au moins t’appeler un taxi, je te dois bien ça. »

Il sortit son téléphone de sa poche et chercha sur Internet le numéro de la compagnie de taxi locale pour demander à ce qu’on vienne la récupérer. Puis il raccrocha et revint vers Dory pour lui tendre la main :

« Merci pour tout, Dory. Je ne sais pas si tu te rends compte, mais ce portail que tu m’as montré, ça change beaucoup de choses pour moi. Tu m’as ouvert les yeux et tu m’as redonné l’espoir de retourner peut-être à l’Océan un jour. Je te revaudrai ça. Prends soin de toi. »

Dans quelques minutes, elle aurait sûrement oublié toute cette conversation, mais pas lui. S’il trouvait un jour un moyen de retrouver sa vie d’avant, il ne la laisserait pas derrière, pas question. Ils iraient ensemble. D’un sourire sobre, Gill lui fit un geste d’au revoir et retourna vers le portail. La journée n’était pas encore terminée, peut-être pouvait-il tenter de voir jusqu’où celui-ci pourrait l’emmener. Ou, dans le pire des cas, il pourrait passer voir New York, tant qu’à faire.