Le regard perdu dans l'immense tableau, le Prince contempla son passé, son présent et son avenir. L'œuvre représente un vieil homme, assis dans un trône d'or. Sa couronne repose sur sa tête dégarnie, et sa moustache immaculée et imposante semble narguer le monde entier. Le regard du vieillard est pétillant de vitalité, bien que les rides creusent son visage marqué par les ans et les soucis. Il fut un temps, ce vieil homme avait d'épais cheveux noirs qui couvraient toute sa tête. Il n'avait jamais été très grand, contrairement à son épouse, mais il compensait ce léger défaut par des muscles épais et une force de caractère à toute épreuve. Cet homme est, depuis trente longues années, le Roi de ce royaume. Aimé de tous, malgré ses excentricités et ces quelques caprices qui, heureusement, sont rares, il a su gérer son royaume d'une main de maître. À l'écoute de son peuple, il lui arrive cependant d'agir sur un coup de tête, c'est pour cela qu'il est accompagné par ce noble qui le suit partout, comme un petit toutou. Il est d'ailleurs étonnant qu'on ne voit pas son gros nez dépasser de l'arrière du trône sur cette peinture... Le Prince sourit, amusé par cette pensée, avant de reporter son attention sur la couronne, posée sur un confortable coussin, trônant sur un piédestal de marbre, quelques mètres devant le tableau. Cette couronne, elle a été portée par plusieurs générations de souverains. L'or est usé, malgré le fait qu'il reste bien entretenu. Bientôt, le prêtre la déposera sur la tête du Prince. Il deviendra Roi et gouvernera à son tour ces vastes terres.  Il apportera sa contribution à des siècles de prospérité... Et pourtant, tout cela a failli s'arrêter voilà vingt sept ans de cela.

Le Roi avait une femme. Une épouse de grande taille, belle, respectée et aimée de tous... Mais elle avait une santé très fragile. Après cinq ans de mariage, elle avait enchaîné les fausses couches. La naissance du Prince fut un véritable miracle. Il devint un garçon fort et plein d'énergie, mais le bonheur ne pouvait pas durer. La Reine tomba malade, et succomba lorsque le jeune Prince fêta son septième anniversaire, laissant un Roi dévasté et un jeune garçon sans mère. Mais les années eurent raison du chagrin. Le petit grandit et devint un jeune homme grand et fort, qui avait toutes les qualités requises pour devenir un grand roi.  Le seul problème : il était déjà un adulte accompli depuis bon nombre d'années et il n'était toujours pas marié, au grand dam de son père qui rêvait de voir son château rempli de petits enfants courant dans tous les sens. Le Prince, lui, n'était pas pressé. Jouissant de sa jeunesse, de ses compétences à l'épée et à l'équitation. Il s'amusait, profitait, tout en apprenant le dur métier de souverain au côté de son père qui n'hésitait plus a l'envoyer en mission diplomatique dans le monde entier.

Le Roi pris donc les devants , et il organisa le fameux bal où le prince rencontra Cendrillon. L'histoire, vous la connaissez. Une chaussure de bal en verre, une belle mère tyrannique, des demis sœurs excecrable,  des animaux qui parlent et vous avez l'histoire de Cendrillon. Le Prince tomba fou amoureux d'elle, et mis tout en œuvre pour la retrouver. Grâce à la chaussure de verre, cela fut possible, et il l'épousa dans une cérémonie fastueuse. Les années passèrent bien trop rapidement au goût du Prince. Agé désormais de trente sept ans, père de deux garçons, il n'attendait plus grand chose de la vie, si ce n'est la tranquilité en attendant de devenir Roi. Son père avait encore une santé de fer, même s'il vieillissait et que ses os le faisaient de plus en plus souffrir.  Le voilà donc aujourd'hui, debout face à la couronne qui a vu les crânes de bon nombre de souverains. De son doigt ganté de blanc, il caressa le métal et laissa échapper un soupir las. Ses garçons étaient maintenant de solides bambins, il aimait toujours autant sa superbe épouse qui était une princesse respectée et aimée de tous. Il ignorait pourquoi il se sentait aussi las. Sans doute la contemplation de son passé, de son présent et de son avenir l'ont rendu quelque peu morose.

Il décida donc de sortir à cheval, il aimait galoper dans les plaines, sentir le vent sur son visage et les muscles puissants de son destrier entre ses cuisses. Son cheval, un fier étalon blanc, était une force de la nature. Comme s'il avait senti le besoin de s'aérer de son maître, il trépignait d'impatience. Les deux galopèrent à vive allure et, petit à petit, le Prince se sentir mieux...

Puis ce fut le noir. Le Prince ne sut jamais ce qu'il s'était passé... Mais quand il se réveilla, il était allongé sur le dos. Était il tombé de cheval ? Où était il dans ce cas ? Il se redressa et regarda autour de lui, muet de stupeur. Il n'était plus dans la prairie, il n'était plus dans leur royaume, il était sur le pont d'un bateau.