31 octobre 2023

« La blessure de Jayden, c’est une morsure. » Que Mally répond, faisant raisonner l’information dans la tête de l’esprit qui sent ses jambes prêtes à l’abandonner. Hors de question que ce soit ça, pense-t-il, faisant un pas vers l’arrière. « Nous étions trop sous le choc pour le dire. Sauf que le temps s’écoule, nous devons prendre une décision. » Hors de question, il n’y a aucune décision à prendre aussi longtemps que Jayden respire encore, pense-t-il en secouant la tête vigoureusement, sentant les larmes chatouiller les racines de ses cils. « Je retourne le problème encore et encore et je pense que le mieux est une balle dans la tête avant qu’il ne se transforme. » Et voilà la phrase de trop qui fait couler les larmes le long des joues de Bruni sans aucune retenue. Il ne veut pas..! Il ne peut pas..! Pas tout de suite, c’est trop injuste. Le regard brouillé de l’adolescent cherche à analyser celui de son ami, espérant entrevoir un refus de cette idée, mais malgré ses airs effrayés, Jayden se contente de lui dire que tout ira bien. « Je suis désolé, j’ai vraiment pas fait exprès. » Des paroles si stupides pour ce genre de moment qui auraient sans doute fait rire Bruni si ce n’avait pas été lui la victime. Ça le fait pleurer un peu plus et, perdu dans ses pensées, Bruni ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il lui arrivera maintenant. Jayden lui dit que Mally et Alice sont de confiance, mais que lui arrivera-t-il si elles venaient elles aussi à mourir ? Qui veillera sur lui ? Qui lui donnera plus de nourriture par simple bonté ? Qui voudra l’enfantiliser ? « T’inquiète pas. Tu sais utiliser un micro-ondes maintenant, ça fait longtemps que t’as plus besoin de moi. Ça va aller, je te le promets. » que Jayden lui dit pour le rassurer, le faisant arrêter de pleurer pendant un bref instant. « Mais t’es trop con, y’a même plus d’électricité… » répond-t-il, en reniflant et en s’essuyant les yeux. Ça aussi, ça lui manquera ; ces conversations sans queue ni tête et ces réflexions qu’il ne sort d'on ne sait où juste avant de dormir.

Les larmes se remettent alors à couler, car penser à tous ces moments qu’ils ne pourront plus jamais vivre ensemble, ça lui fait mal. Son cœur se pince et son estomac se tord, il se sent tellement impuissant alors que depuis le tout début, c’est lui qui à le véritable pouvoir grâce à son feu. Pourquoi aimer les gens fait aussi mal..? « Partez devant, Kevin et son ami vous conduiront à l’épicerie et aux autres survivants. Je vous rejoindrai quand j’aurais fait ce qui doit être fait. » Hors de question. Bruni ne peut se résoudre à l’abandonner sans l'accompagner jusqu’à la fin, il le sait au plus profond de lui que si les rôles étaient inversés, Jayden n’aurait pas pu le faire non plus. « Non, je reste. » répond-t-il sans hésitation. « On est ensemble depuis le début, je veux être là jusqu’à la fin. » Il le sait bien que le voir mourir sous ses yeux risquerait d’être la chose la plus difficile à vivre après qu’Hadès ne soit jamais revenu, mais c’est la chose à faire. Un faible sourire se dessine sur son visage, observant Jayden de ses yeux gonflés comme pour lui prouver que rien ne pourrait rompre le lien qu’ils ont noués depuis le début de cette aventure, puis, ressentant le besoin de lui donner un dernier câlin, l’esprit le prend dans ses bras et ferme les yeux un instant en espérant pouvoir se souvenir de cette chaleur lorsqu’il en aura besoin.  

( Pando )

31 octobre 2023


« Bruni, s’il te plaît, essaie pas de nous suivre, reste ici avec Alice.  » Ces paroles brisèrent un peu plus la salamandre qui sentit de nouvelles larmes couler le long de son visage. Il comprenait ce qu’on demandait, mais cette idée lui faisait si mal… La simple idée de ne plus jamais pouvoir le revoir lui donnait l’impression de suffoquer. « T’as pas besoin de voir ça et j’ai pas envie que ça soit la dernière image que t’aies de moi. Si tu dois faire un dernier truc pour moi, je veux que ça soit ça. » L’esprit hocha la tête, approuvant la dernière demande qu’on lui avait fait, sans même réaliser que malgré sa bonne volonté de la respecter, celui-ci en serait incapable. Il avait tourné le dos au duo qui se dirigeait vers un magasin et, instinctivement, il chercha une main à attraper pour y trouver du réconfort, mais il n’y en avait pas. Il n’y en avait pas, car la seule main qu’il aurait pu avoir était en train de s’éloigner pour devenir quelque chose d’inerte.

Les secondes qui s’écoulaient lui semblaient durer une éternité et malgré le fait que Bruni savait qu’il devrait se diriger vers le groupe, ses jambes semblaient figées, comme si elles étaient enracinées dans le béton. Ce fut finalement la détonation du fusil qui le fit sursauter et qui le fit prendre conscience de son corps. « Jayden ! » cria-t-il en se tournant en direction du bruit sourd. « Jayden..! » cria-t-il de nouveau s’élançant vers le magasin. Qu’il avait été naïf de croire qu’il pourrait accepter sa mort. Qu’est-ce qui lui avait pris de lui avoir dit d’aller à la benne à ordure ?! Tout ça c’était de sa faute ! À bout de souffle, Bruni se retrouva face à Mallymkun qu’il poussa dans l‘empressement pour se frayer un passage jusqu’au corps de Jayden désormais inanimé. Sans même vérifier l’état de son ami, la salamandre s’agenouilla devant lui et posa son front contre le sien, sanglotant et en murmurant  des excuses confuses ; J’aurais pas dû… Ça aurait dû être moi… Tous ces mots venaient se percuter contre ses lèvres tremblantes, mais aucun n’étaient suffisants pour exprimer la culpabilité qui le rongeait. C’était lui l’esprit du feu, c’était à lui de veiller sur les humains… Alors pourquoi n’avait-il pas su protéger le dernier être vivant qui comptait pour lui ?

Les joues couvertes de larmes, Bruni ne se préoccupait pas du sang de Jayden qui venait lui tâcher le front ; ils ne seraient plus jamais ensemble. Plus jamais Jayden ne l’agacerait à parler autant, plus jamais son rire contagieux ne viendrait dessiner un sourire sur ses lèvres… Bruni était seul désormais et bien même qu'on lui dise qu'il était désormais le temps de l'abandonner et de continuer leur chemin, l'adolescent restait obstiné à rester à ses côtés. « Vous comprenez rien … » avait-il sangloté, glissant la tête dans le creux du cou du corps inanimé. « J'ai … J’ai plus rien maintenant … » Il savait bien qu'il devait être fort et que sa mort allait finir par être moins douloureuse chaque jour, il avait bien survécu à celle des autres, mais cette fois-ci c'était différent. Il n'y avait plus personne digne de confiance, plus personne pour lui faire croire qu'il y avait encore de l'espoir. Divagant dans sa folie, Bruni ne s'aperçut pas immédiatement que le corps sur lequel il s’appitoyait se mettait doucement à bouger et alors que celui-ci se mit à grogner, les yeux embrouillés de Bruni s’agrandirent : « Tu l'as raté ? » demanda-t-il confus. Puis un nouveau grognement sortit de la gorge de Jayden qui commença à reprendre sa vivacité. « Tu l'as raté..! » S'écria Bruni en cherchant à se déloger vigoureusement de la créature qui était tout sauf la personne qu’il avait aimé.

Malheureusement, avant même que Bruni ne puisse se lever, le monstre s'était déjà jeté sur lui et le mordit à la jugulaire, le faisant pousser un cri de douleur qui alerterait n'importe quel zombie se trouvant dans les parages. Se débattant de toutes ses forces, Bruni réussit à se libérer de sa prise et il lui donna un violent coup de pied au thorax alors qu'il tentait de ramper près de la sortie tout en se tenant le cou pour tenter d'arrêter l'hémorragie. Le coup fut assez violent pour que le corps soit projeté contre le mur là où un tuyau arraché du mur l’embrocha. « Oh putain … Jayden … » pleura Bruni, à bout de souffle, la main désormais recouverte de son propre sang. La créature aux traits déformé par le virus continuait de grogner et à tendre les bras en sa direction cherchant à finir son repas, mais la barre restait bien plantée en son centre et l'empêchait d'attaquer qui que ce soit. « Je veux pas finir comme ça..! » Pleura de plus belle l'esprit alors que son teint pâlissait et que des frissons venaient envahir ses membres. « Je veux… » les larmes coulèrent sur ses joues alors qu'il fermait les yeux. « Je veux pas mourir. » Souffla-t-il une dernière fois avant que sa main abandonne la plaie qui continuait de se vider jusqu'au col de son uniforme scolaire.


Dans son lit, Bruni se réveilla en sursaut, couvert de transpiration et le cœur battant si fort qu'il pensait que celui-ci était prêt à sortir de sa poitrine. Bien que la pièce soit plongée dans le noir et qu’un silence lourd envahissait l’endroit, ce rêve lui avait semblé si réel qu'il ressentait le besoin de se lever et d'aller explorer l'appartement. Hésitant pendant un bref instant, il se glissa hors des couvertures, puis il déposa une main sur son cou qui lui brûlait comme si du venin lui parcourait les veines ; pourquoi cette douleur était-elle toujours présente ..? Parcourant les couloirs à l'aide de la lampe torche de son téléphone, Bruni ne pu faire autrement que de réaliser que ce rêve n'était rien de plus que ça : un rêve. L'appartement n'avait pas changé d'un poil, aucune barricade n'avait été faite à la porte d'entrée et un ronflement régulier dans la chambre des maîtres semblait présager qu’Hadès et Perséphone y dormaient paisiblement. Tel un enfant, Bruni se surprit à vouloir les déranger et à leur demander s'il pouvait dormir avec eux, car ce rêve lui semblait bien trop réel, mais il se ravisa après y avoir fait trois pas. Non, il ne pouvait pas. Qu’est-ce qu’Hadès penserait de lui ? Il rebroussa donc chemin et, de nouveau installé sur son lit, se rendormir ne semblait pas être une option : son cœur battait toujours aussi fort et ses mains moites ne faisaient que lui rappeler l’horreur qu’il avait cru vivre.

Il décida finalement d'ouvrir la messagerie de son téléphone et d'écrire un message à Jayden : « Mec, est-ce que ça va ? J'ai fait un rêve trop chelou, tu crevais et… » Et il effaça. « J'ai fait un cauchemar, tu t'étais fait mordre par un zombie et tu m'as tué. » Il effaça de nouveau. Non, c'était étrange de lui envoyer un SMS pour lui parler d'un rêve, qui faisait ça ? Ils n’étaient pas si proches que ça, ça serait trop bizarre de faire comme si, simplement à cause d’un rêve où il avait mis à nu ses véritables sentiments pour lui. Soupirant bruyamment, l’adolescent laissa tomber son téléphone dans ses couvertures et fixa le plafond de sa chambre jusqu’à ce que le sommeil le surprenne à nouveau.

( Pando )