Beaucoup de gens connaissent ta légende. Beaucoup de petites chinoises se sont identifiées à toi au fil des siècles, parce qu'elles admiraient ta force et ta bravoure. Tu as laissé plus d'un songeur avec ta capacité à te déguiser en homme sans rien laisser paraitre, avec ta victoire contre les Huns et en sauvant toute la Chine à l'aide de ton armée. Mais ce que les gens ignorent, c'est que ta légende n'en est pas une, et que cette histoire est la tienne.

Fa Mulan, tu es née dans une famille bourgeoise un jour de printemps, les cerisiers étaient encore en fleurs et celle qui t'a donné vie avait tenu à pouvoir les contempler depuis la fenêtre de sa chambre. Fille de Fa Zhou et Fa Li, tu étais la première, mais tes parents n'ont finalement jamais eu d'autre enfant. Naitre en tant que fille n'était pas chose aisée, surtout lorsque tu étais l'héritière, pourtant tu as toujours été choyée. Si dans le havre de paix qu'était ta maison tout semblait respirer l'harmonie, une guerre faisait rage à l'extérieur contre le peuple des Huns. Tu n'avais pas 6 ans quand ton père dut s'engager dans l'armée pour défendre votre pays : il en gardera des séquelles, se déplaçant difficilement sans sa canne pour le soutenir. Mais malgré ses blessures, il gardait sa sagesse et son sourire, estimant qu'il devait remercier vos ancêtres qui veillaient sur votre famille tels des divinités d'être encore en vie.

Petite fille, tu n'as malheureusement pas su trouver la place qui était tienne. 'Malheureusement' pour toi. Tandis que celles avec qui tu devais partager jeux et rires coiffaient leurs poupées, tu errais avec une épée de bois à la main. Tes cheveux étaient plus familier de la paille et des brindilles que des peignes et des rubans. Les regards admiratifs des autres se tournaient vers leurs mères et les bijoux de jade qu'elles arboraient ; tu étais fascinée par l'armurerie de ton père. Tu savais que tu n'étais pas 'normale', que tu étais différente. Tu avais peu d'amis : les filles ne comprenaient pas tes jeux, les garçons refusaient de jouer avec toi. Alors tu avais essayé de changer, une fois. Intégrant un petit groupe qui s'amusait avec des poupées, tu étais restée parmi elles pendant toute une après-midi. La plus longue de toute ta vie. Tu avais finalement décidé d'assumer tes gouts et de rester telle que tu étais, même si tu resterais loin des jeux des autres enfants. Tu ne serais jamais seule de toute façon, ta famille t'aimait telle que tu étais, c'était le plus important pour toi. Tu as toujours été très proche de ta grand-mère qui aimait cette différence. Tes parents savaient que tu allais changer avec l'âge ; ils l'espéraient.

Le jour de tes 15 ans, tu t'en rappelleras toute ta vie. Tes parents te firent le merveilleux cadeau d'un poulain, noir comme l'encre, que tu appelais Khan. Ton premier ami. Tu passais désormais tout ton temps avec lui, à galoper dans les contrées tout le jour. On ne te voyait plus jusqu'au soleil couchant. Cheval fougueux, Khan a fait grandir en toi la flamme qui brulait pour l'épopées. Plus que jamais, tu rêvais d'aventure. Mais plus que jamais, il était temps pour toi de grandir : on parlait de mariage autour de toi, une notion qui te restait inconnue, que tu préférais ignorer. Ton père souhaitait pour toi un mariage d'amour, alors tu as repoussé un certain nombre de prétendants.

Vint finalement le jour ou ta mère rencontra la marieuse du village : elle te donnerait ta chance. Refuser serait un affront inutile, tu ferais tout pour être une jeune fille digne et accepterais ton destin. Tu avais 19 ans, il était largement temps pour toi de trouver un époux même si tu ne le souhaitais pas. La veille, tu avais même fait des notes sur ton bras pour te rappeler de tout, pour ne pas te couvrir de ridicule et rendre fière ta famille auprès de cette femme qui te parviendrais à trouver ton mari. Mais tu es arrivée en retard alors que tu avais bon nombre de choses à faire avant de te présenter à elle. Tout se passerait bien pourtant, Grand-mère Fa te fit cadeau d'un criquet porte-bonheur pour t'accompagner dans cette épreuve. Entrant au village couverte de boue et de foin, tu en es sortie semblable à une poupée de porcelaine. La chenille s'était-elle transformée en papillon ?

C'est alors que débuta la catastrophe. Rien ne se passa comme tu l'avais prévu, tu avais pourtant mis toutes les chances de ton côté. La Marieuse, sous tes yeux, qui s'enlaidit pas à pas avant de prendre feu. Et toi qui ne savais pas quoi faire. C'est en hurlant qu'elle te chassa, en te traitant de bonne à rien. Tu es rentrée chez toi en comprenant que malgré toute ta bonne volonté, tu ne pourrais jamais être une autre. Ton père vint te trouver sous les arbres en fleurs et te réconforta, il t'aimait telle qu'elle, maladroite et à part. Mais votre conversation fut perturbée par du bruit au village, tu n'oublieras jamais cette voix criarde et officielle informant les habitants que les Huns gagnaient du terrain en Chine. Pour lutter contre le fléau, le père ou le fils héritier de chaque famille partirait pour l'armée le lendemain. Ton père reçut une convocation malgré son état fragile. Alors tu as supplié le ministre de l'épargner, de prendre sa place. Mais comment osais-tu, Femme, alors que ta place était au foyer ? Une discussion s'envenima le soir, l'une de vos rares disputes entre ton père et toi. Alors que tu quittais la table en pleurs, tu es restée éveillée toute la nuit. Gagnant l'armurerie, tu t'équipais du lourd plastron de ton père, tu coupais tes cheveux avec son épée. Prenant la lettre officielle et laissant à la place ce peigne que tu aimais tant, tu retrouvas Khan dans l'écurie et c'est sous une pluie battante que tu t'enfuyais de chez toi.