Il voyait un humain, enfin ! Cela faisait bien longtemps qu'il avait rangé de côté son envie de découvrir les hommes. Une fois, peut-être, il en avait vu. Mais les souvenirs étaient tellement flous que pour lui, c'était comme si ça n'avait pas eu lieu d'être.    
Alors, maintenant qu'il avait rencontré Aladdin, il ne le lâcherait pas. Il pouvait enfin se rendre utile, enfin faire de sa destinée quelque chose de potable. Calvin avait soif d'aventures, et dès qu'il avait rencontré ce jeune homme, il avait été servi.  

Découvrir Aladdin avait été une bonne expérience. Dès qu'ils furent tiré de la Caverne aux Merveilles, le jeune homme avait choisi son souhait. Devenir un Prince. Cela avait fait doucement rigoler Calvin. Un prince. On ne peut pas devenir un prince comme ça. Ce n'est pas l'apparence qui fait de quelqu'un un prince, si ? Malgré ce qu'il pensait, ça avait eu l'air de marcher. A Agrabah, il n'y avait vu que du feu. Le Tapis s'était d'ailleurs prit d'affection envers le Sultan, ce petit bonhomme simple d'esprit mais adorable.
Par contre, Jasmine, c'était une autre histoire. Il ne comprenait pas pourquoi Aladdin l'aimait tant. Pour le Tapis, elle n'était qu'une princesse gâtée qui ne faisait que piquer des crises de colère ridicule. Enfin, il n'était pas là pour juger.

Les ennuis commencèrent lorsqu'un certain Jafar apparût à l'horizon, désireux d'épouser la Jasmine afin de devenir sultan. Une sacré araignée au plafond, ce mec. Il était prêt à tout pour parvenir à son but. Et il a vraiment tout fait, tentant d'abord de tuer Aladdin, son rival, en vain. Il avait finalement découvert son secret, soit, le Génie. Et avant que personne ne puisse comprendre, il s'était emparé de la lampe, et avait envoyé Aladdin, Abu et le Tapis dans le fin fond d'un endroit qu'il ne connaissait même pas. Un endroit froid, enneigé. Calvin a bien cru qu'il allait y rester, d'ailleurs. Mais, une fois de plus grâce à lui, il était retourné à Agrabah. Et le jeune homme parvint finalement à vaincre Jafar, usant de ruse et jouant sur les vœux que le grand méchant avaient souhaité. Soit, devenir le génie le plus puissant de l'Univers. Et qui dit génie, dit, lampe. Et qui dit lampe, dit prisonnier. Jafar a finalement été neutralisé. Jasmine a épousé Aladdin. Le Génie est partit en vacances. Bref, Agrabah était empli d'un trop pleins de "Happy Endings".

Agrabah. Il s'était passé quelque chose. Calvin ne s'en rappelle que partiellement. A vrai dire, il hésite sur la véracité de ses souvenirs. Dans sa tête, s'est tombé d'un seul coup, sur tout le monde, sans exception. Lui, il n'avait d'ailleurs rien pu faire. Il se souvient s'être dit, comme très souvent il se disait, qu'il ne supportait plus sa façon de vivre. Il n'avait pas de vie et était dévoué à son très cher Aladdin, qu'il avait étrangement de plus en plus de mal à apprécier. Heureusement que le Génie était là pour Calvin.
Il est la seule personne qui avait un peu d'importance pour lui. Malheureusement, tout comme lui, il était emprisonné dans son rôle de serviteur. Au départ, il ne s'en rendait pas compte. Au contraire, c'était normal, pour lui. Mais à force d'observer autour de lui, il s'était demandé ce qui clochait. Pourquoi parvenait-il à ressentir cette sorte de jalousie, de frustration qu'il n'avait jamais ressentie ? Il était un tapis volant, peut-être créé, peut-être pas, mais absolument pas formé pour avoir des émotions comme celles-ci, bien trop élaborées pour lui. 
Plus le temps passait, plus il commençait à bouillir de l'intérieur, quelque chose qu'il n'avait jamais connu avant. A chaque fois qu'Aladdin se servait de lui comme d'un taxi, et rien de plus, à chaque fois même qu'il passait à côté de lui, qu'il lui souriait, Calvin se sentait étrange. Il ressentait de la colère. Une colère noire, paralysante, que même le Génie avait remarqué, sans pour autant s'en soucier.  
 
Et peu à peu, cette colère s'est diversifiée en une flopée d'émotions variées, sans explication. Avant, il pouvait être joyeux, triste, et limite agacé. Mais ces sentiments s'approfondissaient, devenaient tellement complexes que Calvin se perdait parfois dans la tempête de ces ressentis, devenant complètement fou. Une fois, il s'était mit à voler, puis à se frapper contre un mur, encore, et encore, et encore. La douleur, il s'en moquait, puisqu'il n'en tant que tapis, il ne la sentais pas, ou seulement à travers des chatouilles. Personne n'avait pu l'arrêter dans son pétage de câble. Même Aladdin tentait de le calmer, mais entendre sa voix ne faisait qu'intensifier sa folie. Il a fallut que le Génie l'attrape et s'assoit dessus pour qu'il cesse de se faire du mal.  
 
Un jour qu'il volait, seul, pour une fois, un voile noir s'abattit sur lui, soudainement, de la manière la plus traître qu'il soit. Il s'est senti tomber, longtemps, trop longtemps, et le choc de l'atterrissage le laissa un long moment inconscient. Et à son réveil, tout était différent.  
 
Où était-il ? Ces machines se mouvant avec fluidité, ces maisons qui menaçaient de déchirer le ciel par leur grandeur, ces lumières, éclatantes, qu'Est-ce que c'était ? Pourquoi ne parvenait-il pas rejoindre le palais, et pourquoi ces pieds restaient-ils ancrés au sol ?  
Attendez ... Ces ... pieds ? Des pieds ? Et ... des mains ? Calvin regardait autour de lui, effrayé par ces bruits tonitruants qui émanaient des machines. L'une d'elle arrêtée, il vit son reflet sur la fenêtre.  
Il se mit à hurler alors qu'il ne pensait qu'il n'en était pas capable. Recroquevillé sur lui-même, malgré la grande taille qu'il possédait dorénavant, il ressemblait à un enfant. Quelques passants se sont arrêtés, et il a été emmené à l'hôpital. Et les personnes qui s'occupaient de lui ne l'aidaient pas à comprendre.
   
S'il pouvait trouver le Génie, peut-être qu'il pourrait éclairer sa lanterne. En attendant, pour la première fois de sa longue vie, Calvin devra apprendre à se débrouiller seul dans un monde auquel il n'avait aucune information.