Errer. Fuir. Revenir. Je ne savais plus vraiment quoi faire dans cette ville, cette nouvelle existence. Je cherchais quoi faire, essayer de m'habituer un minimum, mais cela était plutôt compliqué. Déjà, il fallait que je m'habitue à ce nouveau corps, Ne plus sentir mon coeur au bas de mon dos, mais dans la poitrine... Mais aussi et surtout à cette taille qui ne me faisait plus aussi défaut qu'autrefois. J'étais devenu cette créature que les fourmis et des tonnes d'autres insectes considéraient comme des géants tandis que ces autres ignoraient le peuple des petites créatures en éprouvant le moindre remord lorsqu'ils se mettaient à les écraser. D'autre encore s'amusaient même à détruire des villes entières de pauvres insectes ! Sans même réagir en entend leurs cris ou leurs pleurs. Non... Mais peut être justement n'entendaient-ils peut être rien et ne comprenait-il pas l'ampleur lorsqu'une fourmi se faisait tuer sous leurs pas et que peut être, venaient-ils de rendre des nymphes orphelines. Comme je n'arrivais pas à assimiler l'intérêt de ces humains à aller plonger dans l'eau sans même s'inquiéter des risques qu'ils pouvaient encourir. En tant que fourmi, jamais je ne serais aller jusqu'à ce coin remplit de dunes avant d’atterrir devant ce liquide à l'apparence bleutée, s'agiter, partir et revenir comme s'il hésitait. Voyant tant d'amusement de la part des humains pour aller se cogner contre les vagues ou aller nager le plus loin possible de la rive, j'hésitais moi-même à quitter ce béton pour aller risquer marcher sur ce sable que je considérais jadis comme un désert aux maintes dunes. Peut être n'irais-je point jusqu'à aller dans l'eau, mais qu'est ce que je risquais à m'en rapprocher ? Rien. Et puis, je ne devais pas avoir peur des prédateurs marins, soit les poissons, puisque j'avais pris presque deux mètres !
Aussi, je débute donc ma marche pour rejoindre le sable, ayant la mauvaise sensation d'être salit par ces grains qui viennent se coller et se faufiler sur mes chaussures, mes chaussettes et mon pantalon. Est-ce d'ailleurs pour cela que les gens ne s'habillent pas trop ? Sans doute et d'ailleurs, je fais comme si de rien n'était lorsque certains posent leur regard sur moi d'un air curieux. Je continue ma marche jusqu'à un coin un peu plus espacé entre les serviettes que les autres, j'avance et m'arrête puis regarde ce liquide pur s'avancer et reculer périodiquement. Je ne me risque pas plus et je continué de fixer la rive, de mes prunelles bleues, admirant surtout mon reflet d'un air nostalgique plus qu'autre chose. Mais je me reprends à moi dès que je vois des enfants passer en courant pour rejoindre l'eau. Je recule, craignant recevoir une goutte sur moi et puis, je serre la mâchoire, bombant le torse et faisant les gros bras. Je prends cette attitude contre ma personne, comme me défiant en prouvant que contrairement à moi, ils n'ont aucune inquiétude à aller barboter. Je vais donc prouver le contraire.
Ni une ni deux, je reprends mon avancé. Je panique dès que je mets une patte dans l'eau, le coeur battant à vive allure, mais je ne m'arrête pas. Seul le froid me retins un moment, mais cela ne dura qu'un temps. Je continuais donc encore et toujours, jusqu'à me retrouver sur la pointe des pieds, avec difficulté je dois dire, puisque mes vêtements trempées commençaient à me peser. Et puis j'avais beaucoup de mal à tenir en place tandis que les vagues me tirait de plus en plus loin de la rive jusqu'à ce que je n'ai plus pieds. Catastrophe. La panique me prends peu à peu. Je commence à agiter les bras en espérant bouger et me rapprocher, mais rien. Moi qui croyait avoir confiance à mon corps, voilà que je réalise à nouveau que l'eau peut être mon ennemi. Je me débat et commence à crier, comprenant peu à peu que je suis perdu si je ne réagis pas maintenant. Une vague me balaie et j'avale une gorgée... Et ceci recommence, remplissant mes poumons d'eau. Peu à peu, je m'enfonce doucement. J'expire encore de l'air, laissant des bulles remonter. J'ai l'impression que c'est finit lorsque ma vue se sombre. Et j'espère alors que ma mort me permettra de revenir de là d'où je viens, mais je peine à y croire, j'ai si peur...
Je sais ce que je dis. C'était une sirène. Je l'ai vu de mes yeux! Elle était tellement belle... Presque irréelle et pourtant, je sais qu'elle est là, quelque part dans les profondeurs de cette étendue d'eau. Mais je ne peux qu'attendre chaque jour aux abords de la plage en espérant la revoir un jour. Et puis il y a ma fiancée, ma chère Vanessa, disparue de ma vie elle aussi après une nuit, une seule. Je devrais maudire cette soirée où l'on m'a séparé de ma bien aimée mais... Une partie de moi se sent plus libre depuis. Comme si j'avais perdu quelque chose... Non. Comme si je m'étais délivré de quelque chose.
Mais quoi?...
C'est peut-être simplement le fait de ne plus avoir le poids de la couronne et du mariage presque forcé pesant au dessus de moi qui me donne cette sensation d'agréable manque. Au final, ce qui me manque le plus, c'était l'océan. L'air marin au large, là où la terre n'est même plus visible. Il y a tellement plus à explorer en mer que sur la terre ferme. Il y a tellement plus à voir, à vivre dans les profondeurs de l'océan. Et tellement de mystère sans réponse aussi. Malgré l'appartement que je partage difficilement avec ma colocataire, je passe le plus clair de mon temps dehors. Et je finis toujours près de la plage ou des ports. Comme si l'océan m'appelait encore. Mais... A dire vrai... Il n'y a pas que l'océan qui m'appelle...
Cette voix, encore...
Une voix de femme, presque... Familière. J'ai beau avoir déjà entendu Vanessa chanter avec cette même voix, depuis que je suis ici j'ai l'impression que c'est une toute autre mélodie qui résonne dans mon crâne. Elle est différente, plus douce, et plus amoureuse aussi.
Je ne sais pas... Je ne sais plus.
Ma raison n'est pas sans ignorer que c'est la voix de Vanessa qui me hante mais je me pousse à croire que c'est autre chose qui fait écho dans mes pensées. Ca ne pouvait être qu'une sirène. Et je sais pertinemment que Vanessa a des jambes. Mais cette voix n'était pas humaine. C'est impossible. Et même s'il s'agit d'une sirène, je sais que je la reverrais un jour. Elle reviendra et je suis certain de pouvoir la reconnaître entre mille.
C'est un cercle sans fin...
Je peux attendre une décennie sur cette plage, elle peut très bien ne jamais revenir. Elle pourrait même être morte à l'heure actuelle sans que je n'en sache rien. Et si tel est le cas, alors je continuerais de scruter l'horizon infiniment, comme un fou, comme un idiot... Mais si jamais elle revient, si jamais je la revois, sirène ou non je ne la perdrais pas une seconde fois. Je viendrais chaque jour près du rivage. Je resterais là avec elle s'il le faut. Et si elle cesse de venir, je resterais encore en espérant qu'elle me revienne un jour. Comme aujourd'hui... Comme toujours. Grimsby a raison de me traiter comme un enfant. J'agis comme tel. Mais est-ce vraiment mal de ne pas vouloir d'un mariage forcé? Pourquoi devrais-je garder les pieds sur Terre quand il y a une étendue d'eau trois fois plus vaste à explorer? Je ne resterais pas dans le même palais toute ma vie à attendre mon trépas. Je veux parcourir le monde et voir autre chose, avec quelqu'un d'autre...
Je divague...
Une chance, la plage est l'endroit rêvé pour ça. J'en profites même pour chercher d'un oeil rêveur un coquillage plus intéressant que les autres. Je pourrais toujours le ranger avec les autres. Les crustacés ne m'en voudront sûrement pas de leur prendre une ou deux merveilles de la mer. Cela dit, on ne peut pas vraiment dire qu'aujourd'hui j'ai beaucoup de chance avec les coquillages. Ni avec le reste d'ailleurs. Ma colocataire va sûrement me mettre à la porte, fatiguée que je ne sois même pas capable d'utiliser... Un...
Comment ça s'appelle déjà?
Ah oui, micro-onde. J'ai faillit le casser trois fois déjà. Ce qui, à mon sens, n'aurait pas été une erreur d'ailleurs. Casser cet engin ne serait pas tellement une grosse perte. Et je préférerais encore que cette machine tombe en morceaux plutôt que passer une seule journée loin de la plage. Surtout en soirée lorsqu'il y a peu de monde aux alentours. C'est plus calme et ça donne le loisir d'entendre les vagues et presque ce qui vit sous ces mêmes mouvements d'eau salée. Je levais les yeux vers l'horizon, espérant à tout hasard voir une silhouette de bateau au loin, ou même une sirène si j'avais une once de chance. Tout ce que je vis se trouva être un homme qui s'avançait doucement dans l'eau, de plus en plus loin. Il semblait perdu, hagard. J'en venais même à me demander s'il savait ce qu'il était en train de faire et s'il se rendait compte de son geste. Avec le vent qui se levait doucement, le courant allait suivre et risquait d'emporter ce pauvre homme s'il ne reprenait pas rapidement ses esprits. En vain, je tentais de l'appeler et d'attirer son attention par de grands gestes. N'obtenant aucune réponse, je n'eus presque pas le temps de m'attarder davantage en réflexion que je retirais déjà ma veste et mes bottes pour aller rattraper cet inconnu. Je tentais encore de l'appeler quand une vague me surpris et me força à boire la tasse. Quand je rouvris les yeux j'avais perdu de vue la silhouette inconnue. Le malheureux avait du rencontrer une mauvaise vague également.
Peut-être était-il déjà mort?...
Mais je devais tenter quelque chose! J'avais vaguement en mémoire son emplacement et je ne perdis pas de temps à plonger dans l'espoir de le retrouver sous l'eau. Par chance, le courant l'avait ramené près de moi et je pus l'attraper par la taille avant de remonter à la surface. Je me démenais pour le ramener hors de l'eau, quitte à moi-même devoir me noyer un instant, mais après quelques dizaines de mètres à la nage, je sentis de nouveau le sol sous mes pieds. Je tirais le pauvre homme de l'eau une bonne fois pour toute et le laissais allongé sur le sable le temps de reprendre mon souffle.
"Monsieur?... Monsieur vous m'entendez?..." dis-je en lui secouant brièvement l'épaule
Pas de réponse... Ca devenait inquiétant mais je ne perdais pas espoir. Dans le pire des cas j'avais appris quelques gestes de premiers secours et s'il ne donnait pas de signe de vie dans la seconde suivante, je devrais faire de mon mieux pour le ramener chez les vivants.