Nick est quelqu'un de très complexe. Au premier abord, on le pense faux, sournois, manipulateur. C'est un renard, et même si ça lui déplaît parfois, il colle parfaitement à ce cliché de personnalité rusée et organisée. Non pas que ce soit mal, ses talents d'observation et sa vivacité d'esprit l'ont sorti du pétrin à de nombreuses reprises. Et son cynisme à toute épreuve, allié à un certain charisme, lui donnent un charme bien à lui. On peut aisément décrire ce jeune renard espiègle comme quelqu'un d'attachant. Il en a d'ailleurs conscience, et sait s'en servir au besoin.

Nick est également quelqu'un de très débrouillard, avec un grand esprit pratique. Le moindre détail pouvant lui faire gagner du temps sera utilisé. Plus par souci d'efficacité et de se dégager l'esprit que par réelle flemmardise. Si ça en vaut la peine, il serait même capable de déployer beaucoup d'efforts pour atteindre son but, même si ses intérêts à le faire peuvent paraître flous. Nick est aussi quelqu'un de fier et d'obstiné. Lorsqu'il a une idée – ou un plan - en tête, le faire changer d'avis n'est pas chose aisée, surtout méfiant comme il est. C'est enfin un comédien qui aime le risque et l'adrénaline. Il rêve secrètement d'aventure avec un grand A.

Mais Nick cache aussi un côté de sa personnalité bien plus fragile. Il est en réalité hésitant et très émotif, ce qui lui a créé pas mal d'ennuis plus jeune. Le renard est fondamentalement gentil, et a une propension à s'attacher très rapidement. De plus, il est très ouvert d'esprit et prend soin de ne pas juger quelqu'un à son aspect extérieur, il ne sait que trop bien le mal qui en découle. Il est ce qu'on appelle un rêveur déchu, désillusionné. Quelqu'un de sensible et doux, avec de grandes ambitions, que la vie – et les préjugés contre les renards – ont blessés et forcés à s'endurcir et à revêtir ce masque de cynisme et de sournoiserie que le monde connaît. Secrètement, il craint plus que tout d'être à nouveau rejeté pour ce que l'on pense qu'il est, sans même lui donner sa chance de prouver sa valeur. Ses blessures du passé ne sont pas cicatrisées, et la rancune qu'il garde face aux préjugés et aux gens qui s'y fient, tenace. Alors il a pris l'habitude de se conformer à ce que l'on attend de lui, à cacher son manque d'assurance et ses sentiments pour se préserver. Nick essaye de trouver un équilibre entre son désir de faire le bien, de faire avancer les choses, et son besoin de se protéger, de ne pas avoir l'air d'y accorder de l'importance. Il est enfin quelqu'un de très fidèle. Une fois son amitié accordée, c'est définitif, à moins de lui faire du mal. Ses proches comptent énormément pour lui, et Judy en particulier. Elle est la première proie à lui avoir accordé sa confiance et a su lui donner le courage de sortir du cliché dans lequel Nick s'était enfermé et d'oser être qui il est réellement. L'énergie de la lapine l'inspire ;

Une chose est sûre, l'arrivée dans le monde des humains – et son apparence semblable aux autres – va le soulager d'un poids. Mais les habitudes sont solidement ancrées en lui, et il ne laissera pas tomber sa carapace si facilement. Sait-il au moins encore comment faire, surtout sans Judy à ses côtés ?

« Je suis né à Zootopie, il y a maintenant un peu plus de 35 ans. Je n'ai jamais connu mon père, j'imagine qu'il a dû prendre la fuite dès qu'il a su que ma mère était enceinte. Pour l'exemple à suivre, on repassera. Enfin bref, ma mère s'est battue comme une lionne pour m'apporter tout ce dont j'avais besoin, elle a même cumulé plusieurs emplois pendant un temps. Et pour un renard, ça tient de l'exploit ! Mais justement, quand on est un renard, et que tout le monde s'imagine que l'on est pas digne de confiance, les choses sont vite compliquées…

Je voulais m'intégrer, vraiment, j'ai essayé. Je voulais des amis avec qui jouer, mais surtout, je voulais rendre ma mère fière. Qu'elle voit que le monde changeait et que les efforts qu’elle faisait pour moi n'étaient pas en vain. Je serais le premier renard important, celui à qui on confierait des responsabilités et qui serait digne de confiance. Et je pourrais nous offrir, à moi mais surtout à elle, mieux que ce petit appartement à la penture écaillée dans la banlieue de Zootopie. Après tout, c'était moi l'homme de la maison, et je me battrais pour elle comme elle se battait pour moi.

Alors j'ai rejoint une escouade de scouts. Que des proies, je serais le seul prédateur. Et le seul renard, bien sûr. Qu'est ce qu'elle était contente de savoir que j'allais faire mon initiation ! Je me rappellerai toujours de son sourire et de la petite larme au coin de son œil lorsqu'elle me tendit mon uniforme ».

J'avalai une dernière gorgée de mon whisky avant de poser mon verre vide sur la table basse devant moi. Je plongeai un instant mon regard dans la paire d'yeux face à moi, et repris en grimaçant.

« Mais les habitudes ont la vie dure. Le soir de mon initiation, les choses ne se sont pas tout à fait déroulées comme prévu. Alors que je commençai mon serrement, je fus interrompu, humilié, insulté. Et, appelons un chat un chat, muselé. »

*Même si tu es un renard ? Tu pensais vraiment qu'on allait faire confiance à un renard sans muselière ? T'es encore plus stupide que tu n'en as l'air *

Je secouais la tête pour chasser ces sombres souvenirs de ma tête. Après quelques secondes, je repris dans un petit raclement de gorge.

« Après ça, les choses ne furent plus jamais les mêmes. J'ai pris l'habitude de ne plus jamais le montrer lorsque j'étais blessé, et avec le temps, j'ai fini par ne plus montrer aucune émotion. Sauf avec toi, bien sûr. » glissais-je dans un clin d'oeil.

« Je me suis fait mes premiers amis au lycée. Flash, en fait. On était un peu les deux ringards du coin. Mais ça m'a permis de survivre à ces années. Après, je l'ai suivi dans des études de droit ; lui voulait bosser pour le gouvernement et moi... Disons que  si le monde entier me voyait comme un escroc en devenir, à quoi bon essayer d'être quelqu'un d'autre? Et connaître les lois est le meilleur moyen de les détourner, pas vrai ?

Une fois sorti, Flash et moi nous sommes éloignés. Lui a réalisé son rêve, et je me suis lancé dans les affaires. ça n'a pas été facile au début. Mais j'ai fini par percer. J'avais même réussi à m'attirer les faveurs de M. Big, le parrain de la mafia de Tundraville... Avant de le trahir, lui aussi. Après quelques années, je me suis lancé dans une petite affaire bien juteuse qui me rapportait pas mal en fin de compte. Il se trouve qu'un autre renard - enfin, un fennec - cherchait un partenaire pour monter un business. J'ai pas hésité longtemps. Pour tout te dire, on formait une paire des plus efficaces. Enfin, jusqu'à l'intervention de l'inspecteur Carotte.

Elle est arrivée un matin, alors que Finn et moi étions en train de faire notre business. Quelle naïve cette queue touffue ! Non seulement elle a convaincu le vendeur de nous servir une glace, mais en plus elle nous l'a même payée ! C'était trop facile.

Évidemment, elle n'a pas trop apprécié quand elle a compris ce qu'il se tramait réellement. Mais c'était une jeune lapine innocente fraîchement débarquée dans la grande ville, face à un renard pour qui l'organisation est une seconde nature. Lui rabattre son caquet n'a pas été très dur, et je pensais que les choses en resteraient là. Mais le sort joue parfois de drôles de tours.

Tête de peluche est revenue me voir dès le lendemain, elle avait récupéré une enquête sérieuse, par je ne sais trop quel miracle. Et j'étais un témoin essentiel, apparemment. Je lui ai souhaité bon courage pour sa super investigation, mais il s'avère que pour un lapin crétin, elle a de la ressource la petite !

Bref, elle avait des preuves contre moi, et à moins de l'aider dans sa fichue enquête, j'étais bon pour la prison de Zootopie. J'ai vraiment tout fait pour la décourager, je l'ai emmenée dans un club naturiste, je l'ai traînée à la préfecture faire identifier la plaque par Flash – je crois bien que je ne pourrai jamais oublier la frustration sur son visage quand j'ai encore ralenti les choses avec ma blague. Qu'est ce que j'ai ri »

J'étouffai un fou-rire en repensant.

« Les choses se sont gâtées quand notre enquête nous a menés jusqu'à la limousine de Mr Big. J'espérais ne jamais le revoir, surtout après ce que je lui avais fait. On ne plaisante pas deux fois avec ce genre de gars. Et honnêtement, quand on s'est fait prendre, j'ai réellement cru mon heure arrivée. Mais encore une fois, Inspecteur Carotte avait une botte secrète. Je ne suis pas du genre facile à surprendre, mais là je reconnais que je suis resté estomaqué. La mâchoire m'en tombe rien que d'y repenser. En tout cas ça nous a bien aidés, et en un rien de temps, on s'est retrouvés au mariage de la fille de Mr Big, avec en prime quelques infos croustillantes.

Bref, l'enquête nous a menés jusqu'à la partie tropicale de la ville, pour parler au seul réel témoin de l'enlèvement de notre loutre disparue : le chauffeur de la limousine. Il a raconté quelque chose au sujet de hurleurs nocturnes qui rendraient les gens fous, mais avant qu'on n'ait pu en apprendre plus, il est brusquement devenu sauvage et s'est mis à nous attaquer.

Et tu ne le croiras sans doute jamais, mais c'est grâce à la lapine que je suis encore là. Sans elle, mon corps aurait été retrouvé dans une crevasse quelque part, enfin à moins que je ne me sois fait dévorer par notre panthère folle. Mais nous étions loin d'être au bout de notre surprise.

A peine secourus par les renforts appelés par Miss queue de coton, notre suspect avait disparu, elle l'avait pourtant menotté au lampadaire ! Évidemment l'Inspecteur Buffalo Débile n'a pas apprécié la blague et a voulu retirer badge et enquête à ma partenaire d'infortune. Mais je me suis interposé. »

Je regardai mon interlocuteur, sourire aux lèvres.

« Je sais ce que tu te dis. Je me suis attachée à l'inspecteur Peluche et que je voulais être là pour elle. Ne vas pas t'imaginer des scénarios comme ça. C'est juste que cette histoire de mammifère m'intriguait, je voulais en savoir plus. Et enquêter était bien plus intéressant que ce à quoi je m'attendais. Au final, j'y ai vite pris goût. »

Je repensais alors à la confession que j'avais faite à Judy dans ce téléphérique, et surtout de sa réaction. Je comptais pour elle, aucun doute, et j'étais touché d'avoir enfin la confiance réelle de quelqu'un d'autre qu'un renard. Et ça compte pour moi. Mais hors de question de le dire à qui que ce soit.

« Enfin bref, après un petit détour par le bureau – ou presque – de l'adjointe au maire, direction l'hôpital Cliffside où avait disparu la mystérieuse voiture qui avait enlevé notre panthère. Si tu veux mon avis, cet endroit tenait plus de l'hôpital psychiatrique ou du labo assez louche où on conduisait des expériences pas très réglo que d'un vrai hôpital… Mais notre panthère était là. Ainsi que les quatorze mammifères disparus depuis quelques semaines dans Zootopie. Et devine le plus beau, le maire lui-même était impliqué dans tout ça !


Après ça, les choses se sont rapidement enchaînées, le maire a été arrêté, Miss Carotte est devenue une star et a été prise d'assaut par les journalistes – tu parles, un scoop comme celui-ci, c'était à prévoir – et là les choses ont dérapées. L'Inspecteur Peluche était en pleine panique, et j'ai voulu bien faire en la rassurant.. Si j'avais su. Une fois face aux micros, elle a parlé de génétique, de prédisposition naturelle des prédateurs – moi, en somme – à la violence, etc.

Autrement dit, je venais, avec des milliers d'autres mammifères de gagner le statut d'ennemi public. Tu imagines ma déception quand j'ai réalisé que la seule personne à m'avoir jamais accordé sa confiance venait de dire devant des millions d'animaux que tous les prédateurs comme moi étaient dangereux. Et dire que j'allais accepter sa proposition de rejoindre la police et de devenir son partenaire, comment j'ai pu être assez stupide pour croire qu'un lapin pourrait croire que je valais vraiment quelque chose. Elle a toujours eu peur de moi, sinon pourquoi elle aurait ce répulseur à renards à sa ceinture ? »

Je m'interrompis et m'allumai une cigarette – une des mauvaises habitudes que j'avais prises aux humains. Cette histoire avait beau remonter à plusieurs années maintenant, la colère – enfin, la douleur surtout - était toujours aussi intense. Un petit bruit attira mon regard vers mon interlocuteur.

« Rassure-toi, les choses se sont arrangées ensuite. J'étais retourné à ma vie d'escroc, et Bunny Head avait disparu je ne sais où. Paraît qu'elle a démissionné. Mais elle est revenue. Elle avait eu un nouvel indice et pensait que les prédateurs étaient volontairement visés , que quelqu'un leur injectait une substance pour les rendre violents exprès. C'était une piste intéressante, et une chance inespérée d'innocenter les milliers de prédateurs accusés à tort. »

* Et en toute honnêteté, je ne tenais pas vraiment à rester fâché avec Miss Queue de Coton. Elle regrettait sincèrement ses paroles, et avait peur de m'avoir perdu. Et puis j'ai eu ma petite vengeance personnelle*

« En « interrogeant » la belette qu’elle avait arrêtée pendant un vol de « hurleurs nocturnes », on a pu rapidement remonter jusqu'au fournisseur. Tu aurais vu ce labo, on y aurait fabriqué de la drogue que je n'aurais pas été surpris !  On a même pu récupérer quelques preuves, littéralement au prix de notre vie. Et on allait les amener à la police lorsque l'assistante au maire – celle qui nous avait aidé plus tôt – se proposa de les réceptionner pour nous. J'étais un peu méfiant, mais décidai de laisser faire ma partenaire. Qui était de mon avis, quelque chose clochait. Et on n'a pas tardé à savoir quoi, notre petit mouton était en fait le loup. Elle nous a poursuivi dans le musée, et Judy s'est blessée. Comme elle ne pouvait plus fuir, et qu'on ne me croirait pas si j'amenais seul les indices au poste (et que je tiens à elle), on a mis en place un stratagème pour pousser l'assistante au maire à dévoiler son plan.

Gouverner par la peur. Monter les proies contre les prédateurs pour la laisser elle au pouvoir. Tu parles d'un plan machiavélique. Et la forcer à parler n'a pas été si difficile, surtout avec nos talents d'acteurs, sans vouloir me vanter, je suis pas mauvais à ce jeu ! Et Carotte n'était pas en reste. Quoiqu'il en soit, il a suffi de remplacer les doses d'extrait de hurleur nocturne par des myrtilles, et tadaa, des aveux tous frais dans le microphone du style carotte. Non, un vrai stylo en forme de carotte. Moi non plus je comprends pas, c'est un truc de lapin.

Après ça, la clique du chef Buffalo Débile, enfin Bogo, n'a pas tardé à débarquer, Bellwether a été arrêtée, le maire relâché, les prédateurs soignés et… J'ai intégré la police. En tant que partenaire de l'Inspecteur Peluche.ça va, ça va, ne te moque pas ! »

Je lançai un coussin près de mon interlocuteur en rigolant.

«  Et ça aurait pu durer encore des années, je l'ai espéré, mais deux ou trois ans plus tard, pendant la poursuite d'un suspect, je suis tombé inconscient. On a du me tirer dessus, ou je me suis cogné, ou quelque chose, mais quoi qu'il en soit, je me suis retrouvé ici. En humain. Et là, alors que les choses venaient enfin de s'arranger pour moi à Zootopie, j'ai dû recommencer une nouvelle vie ailleurs. Quand le destin t'en veut, hein ? Ça n'a pas été facile au début, tu t'en doutes. Mais je m'en suis sorti. J'ai de nouveau un appartement, une profession – à peu près – et je me suis plutôt bien intégré. Au moins, on ne se méfie plus de moi et on ne vérifie plus ses poches quand je suis dans le coin. Et tant mieux pour moi, pas vrai ? »


Une sonnerie retentit dans l'appartement. Quelqu'un essayait de m'appeler, sans doute mon fournisseur que je devais rejoindre en ville
Je me levai, et saisi Bonaparte, mon gecko de compagnie pour le remettre dans son vivarium.

« allez, je dois y aller ; Nicky a du travail. Et de toute façon la suite, tu la connais. Reste sage pendant que je gère mon business, tu veux ? »