C'est pas parce que je t'ai oublié que je ne veux pas t'aider

Même si t'as pas besoin d'aide...

On dit qu’on apprend de nos erreurs, c’est évidement à condition de se souvenir de ces fameuses fautes. Donc, avec ses problèmes de mémoire, il était bien difficile pour Dory de ne pas répéter la même erreur encore et encore. Parfois elle prenait des notes, mais elle les perdait! Sinon, elle notait sur son téléphone intelligent, mais il fallait bien qu’elle y pense! De quoi aurait-elle du se souvenir? Et bien d’être prudente lorsqu’elle se trouvait dans la petite pièce à l’arrière de la bibliothèque. Pourquoi était-elle à la Plume magique ce matin-là? Si seulement la blonde le savait… elle avait sans doute du vouloir voir son amie, peut-être l’avait-elle aidé à faire quelque chose, puis l’amnésique devait s’être approché de ce truc étrange dans un coin en pensant à des amis… pour se retrouver dans une chambre d’hôtel.

Et ensuite, que c’était-il passé? Et bien Dory ne saurait le dire, car elle n’en avait pas le moindre souvenir! Il faut dire qu’elle n’avait croisé aucune connaissance sur son chemin. Elle avait essayé de trouver quelqu’un avec qui elle aurait pu discuter, car n’y avait-il pas des gens que la blonde connaissait ici? Où était-elle en fait? Un pamphlet lui indiqua le nom de ce lieu… « Le nouveau monde ». Quoi?! Avait-elle encore changé de monde sans le savoir?  Mais cette fois, elle n’avait pas changé de corps! Oh, mais en fait, c’était le nom de l’hôtel! Un hôtel de… Paris? Était-ce un nouveau quartier de Londres? Un quartier où les gens parlaient bizarrement!

Dory décida de partir à l’exploration des rues. Elle avait toujours aimé se balader et faire de nouvelles rencontres. C’était seulement un peu dommage qu’elle ne se souvenait même pas de la moitié! C’est qu’il fallait faire une sacrée impression pour que la blonde se souvienne! Elle s’aidait quand même un peu en notant les numéros de ses nouveaux amis dans son portable. Ça devenait plutôt triste d’oublier des gens, c’est pourquoi l’ancien poisson essayait vraiment de se souvenir. Le monde des humains avait pu lui fournir bien des moyens afin de palier en partie à sa mémoire défaillante, comme des post-it ou des applications sur téléphone intelligent. C’était fantastique de pouvoir entrer les coordonnées et les informations de ses nouveaux contacts!

Rien ne semblait familier à l’amnésique. Pourtant, en temps normal, il y avait toujours quelque chose pour lui rappeler un truc ou quelqu’un. Dory ne comprenait pas où elle avait pu atterrir… et elle ne trouva pas mieux que de poursuivre son chemin. Elle devait bien être là pour une raison! Et si cette raison était cette affiche de l’aquarium de Paris? Il fallait absolument visiter cet endroit, c’était sans doute sa chance de retrouver des amis. L’ancien poisson pris donc la direction indiquée. Ce fut un long trajet, mais avec les indications qu’elle demandait aux passants, elle finit par y arriver. Par contre, inutile de lui demander par où elle était passée, elle ne s’en souviendrait évidement pas!

Une fois au guichet d’entré, l’ancien poisson s’indigna! Quoi!? Il fallait maintenant payer pour avoir une chance de trouver une connaissance? Et si c’était la famille de la caissière qui se trouvait peut-être enfermée là? La blonde finit par oublier et juste payer parce qu’on lui demandait, car elle voulait entrer et visité cet endroit! Enfin, sinon pourquoi était-elle là? Par chance, elle avait toujours sa carte de crédit sur elle, pour être certaine de pas oublier son nip, elle l’avait écrit dessus, ce qui n’était certes pas prudent, mais pour l’instant elle n’avait pas eu de problèmes.

Dory se promena, sans savoir où aller précisément. Elle repassa plusieurs fois devant le même aquarium où vivait une pieuvre. La blonde compta les tentacules, c’était bien un octopode. Pourquoi cette déception, c’était plutôt bien que la créature ait tous ses membres? C’était comme s’il y avait quelque chose qu’elle voulait se rappeler, mais qui ne lui revenait pas. Mieux valait qu’elle continue sa visite, bien que l’amnésique ne savait pas vraiment où elle en était. En se retournant, elle remarqua un homme qui boitait un peu, ce qui l’inquiéta.

-Hey monsieur, vous avez besoin d’aide? Qu’est-ce qui vous est arrivé? J’espère que vous ne vous êtes pas fait mordre pas un loup! Je connais des gens qui ont fait cette mauvaise rencontre, ça fait très mal!

L’homme avait l’air grincheux, mais cela avait-il déjà empêché Dory de s’approcher de quelqu’un? Jamais. Elle voulait l’aider et elle l’aiderait, qu’il le veule ou non.

C'est pas parce que je t'ai oublié que je ne veux pas t'aider
 

Hank était libre à Paris depuis plusieurs jours désormais, et force était de constater que la situation ne s'était pas beaucoup améliorée. Ses maigres économies ne tiendraient pas longtemps encore, et le refuge qu'il avait trouvé, grâce au centre, était relativement précaire. Enfin, c'était déjà suffisant pour quelqu'un dont le rêve avait un jour été de vivre, seul, dans un petit aquarium. Hank aimait la solitude, ou plutôt, il en avait besoin ; ou plutôt, il s'efforçait de croire que c'était le rythme de vie le plus salutaire. Alors pourquoi continuait-il à errer dans Paris, malgré tout ?

Un jour que la morosité lui pesait – enfin, plus que d'habitude – il se décida à visiter l'aquarium de Paris, espérant y trouver quelque source de réconfort. Bien entendu, l'agitation et le bruit constants provoqués par les visiteurs l'incommodaient au plus haut point. Il ne supportait pas de voir les enfants taper les vitres des aquariums, de leurs doigts boudinés. Cela lui rappelait probablement de mauvais souvenirs. Quoiqu'il en soit, il ne s'attendait bien entendu pas à la rencontre qu'il ferait, dans pareil endroit.

Habillé d'un costumé strict, et droit comme un i, Hank observait un aquarium, les mains glissées dans les poches. Il regardait, sans conviction, l'axolotl qui souriait naïvement, comme si le bonheur était inexorablement gravé sur son visage.

L'air dépité, il reprit son ascension dans l'aquarium, se demandant s'il finirait par tomber sur des confrères, ou sur... des poissons chirurgiens. Une part de lui avait envie de retrouver la gaieté du bleu qui ornait les écailles de son amie, bien qu'il ne se l'avouerait jamais. Il préférait penser qu'il pourrait maudire Dory, tout son soûl, en observant ces petits êtres pastels.

Il n'était pas encore arrivé à destination, lorsque son regard fut attiré par un panneau éducatif qui indiquait que les pieuvres ne possédaient pas moins de trois cœurs. Loin de sourire à l'évocation de ce souvenir, Hank crispa brutalement la mâchoire. A cet instant, il était difficile d'imaginer plus crispé et plus farouche comme homme ; mais cela n'empêcha pas une voix féminine de l'interpeller.

Hank pivota naturellement vers la personne qui venait de l'interpeller, pour découvrir une femme aux grands yeux et aux cheveux clairs, coupés court. Tout en restant impassible, une lueur de surprise et de dépit traversa son regard sombre, alors que l'inconnue lui demandait s'il avait besoin d'aide, avant de passer aussitôt à un soliloque sur la dangerosité des loups. Une minute. Des loups ? Voilà qui était une conclusion quelque peu hâtive, simplement parce que l'on croisait un homme qui avait la malchance de boiter. Hank conserva son air morne et dépité, auquel s'ajouta une once d'ironie. C'était bien sa chance. Il fallait toujours qu'il tombe sur des gens délurés, peut-être même simples d'esprit ? Ce serait un jugement rapide, mais cette femme lui rappelait quelqu'un, même s'il ne voyait pas vraiment qui. Voyez-vous, aux yeux de Hank, et plus à tort qu'à raison, bien des gens étaient délurés et simples d'esprit, de toute façon.

Il aurait pu la repousser, en bonne et due forme, bien sûr. Pourtant, son instinct lui communiqua d'essayer de tirer profit de la situation.

▬ Des loups, c'est exactement ça, dit-il, en la fixant. L'un d'eux m'a attaqué, il y a longtemps. Un peu plus et je perdais ma jambe. C'était moins une. Mais... Je ne suis pas du genre à demander de l'aide. Je préfère me débrouiller seul, dit-il, en regardant un peu plus loin. Même si avec tous les frais médicaux, les fins de mois sont parfois difficiles... conclut-il, laissant volontairement sa phrase en suspend, espérant que cette altruiste serait assez crédule pour proposer spontanément son aide financière, par-dessus le marché.  

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Même si t'as pas besoin d'aide...

Cet homme semblait plutôt coincé, mais ce n’était pas ce qui allait arrêter Dory! Une fois une idée en tête, elle n’était pas du genre à abandonner… enfin, sauf si elle oubliait! Mais pour l’instant, elle n’était pas prête d’oublier cet homme qui lui semblait particulier. Qu’est-ce qu’il avait de spécial? La blonde n’aurait su le dire. Il y avait des moments comme ça, où quelque chose nous poussait à aller vers certaines personnes et d’autres non, c’était exactement ce qui s’était passé à ce moment là. Elle devait aller le voir et elle DEVAIT l’aider! Bon, peut-être qu’en fait une simple conversation serait suffisante et qu’elle perdrait bien vite l’idée d’aider le brun qui était peut-être bien tout à fait apte à s’occuper de lui-même.

Dory aurait donc vu juste avec cette histoire de loup? Quelles étaient les chances? Elle le dévisagea donc e le questionnant:

-Il y a beaucoup de Loups par ici? Ceux que je connais et qui ont fait cette mauvaise rencontre n’étaient pas en ville! Suzanne aussi a été blessée par une vilaine bête, mais elle s’en remet bien en faisant les bons exercices! Et vous, vous avez bien fait vos exercices? On appel ça la rééducation et il faut le faire sérieusement! Moi j’ai pas eu besoin, ma morsure de chien n’était pas assez grave!

La blonde montra sa main à l’inconnu, mais comme le temps avait passé, plus rien n’était visible sur sa peau. Elle n’avait pas vraiment conscience que l’homme devait s’en foutre royalement. À quoi bon montrer une main totalement guérie? Et bien l’amnésique ne le savait surement pas elle-même! c’est qu’elle avait toujours été plutôt impulsive, surtout parce qu’elle oubliait de prendre un moment pour réfléchir. Car malgré tout, le poisson n’était pourtant pas stupide, c’est seulement que sans les informations importantes, c’était difficile d’argumenter de façon intelligente! D’ailleurs, le brun ne semblait pas la porter en haute estime! Pourquoi s'intéressait-elle à lui d'ailleurs? Il ne semblait pas vraiment sympathique en fait! Pourquoi était-elle toujours attiré vers des personnes ronchonnes? Peut-être était ce truc que les gens disait « les contraires s’attirent? » parce qu’entre Marlin, Ryan, l’homme des égouts et bien d’autres gens, il y avait peu de positifs! Bon, d'un autre côté, bien des femmes que la blonde avait rencontrées dans ce monde étaient plutôt du genre souriantes, ce qui changeait des hommes! C'était peut-être un trait généralisé pour tous les mâles? Ils sont tous grognons, alors que les femelles sont heureuses? C'était tout de même un peu étrange, non? Quoiqu'il en soit, il n'était certainement pas temps de philosopher.

-Ce que je trouve difficile avec les fins de mois, c’est de passer au nouveau! C’est difficile à suivre, le temps passe si vite! Mais l’argent ça peut être un problème. C’est plutôt ennuyant en fait, ce serait bien mieux sans monnaie, ce serait tellement plus simple! Pourquoi tout compliquer? Mais je ne comprends pas… si ça fait si longtemps, ça ne devrait pas être guérit? À un moment, la plupart des blessures finissent par guérir et ne plus nécessiter de soins… Avez-vous besoin d’argent pour acheter autre chose, comme de la drogue? On dit que c’est mal! Mais moi j’en sais rien, ou j’ai oublié…  

D’ailleurs, d’où connaissait-elle l’existence de cette substance interdite? La télévision sans doute? Peut-être que quelqu’un lui en avait parlé? Est-ce que ça avait une importance? Pas vraiment. Il fallait aider cet homme, le sortir de l’enfer de la drogue, même si la belle bleue ne savait pas vraiment ce que ça signifiait. C’était amusant ce qu’il pouvait lui rappeler quelqu’un… mais qui? La blonde croisait tellement de gens qu’en fait, ce serait difficile même pour une personne normale de se souvenir de tout le monde!

-On se serait pas déjà croisé monsieur? J’ai l’impression de vous connaitre… Mais que ce soit le cas ou non, il faut arrêter la drogue! C’est mauvais pour votre santé! D’ailleurs, avez-vous besoin de quelqu’un pour traverser la rue? Oh, nous sommes pas dans la rue en fait… mais qu’est-ce qui amène quelqu’un de grognon comme vous dans cet endroit?

Et Dory babillait, espérant surement se faire un nouvel ami… Ou qui sait, peut-être qu’ils avaient des connaissances communes? Comme se serait bien de retrouver les gens de son monde!

C'est pas parce que je t'ai oublié que je ne veux pas t'aider
 

Hank s'attendait à ce que la tentative de manipulation – si du moins on pouvait appeler cela ainsi – soit assez facile, et pourtant, la blonde était plutôt surprenante dans son genre. Il fallait croire que sa première rencontre avec Dory, qu'il avait sous-estimée, alors qu'elle l'avait finalement pris au dépourvu ; ne lui avait pas servi de leçon. Il fut un peu désarçonné par sa question, réalisant qu'il n'était lui-même pas encore un expert, sur le monde des humains, même s'il pouvait effectivement se douter qu'il n'y avait pas beaucoup d'animaux sauvages en ville. Les humains avaient l'habitude de tout monopoliser...

▬ Je ne viens pas de la ville, dit-il avec mauvaise foi, même si c'était la première chose vraie qu'il disait depuis le début.

Mais il n'eut guère le temps d'ajouter quoi que ce soit, littéralement englouti par le flot de paroles de son interlocutrice. Franchement, elle n'était pas un peu déshydratée ? Et bon sang, qui était cette Suzanne ? Ou plutôt, que voulait-elle que cela lui fasse ?!

▬ Une morsure de chien ? demanda-t-il alors, car le discours avait bien progressé, le temps qu'il se posât ces quelques questions. Et je sais ce qu'est la rééducation, merci ! ajouta-t-il, commençant à être excédé par cette avalanche d'informations.

Il affichait une mauvaise humeur sans détour, les sourcils froncés et l'air morose comme on pouvait l'imaginer. Au moins, certaines choses n'avaient pas changé... L'inconnue marqua une pause dans son discours pour lui montrer la cicatrice qui recouvrait sa main. Enfin, si on pouvait appeler cela une cicatrice. C'était quoi ce chien ? Un chihuahua ?

▬ Ça a dû être douloureux, commenta-t-il, sans conviction, voire avec ironie.

A peine eut-il terminé de parler des fins de mois difficiles, qu'elle enchaîna avec une tirade qui lui permit d'aborder plusieurs thématiques, avec des transitions qu'il n'aurait pas cru possibles. Hank l'observait attentivement, avec un regard presque fasciné, en réalité. De toute évidence, il avait croisé la route d'une personne hors du commun, et qui lui rappelait quelqu'un, certes. Mais il estimait ses chances de retrouver Dory inexistantes, c'est pourquoi il ne soupçonna rien. D'ailleurs, plutôt que d'admettre que cette inconnue l'intriguait et avait le mérite de faire attention à lui, il préférait se répéter – plus par habitude qu'autre chose – que cette ahurie lui faisait perdre son temps... Il n'eut guère l'opportunité de réfléchir à l'utilité et aux désavantages du système financier mondial, en vérité. Il parut quelque peu agacé lorsqu'elle s'étonna que sa blessure n'avait pas guéri. Croyait-elle qu'une tentacule repoussait comme cela, en claquant des doigts ? Bon, ce n'était plus exactement ce genre de blessure, mais lui se comprenait !

▬ Certaines blessures sont incurables, commenta-t-il, avant d'être stupéfait par la perspicacité de son interlocutrice.

De la drogue ? Comment savait-elle qu'il commençait à user et à abuser des médicaments qu'on lui avait prescris ? Hank la regarda avec perplexité et méfiance, tandis que son teint palissait, peut-être en partie à cause de la honte. De toute évidence, cette femme en savait long et mimait peut-être la naïveté pour dissimuler un esprit sagace et déterminé. Mais que voulait-elle ? Cette rencontre était-elle le fruit du hasard ou attendait-elle quelque chose de sa part ? Était-elle envoyée par l'hôpital pour s'assurer qu'il était en bonne voie de « guérison » ? Plus Hank réfléchissait, plus sa paranoïa s'alimentait, si bien qu'il s'affola intérieurement. Bien sûr, il tâcha de rester impassible, en apparence.

▬ Je ne me drogue certainement pas ! s'indigna-t-il, avec un peu trop de véhémence.

Mais de toute évidence, ses justifications – mensongères de toute façon – n'avaient aucun effet sur Dory, qui passait déjà plus ou moins à autre chose, tout en considérant cette information sur la drogue, comme vraie et acquise. En tout cas, elle affirma que son visage lui était familier et ceci finit d'attiser les soupçons de Hank. Et voilà qu'elle lui demandait ce qu'il faisait ici ! Peut-être était-elle réellement en train de... l'espionner.

Hank serra la mâchoire et l'entraîna vivement à l'écart, de façon quelque peu abrupte, il faut le reconnaître. Il abattit un regard sombre et pesant sur elle.

▬ Pourquoi vous voulez savoir tout ça ? Et comment avez-vous toutes ces informations ? demanda-t-il. Qui êtes-vous ? Comment m'avez-vous trouvé ? C'est l'hôpital qui vous envoie ?!  

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C'est pas parce que je t'ai oublié que je ne veux pas t'aider

Même si t'as pas besoin d'aide...

Oooh, s’il ne venait pas de la ville, ça pouvait expliquer bien des choses! Quoique Dory avait toujours pensé que les gens étaient plus heureux à la campagne… Ce n’était pas un mal de venir d’ailleurs, alors pourquoi cet homme semblait fâché de cela? Il semblait vraiment étrange! Et puis il avait presque l’air de ne pas croire la blonde quand elle lui parlait de sa blessure! Bon, en fait, même l’amnésique remarqua qu’il n’y avait plus de traces de sa mésaventure. Même les traces de mâchouilles du chiot que Ryan avait ramené ne paraissaient pas! Mais ce détail, elle l’oubliait la plupart du temps, car dans la tête du poisson, on n’avait pas le droit de posséder un animal. Même s’il n’était pas gardé dans un aquarium comme un poisson, il avait droit à sa liberté… Et puis elle ne se souvenait jamais d’où son amoureux avait trouvé cet animal…

-oh, mais moi aussi je sais ce qu’est la rééducation! Oh oui, ça a fait mal, mais ça a bien guérit!

L’ironie? C’était quelque chose que Dory avait bien de la difficulté à saisir. Elle ne devait même pas connaitre ce mot! Et si c’était le cas, elle l’avait oublié aussi rapidement qu’on lui avait dit. Il faut dire que l’ironie était bien loin de la personnalité de la blonde, alors elle n’en avait pas besoin. C’était son côté enfantin qui l’empêchait sans doute de comprendre tout propos ironique, prenant presque tout au pied de la lettre. Il fut question que la blessure était incurable… c’était comme si on vous coupait un morceau, jamais ça ne repousserait! La plaie cicatrisait, mais jamais rien n’était comme avant.

S’il ne se droguait pas, pourquoi s’énervait-il ainsi? Dory était certes naïve par moment, mais elle savait aussi qu’il était rare que quelqu’un s’énerve sans raison. Qu’est-ce que le brun cachait? Brusquement, il l’entraina plus loin sans qu’elle ne comprenne ce qui se passait. C’était quoi son problème?! Elle n’avait posé ces questions que de façon totalement innocente!  La méchanceté ne faisait pas partie de l’ancien poisson, enfin, elle n’était pas à l’abri de la colère lorsqu’on la provoquait, mais sinon, l’amnésique était plutôt docile. Par contre, elle n’allait pas laisser passer cette brusquerie sans rien dire!

-Non mais ça va pas?!  J’ai rien fait moi! Quelles informations? On ne se connait même pas!! Je m’en souviendrais si j’avais rencontré quelqu’un d’aussi méchant! Je vous ai juste vu et vous aviez besoin d’aide! Je ne connais pas d’Hôpital! C’est que les malades qui vont là! Et je vais bien! Mais vous, vous n’allez surement pas bien!

Oubliant encore une foi de se présenter, Dory se dégagea de la poigne de l’homme d’un coup sec tout en reculant d’un pas. Elle le dévisagea, avant que son regard ne glisse vers un aquarium derrière le brun. Un petit moment d’absence plus tard, la blonde reposa son regard sur son interlocuteur :

-Je peux vous aider? C’est un peu triste tous ces poissons dans des aquariums, ils seraient bien mieux dans l’océan. Comme le dit Claire Chazal : secourir, réhabiliter et relâcher… Les humains mériteraient parfois de vivre enfermés, comme ça ils arrêteraient de faire subir ça aux poissons et animaux! Je dis ça, mais sans doute que vous n’en avez rien à faire à faire! Il y a pourtant tant de choses à savoir! Comme que les octopodes on trois cœurs!, mais ça ne les rends pas nécessairement plus gentils! Et puis… vous êtes qui en fait? On est où? Ce n’est pas un quartier de Londres ici? Les gens parlent bizarrement.

Même si l’ancien poisson se perdait souvent, c’était toujours une situation difficile à gérer, surtout quand les personnes qu’elle croisait n’étaient pas sympathiques. Elle n’aurait plus qu’à appeler ses contacts pour que quelqu’un l’aide… Où peut-être que si elle trouvait une carte… ou mieux, des coquillages, elle pourrait retrouver son chemin jusque chez elle? Réfléchissant, la blonde essayait de faire des liens entre les brefs souvenirs pour reconstituer ce qui l’avait menée là. Et puis il y avait ce type devant elle qui semblait la fixer… Lui voulait-il du mal? Avait-il perdu son fils? Mais surtout, pourquoi lui semblait-il familier? Elle n’en avait pas la moindre idée!

C'est pas parce que je t'ai oublié que je ne veux pas t'aider
 

Hank avait parfois l'impression que le monde était scindé en deux catégories : ceux qui ne comprenaient pas l'ironie, et ceux qui ne savaient même plus s'exprimer sans. La facilité voulait que l'on pensât que les gens imperméables aux sarcasmes étaient naïfs, voire candides. Mais peut-être que les plus fragiles, et sans doute les plus malheureux, étaient les éternels sardoniques. Hank, par exemple, n'était pas très doué pour exprimer ses sentiments ou parler avec le cœur. Même s'il en avait trois... Quoiqu'il en soit, cela pouvait rendre certaines conversations... difficiles.

Hank finit par se laisser emporter par la méfiance, pour ne pas dire la paranoïa. Il empoigna fermement Dory avant de l'entraîner à l'écart, la martelant de questions. La dame semblait outrée et ne rien comprendre à sa réaction. Le regard de Hank s'assombrit tandis qu'elle l'accusait d'agir avec méchanceté. C'était l'histoire de sa vie. Une part de lui avait envie de la « cuisiner » davantage, mais force était de constater que son intonation paraissait sincère. Ses grands yeux clairs ne semblaient dissimuler aucune trahison. Au reste, Hank ne savait toujours pas qui était cet étrange personnage et cela commençait à bien faire...

Son interlocutrice finit par se dégager. Un instant, il crut qu'elle allait appeler à l'aide et lui attirer des ennuis. Mais non, elle resta figée devant un aquarium, comme si le temps s'était arrêté pour elle. Hank l'observa avec incompréhension.

Je vous laisse imaginer sa surprise, lorsque Dory se tourna vers lui, avec une expression totalement différente, comme si elle venait de le rencontrer. Elle lui demanda naturellement si elle pouvait lui venir en aide, comme si... Comme si... Ce qu'il venait de se passer avait été éradiqué de sa mémoire !

Hank passa la main sur son menton, l'air médusé. Non, c'était impossible !

Et pourtant, il affichait une expression de plus en plus ahurie, au fur et à mesure qu'elle débitait ses paroles. Elle citait désormais Claire Chazal, l'ange gardien du centre aquatique où ils s'étaient connus ! Et la fameuse anecdote des trois cœurs des poulpes... Sans réaliser l'effet qu'elle provoquait sur lui, elle enchaîna avec une série de questions qu'il entendait à peine, comme un bourdonnement lointain. Le choc était trop rude. Dory était... fidèle à elle-même.

Il s'approcha d'elle, l'observant des pieds à la tête, le regard très insistant sur son visage. Il essayait de reconnaître le poisson-chirurgien dans cette enveloppe charnelle... Il était vrai que cette humaine partageait bien des expressions et des regards avec le poisson qu'il avait connu. Mais même s'il avait lui-même vécu cette métamorphose, c'était incroyable.

▬ Dory... C'est moi. Hank, dit-il simplement, peinant à se remettre de ses émotions. Tu es à Paris ici... Entourée d'humains...

Il regagna le silence, et garda ses distances, ainsi qu'un air aussi neutre que possible, malgré la tempête qui se déchaînait dans son crâne. Il ne doutait pas de l'identité de Dory. Il aurait reconnu ce comportement entre mille, pourtant, il souhaitait en savoir plus avant de s'ouvrir parfaitement. Si tant est qu'il en fût capable... Voyez-vous, il éprouvait encore des sentiments contradictoires à l'égard de Dory. Il ne pouvait plus lui en vouloir de l'avoir abandonné, si elle avait subi la même chose que lui. Et en même temps, elle l'avait oublié... Comme il l'avait toujours redouté. L'expression de Hank s'assombrit. Il ne comprenait même pas pourquoi cela l'affectait, lui qui n'avait besoin de personne... !

▬ Je t'avais dit que tu m'oublierais, le temps d'un battement de cœur...  

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C'est pas parce que je t'ai oublié que je ne veux pas t'aider

Même si t'as pas besoin d'aide...

Que l’homme ait l’air pensif, Dory n’y porta pas vraiment attention alors qu’elle débitait les informations qui lui venaient en tête. Elle pouvait souvent avoir l’air d’un moulin à paroles, mais le seul moyen de ne pas oublier de dire une information, c’était de la dire tout de suite. Sinon, ça se perdait dans ce trou qu’était la mémoire de l’amnésique, pour ne jamais en ressortir. Parler d’informations ou de faits pouvait aider la blonde à retenir quelque chose. Pas toujours, mais c’était un début. Chaque bride qui restait accrochée était importante et pouvait servir à se souvenir d’un visage, d’une info… Ou pouvait permettre à quelqu’un d’autre de faire les liens nécessaires. C’était un peu le cas, l’homme face à elle venait de l’appeler par son prénom!

Dory ne comprit pas immédiatement que c’était parce que le brun la connaissait d’avant, croyant s’être elle-même présentée, ce qu’elle n’avait pourtant pas fait. Elle avait fait bien plus que cela, la blonde avait donné des informations que presque seulement elle aurait pu sortir dans ce contexte, la preuve ultime de son identité. Ce pauvre homme semblait sous le choc, mais l’ancien poisson ne comprenait pas ce qui se passait. Peut-être qu’il avait mal? Qu’il était en manque de drogue? Qu’en savait-elle après tout. Au moins, il savait où ils se trouvaient, ce qui était un bon début, il n’était pas trop perdu.

-Oui, c’est moi, Dory? Il y a un problème? Je sais qu’il y a des humains, c’est normal qu’il y en ait plein quand on n’est pas dans l’océan! Surtout dans une ville! Hum… Paris? Ça expliquerait bien des choses… Sauf comment je suis arrivée ici…

Ce type, Hank? Il semblait de plus en plus renfrogné, non? Ce prénom, ça lui disait quelque chose… C’était un joli prénom! Mais n’avait-elle pas connu quelqu’un avec un prénom semblable? Quelqu’un de bougon, méfiant et solitaire… Une créature marine rencontré alors qu’elle cherchait ses parents dans cet institut. Ce pauvre bougre préférait rester en captivité, dans un aquarium plutôt que la liberté de l’océan! Bon, il faut dire que le septopus pouvait sortir et se glisser un peu partout grâce à son agilité et ses talents de camouflage! Ils avaient vécu plein d’aventure ce jour-là! Allant jusqu’à conduire un camion ensemble, bien que le poisson avait été souvent distraite et son compagnon avait du la rappeler à l’ordre!

Le lien entre les deux individus, son hank et celui face à elle ne se faisait pas. Autant Dory pouvait prendre presque tous les enfants comme un Nemo potentiel, pour l’heure, sa mémoire continuait de s’obstiner à les garder loin un de l’autre malgré les très nombreuses ressemblances. Enfin, c’était le cas jusqu’à ce qu’il dise cette dernière réplique, qui donna comme un coup de poing à l’amnésique. Quelqu’un lui avait déjà dit cela, mot pour mot! Ce fut le détail dont elle avait besoin pour enfin comprendre et surtout se souvenir. Ses yeux se remplirent d’eau sous l’émotion. Ça faisait si longtemps… Au point que même elle, à qui la notion du temps défaillait, pouvait dire que leur dernière rencontre datait. Depuis que la blonde vivait parmi les humains, elle n’avait jamais revu personne de chez elle! L’amnésique se jeta dans les bras de son ami, le serrant très fort :

-Hank… Comment je pourrais t’oublier pour toujours? Il y a belle lurette que je suis ici, je pensais bien ne jamais revoir personne, même pas mon septopus préféré. Toi, y a longtemps que ça t’es arrivé? Est-ce qu’il y en a d’autre? Marlin? Elmo? Il est arrivé tellement de choses depuis que je suis ici! Bon, j’en ai oublié beaucoup… Je me perds souvent aussi. Je me suis fais de nouveaux amis et j’ai un copain! Faudra que je te les présentes! Je travaille comme surveillante de piscine à Londres, J’adore ça! Mais je m’ennui souvent de l’océan et de vous tous…

Ça ferait bientôt cinq ans que Dory se trouvait chez les humains, elle avait donc du se résoudre à continuer sa vie. Ce n’était pas parce qu’elle était loin d’eux qu’elle ne songeait pas à eux fréquemment.  Ils avaient réussi à se frayer un chemin jusqu’à sa mémoire à long terme, elle ne pouvait plus les oublier… bien que parfois, il fallait quelques indices pour qu’elle se souvienne.

-Je suis contente de te revoir… comment tu vis tout ça? C’est pas facile de devenir humain sans rien avoir demandé… J’ai surement des anecdotes sur le sujet, mais il faudra demandé à un ami de les raconter… Je sais qu’il je faut plus essayer de respirer sous l’eau par contre.

La blonde se sépara de son ami, le regardant de haut en bas comme si c’était la première fois qu’elle le voyait. En même temps, c’était une toute nouvelle apparence! Elle remarqua alors la canne :

-Tu as de la difficulté à marcher? Il est arrivé quoi?

C’était Dory, il ne fallait pas se surprendre qu’elle ne pensait déjà plus à ce moment où elle avait voulu aider un inconnu qui boitait à peine dix minutes plus tôt.