Sa valise de touriste bouclée, Helga prépara ce qui était vraiment important à ses yeux : les armes. Elle les vérifia une par une, les rangea soigneusement, puis elle ajouta le matériel de plongé habillement camouflé par Sam au reste de la valise. Ils devaient se faire passer pour des touristes, pas des mercenaires venus plonger pour aller récupérer des objets pour un collectionneur dans la baie des cochons. Une fois le tout préparé, elle alla dans la salle de bain pour se maquiller, non sans avoir tapé les fesses de son homme au passage. Il s’en suivit des éclats de rire complice, suivis d’un regard partagé, qui avait fini en un baiser.

Une fois maquillée comme une touriste lambda, Helga s’occupa de ses cheveux qu’elle attacha en queue de cheval. Tout en se coiffant, elle vit son homme dans le reflet du miroir et sourit. Cette mission en amoureux sonnait comme des vacances. Cela faisait bien longtemps que la mercenaire n’avait plus pris du temps de repos. Son rythme de vie effréné et ses responsabilités de chef d’entreprise ne le lui permettaient pas. De plus, ce n’était pas dans la nature de la mercenaire de vouloir des vacances. Elle avait besoin d’être actif pour exister et se réaliser. Pourtant, elle n’était pas mécontente de cette mission tranquille. Cela s’expliquait par le fait qu’elle y allait avec son homme et qu’elle pourrait pleinement profiter de sa compagnie, sans être dérangée par sa fille, son meilleur ami, le travail, ou par d’éventuels problèmes causés par Louis. Elle s’était ainsi assignée cette mission, qui n’incombait d’ordinaire pas la mercenaire ni Hadès. C’était une mission de routine, qui était généralement donnée aux nouvelles recrues. Néanmoins, comme c’était la seule mission dans un pays chaud du Dark Diamond pour l’heure et afin d’honorer sa promesse, Helga avait permuté les missions et s’était incluse dedans. En effet, cette mission pouvait facilement se réaliser seul, mais la blonde avait promis une mission au chaud avec son compagnon. Aujourd’hui, elle honorait sa promesse, en femme de parole qu’elle était.

De retour dans la chambre, son portable sonna. C’était Sam. Il venait la prévenir qu’une mission importante nécessitait ses habilités et celles d’Hadès et qu’il devait réassigner leur mission à une nouvelle recrue. Helga comprit. Après avoir raccroché, elle informa son compagnon du changement de plan. Ils devaient retourner au QG. La mercenaire ne prit pas la peine de préciser que ça signifiait l’abandon de la mission tranquille au sud, pour une potentielle mission fastidieuse dans des contrées moins clémentes. Hadès l’avait compris.

Arrivés au QG, après avoir déposé les armes et le matériel devenus inutiles, ils prirent la direction d’une salle de réunion de l’étage. Sam leur expliqua la situation. Il expliqua avec les hologrammes et projections habituels la mission, le but, la localisation, comment procéder, la configuration du terrain et toutes autres informations utiles à la mission, sa compréhension et sa mise en place. Helga écouta attentivement et enregistra les moindre détails, en commentant certains. Elle donna ensuite les directives et Sam les envoya au département de l’équipement, où il avait déjà préparé le nécessaire.

Sur le chemin, dans les couloirs déserts, la mercenaire sourit aux paroles de son homme. Le voir se plaindre ne l’agaçait pas, mais l’amusait. D’ailleurs, elle le taquina en lui répondant ironiquement. « Oui, il le fait exprès, Alexander, car je lui ai spécifiquement demandé de t’assigner uniquement aux missions dans le froid, car je sais que tu les adores, alors forcément quand une se présente, il te convoque. » Helga vérifia que personne ne se trouvait dans le couloir qu’ils empruntaient. Lorsqu’elle fut sûre, elle plaqua le dieu des enfers contre le mur et l’embrassa passionnément, avec ses mains qui étaient loin d’être inactives. Quand elle se détacha, elle lui susurra à l’oreille « Je te promets, mein Feuer, que ce n’est que partie remise. La prochaine mission au chaud est pour nous, même si je sais que côté chaleur, nos corps se suffisent à eux-mêmes. » Espérant que la mauvaise humeur de son homme soit passée, du moins en partie, elle reprit le chemin avec Hadès vers le département de l’équipement. Une fois prêts, ils montèrent dans un jet du Dark Diamond, où Helga prit la place du pilote.

Durant le vol, Helga écouta Hadès lui parler de ce qu’il lisait. Elle ne put s’empêcher d’utiliser le sarcasme pour lui répondre. « Quel dommage, moi qui envisageais de mourir précisément là-bas. » Elle se concentra ensuite sur la route. La nuit noire n'aidait pas en visibilité. Heureusement les équipements détectaient les obstacles et la mercenaire avait l’expérience du terrain. De plus, Helga avait retenu l’étymologie de l'île où ils devaient se rendre. Spitzberg signifiait "montagnes pointues". Grâce à la topologie des lieux présentée lors du debriefing, Helga avait pu voir que le nom n'était pas dû au hasard. C'était bel et bien un paysage montagneux. La mercenaire n'en était pas à sa première mission en montagne. Elle savait donc comment réussir à piloter et bien atterrir dans un tel relief. Tous les phares du jet éclairaient le sol neigeux. Ce n'était pas sans risque, mais elle réussit sans encombre.

Une fois dehors, les ténèbres les enveloppèrent, tout comme le froid mordant. C’était pire que sa dernière mission dans le pôle sud, mais elle n’en laissa rien paraître. Le râleur du binôme était déjà défini. Il s’agissait d’Hadès. Et puis, Helga était la chef. Elle ferma avec précaution leur jet et se dirigea vers l’entrée de la réserve. Une simple et petite passerelle les attendait, simplement éclairée par un projecteur. Une grande porte se tenait au bout. Ils toquèrent et au bout de quelques minutes, on leur ouvrit. Une fois à l’intérieur un homme d’âge moyen, tout juste sorti du lit les interrogea d’une voix pâteuse. Après vérification des badges et la surprise passée de voir l’inspection avancée d’un jour, il les escorta gaiement. La mission promettait d'être simple, rapide et efficace. Avec leur tour de passe-passe, personne ne serait blessé ou tué, il n'y aurait aucune accroche et ça serait rapide. Le plus long était dans le trajet.

Elias les escorta le long du couloir et de ses cent mètres, qui descendait dans les profondeurs de la terre. En effet, la réserve était souterraine. Seule l'entrée ne l'était pas. Helga observa les lieux. C'était un grand tunnel aux murs gris, avec des câbles apparents au plafond. A droite se trouvaient des portes menant aux locaux techniques et à gauche, jalonnant le tunnel, des lumières régulières éclairaient les lieux. Une fois arrivé au bout, devant les trois salles, il se tourna vers eux. Dans un accent norvégien, il s’exprima en anglais. « Je vous laisse à votre inspection. Revenez me voir quand vous aurez fini, que je vous ouvre. » Helga acquiesça et se tourna vers Hadès. Elle lui laissa le soin de choisir la salle, comme une sorte de dédommagement suite à l’annulation de la mission de Cuba.

Hadès opta pour la porte de droite. Ils y entrèrent et elle étudia les lieux. C’était une grande pièce grise, sans fenêtre comme tout le reste du bâtiment, éclairée uniquement par un éclairage artificiel, par le biais de plusieurs lampes suspendues au plafond. Cette pièce, qui faisait office d’entrepôt, contenait plusieurs rangées d’étagères alignées. Sur chacune d’elle, des bacs en plastique y étaient entreposés avec des échantillons soigneusement étiquetés. Aucune doute, il leur faudrait du temps pour arpenter l’ensemble de la salle. Et il s’agissait de ne pas en perdre. Hadès alla ainsi droit au but et demanda si le client avait une préférence. « Pas que je sache. Il a été plutôt évasif d’après Sam, voulant ce qu’il se fait de mieux et le plus important, ce qui est le plus rare, mais j’ai une liste. Sam a fait des recherches sur les échantillons intéressants ou susceptibles de l’être. » Helga tendit ladite liste à son employé/compagnon. Il la regarda et émit une proposition quant à prendre des graines africaines. « Oui, c’est une idée. » Elle laissa ensuite le soin à l’ancien dieu des enfers de s’occuper de brouiller les caméras. Elle se dirigea vers une rangée et commença à regarder la liste qu’Hadès lui avait rendue. Ce dernier la rejoignit. Ensemble, ils comparèrent la liste aux échantillons entreposés. Le mercenaire repéra une caisse en hauteur et grimpa pour l’atteindre. Il la passa à sa supérieure, qui la saisit avec précaution. Elle la déposa au sol et commença à prendre les échantillons voulus, lorsqu’un bruit lui fit relever la tête. C’était Hadès qui venait de glisser et qui avait fait trembler l’étagère. Des échantillons tombèrent au sol. La mercenaire, parce que c’était son compagnon, ne le réprimanda pas. Elle se contenta de remettre en place certaines graines, tandis qu’Hadès en mettait d’autres de façon aléatoire dans son sac. Helga regarda sa montre. Ils n’avaient peut-être pas le temps de tout inspecter, mais il devait essayer. La mercenaire avait une réputation à tenir. Son empire n’était pas fondé sur un mythe. Il était réellement un des meilleurs du marché, c’était précisément pour cette raison qu’elle avait été mandatée et pas quelqu’un d’autre. C’était en prenant des risques qu’elle réussissait à faire prospérer et maintenir à flot le Dark Diamond. Ainsi, elle prit le risque de poursuivre avec la liste et changea de stratégie. S’ils restaient ensemble, jamais ils n’y arriveraient. Elle expliqua le changement de plan à son employé, puis prit en photo avec son portable la liste des graines et tendit l’originale à Hadès. Elle partit dans une direction et Hadès dans une autre. Ils se mirent chacun à arpenter les allées à la recherche des échantillons désirés. Ils ratissèrent plus rapidement et plus efficacement les lieux. Lorsqu’ils eurent terminé, ils quittèrent la pièce et passèrent à la suivante. Ils procédèrent de la même façon.

Dans la dernière pièce, ils s’activèrent le plus rapidement possible. Une fois le travail terminé, ils prirent la direction de la salle où se trouvait Elias. Ce dernier leur avait en effet demandé de le prévenir lorsqu’ils auraient fini. Les mercenaires avaient calculé le temps que devrait prendre une véritable inspection et s’étaient calés sur ce temps pour réaliser leur vol. Devant la porte ouverte, ils toquèrent et le norvégien se retourna. Il leur sourit et leur demanda toujours en anglais de son accent norvégien. « Alors, tout est en ordre ? »
-Oui, tout est conforme, aucune graine n’est endommagée et les installations fonctionnent.
- Parfait. Vous partez maintenant ?
- Oui, comme convenu. Nous avons une horaire à respecter.
- Oui, je comprends. Je vous ouvre. »

« Voilà une mission comme je les aime. Rapide et efficace. Et avec un bonus. Tu as eu une bonne idée de prendre les graines africaines, qui n’étaient pas sur la liste. Je pense qu’on pourra doubler le prix », annonça cupidement Helga, une fois les deux mercenaires de retour dans l’avion, en direction du Dark Diamond. « Je pense que ça mérite une petite récompense... » La mercenaire mit le pilotage automatique et attira Hadès vers l’arrière du jet, au niveau de la table de décision. Elle pressa le bouton et un hologramme du globe terrestre apparu. Elle plaça son doigt ganté vers une zone qui s’agrandit. Il s’agissait de Cuba, leur destination initiale. « Une fois les graines déposées auprès de Sam, on pourrait y faire un tour. Ce n’est pas très loin du QG, il y a des cigares qui sauront te ravir, l’alcool n’est pas mauvais et surtout, c’est au chaud. Ça ne sera pas pareil que ce qui était prévu. Nous n’irons pas pour quelques jours à Cuba, quelques heures tout au plus, mais une promesse est une promesse. Et tu sais que je les honore toujours. » Helga lui sourit, ses yeux avides plongés dans ceux de son homme. Elle lui sauta dans les bras et l’entraîna sur la table, qui ne fut pas le théâtre d’une planification de mission, loin de là...

Une fois arrivés au Dark Diamond, ils sortirent du jet et se dirigèrent vers Sam avec la cargaison. Ce dernier la confia soigneusement à un employé. Helga arqua un sourcil. Pourquoi ne la prenait-il pas lui-même ? Quelque chose clochait. Le gestionnaire des missions et directeur du département équipement demanda à voir Helga dans son bureau, en mentionnant qu’Hadès pouvait venir. « Qu’il y a-t-il Sam ?
- Il vaut mieux que vous l’appreniez en privé, de vive voix. »
Helga fut surprise du ton adopté par Sam. Quelque chose de grave s’était produit. Etait-il arrivé quelque chose à sa fille ? Théana n’était pas en mission, pas à sa connaissance. Inquiète, mais ne laissant rien paraître, elle se dirigea vers son bureau avec Hadès et Sam. Une fois à destination et la porte de son bureau fermée, Sam se lança. « C’est au sujet de l’agent Boggs... » Sam laissa sa phrase en suspens. A son évocation, Helga prit peur. Elle n’avait pas pensé à son meilleur ami, celui qu’elle considérait plus qu’un simple frère d’arme, mais comme faisant partie de sa famille. Pour les mauvaises nouvelles, il était le denier auquel elle aurait pu penser. Randall était son meilleur élément. Il ne lui arrivait jamais rien de fâcheux en mission. Et depuis les événements de la Transylvanie, ils avaient tous redoublé de vigilance. Nicolas le faisait chanter ? L’avait-il repris à son compte ? Helga invita Sam à poursuivre d’une voix calme. « Oui, qu’il y a-t-il ? » La blonde vit Sam hésiter, comme s’il cherchait la bonne façon de formuler les choses, connaissant son lien avec le caméléon. Il regarda tour à tour Helga et Hadès, essayant de ne pas être maladroit. « Il y a eu des complications durant la mission, des grosses complications...Les équipes, toutes sans exception, sont rentrées il y a une heure. Certains hommes sont à l’infirmerie et Doc’ les examine. Certains ne s’en sont pas sortis. Le chef du personnel viendra vous en parler tout à l’heure, mais comme je sais que vous étiez proches de lui, pas du chef du personnel, mais de Boggs...enfin.. je me suis dit qu’il valait mieux que vous l’appreniez par moi, que de façon froide par le chef du personnel, en voyant son nom sur la liste. Je suis désolé, Chef, il ne s’en est pas sorti...
- Vous en êtes surs ? La liste a été vérifiée ? »
Sam hocha simplement la tête, sans assurer qu’une vérification avait été faite. Il savait qu’Helga avait demandé ça uniquement pour repousser la vérité, parce qu’elle encaissait le choc. Il connaissait presque par coeur sa patronne et réciproquement. Sam savait qu’elle savait que la procédure avait été respectée et qu’il n’y avait donc pas d’erreur possible. A chaque perte du personnel, il y avait une vérification. Si aucun corps n’était trouvé ou confirmation prouvée, l’agent ne figurait pas dans la liste des personnes mortes, mais des personnes disparues. La liste était alors envoyée par le chef du personnel à Helga. Il se déplaçait dans le bureau de la patronne uniquement lorsque les agents étaient morts et que leur statut de défunt était attesté. C’était leur procédure. Ils voyaient alors ensemble qui avait ou non des proches et Helga se chargeait décrire les faire-parts de décès. Les enterrements, pour ceux sans attaches, étaient alors réalisés au QG. Sam s’approcha d’Helga et posa une main sur son épaule. « Je suis désolé, Chef, sincèrement. » Il regarda ensuite Hadès, puis échangea un regard avec sa patronne. Elle posa sa main gantée sur sa main, hocha la tête, puis l’observa sortir du bureau et refermer la porte sans ajouter un mot. Elle se tourna vers Hadès, la tristesse et la douleur marquant son visage. Elle en avait perdu des recrues, que ça soit dans son monde et dans celui-là, mais cela ne l’avait jamais autant atteint que maintenant. Jamais Helga n’aurait pensé le perdre. Certes, la mort planait irrémédiablement sur leur vie. Ils avaient tous les jours un rendez-vous avec la mort. C’était le contrat qu’ils avaient implicitement signé avec elle en se lançant dans ce style de vie et de profession. Seulement la mort avait la clémence de reporter le rendez-vous. Mais pas aujourd’hui, pas pour Randall. Aujourd’hui, elle avait honoré le marché. Aujourd’hui, elle avait pris son meilleur ami. Helga alla se blottir dans les bras de son compagnon. La froide mercenaire était humaine et à cette seconde, elle n’avait jamais eu autant besoin de sentir un corps chaud et vivant contre le sien. Elle n’avait jamais été aussi fragile qu’à ce moment-là. Ce n’était pas la première fois qu’elle perdait un être cher. C’était la deuxième fois. Elle avait perdu son mari, le père de Théana, il y a des années maintenant. Depuis, elle avait oublié ce que c’était. Elle ne comprenait plus vraiment les gens qui pleuraient leur mort. La mort faisait partie de la vie, il n’y avait que les idiots pour l’oublier. Elle savait qu’elle et ses hommes pouvaient mourir à chaque seconde. Cependant, bien qu’elle en était consciente, bien qu’elle soit endurcie, elle avait oublié une chose toute simple. Il n’y a rien de plus douloureux que la perte d’un être cher et face à cette douleur, toutes les barrières et blindages s’écroulent. Helga n’y faisait pas exception. Recroquevillée dans les bras protecteurs de son homme, contre son corps chaud, elle tenta d’oublier le froid qui lui glacé le dos et qui la consumait. Une chose était sûre, les latitudes chaudes n’étaient décidément plus à l’ordre du jour.