La plupart des gens trouveront des tas de défauts à Jack. C'est un menteur, un voleur, un tricheur. Il est malhonnête et profiteur. On vous mettrai aussitôt en garde si vous vous interrogez à son sujet. En réalité, c'est surtout un grand réaliste. Il ne fait que jouer aux règles que la ville lui impose : celle du plus fort. C'est un grand débrouillard pragmatique qui n'a pas peur de se salir les mains pour faire ce qui doit être fait.

Il est d'ailleurs à ce sujet très fort. Brillant pour atteindre ses objectifs, il trouve toujours un plan plus ou moins tordu dans lequel embarquer ses amis. Stratège et observateur, il se débrouille toujours pour contourner les problèmes insurmontables. Selon lui, il n'y a pas de problème, mais que des solutions. Il s'adapte toujours à la situation qui se présente à lui. C'est aussi un leader né et la prise de décision n'est pas un problème pour lui. Même en situation critique, il entraîne ses amis avec lui jusqu'à la réussite - ou pas.

De plus, protecteur et bienveillant envers ses proches, on ne trouvera pas d'ami plus fidèle. Roublard n'a pas peur de s'attirer des ennuis et fait preuve d'un courage sans faille pour venir en aide à quelqu'un qui lui est cher. Il aime sans condition le peu de gens à qui il s'attache et peu se montrer très généreux avec eux. Souvent joueur, il adore passer du temps en bande et ne prend pas les choses trop au sérieux. Il reste en revanche susceptible, bien que non rancunier, si quelqu'un en qui il a finalement accordé sa confiance le déçoit.

Enfin, on aura beau le dire insensible au monde de part la façade toujours sûr de lui et moqueur qu'il affiche souvent, c'est au fond quelqu'un de très attentif et généreux. Il sait faire preuve de compassion au moment où on s'y attend le moins et sera toujours prêt à accueillir les plus galériens d'entre vous à ses côtés.

Roublard a vu le jour à New-York City dans les années 80, au sein d'une portée de cinq chiots. Petit bâtard au pelage blanc et marron, il a d'abord séduit un jeune couple qui a décidé de l'adopter sur un coup de tête. Après quelques mois à vivre l'idéal, la réalité a malheureusement vite rattrapé le petit chien. Comme tant d'autres avant et après lui, il est abandonné sur le bord de la route un après-midi de vacances. Ses maîtres ne lui laissent qu'une gamelle d'eau, persuadés qu'il trouvera bien vite une petite famille de passage prête à s'apitoyer sur le sort du pauvre toutou. Les jours passent et le chien doit pourtant se débrouiller seul. Confronté à la cruelle réalité de la vie dès son plus jeune âge, il comprend à la dure qu'il ne pourra compter que sur lui-même dans cette ville près de laquelle il a été laissé derrière.

Après une longue semaine compliquée, Roublard fait cependant la rencontre de Fagin, un pauvre homme qui vient lui aussi de se faire expulser de sa maison. L'homme et le chien se jaugent et se comprennent. Avec une grande douceur, Fagin propose à l'animal de partager son repas. Roublard est surpris, c'est le premier geste gentil que quelqu'un a pour lui depuis des jours, et le début d'une amitié infaillible.

Les années passent et la famille s'agrandit au fur et à mesure. Ils sont six au total : Fagin, Tito, Einstein, Francis, Rita et Roublard. La meute est inséparable et se serre les coudes face à la misère. Au final, ils ne sont pas si malheureux et se débrouillent très bien dans les rues de New-York, à leur manière.

Un petit nouveau fait son apparition dans la bande lorsque Roublard rencontre un beau matin le jeune Oliver. Le chien se sert du petit chat pour dérober une série de saucisses au gros Louis, le vendeur de hot-dog de la 34ème rue, mais il ne s'attend certainement pas à ce que le chaton parvienne à le suivre jusqu'au repère du groupe pour réclamer sa part de saucisses. Amusé et attendri par la colère naïve du petit chat trompé, il le présente à sa bande qui l'adopte presque aussitôt.

Le petit Oliver a clairement du potentiel mais doit apprendre les petits tours qui rendent la vie plus facile. Alors la meute de chiens l'entraîne dans les rues de New-York lorsqu'ils se lancent à la recherche de trésors pour rendre la vie du patron Fagin un peu plus simple. Le destin leur sourit lorsqu'une limousine fait son apparition, mais le plan de Roublard ne se passe pas comme prévu et Oliver est enlevé par le conducteur. Aussitôt, la bande met en place un plan de sauvetage et récupère brillamment le jeune chat le lendemain. Malheureusement, celui-ci ne semble pas si ravi que ça de les revoir. Malgré tout le mal que les chiens se sont donnés pour le sortir de la grande maison, Oliver leur apprend sans considération qu'il était mieux là-bas.

Déçu et blessé, Roublard l'invite sans pincettes à prendre la porte puisque la meute n'est plus assez bien pour lui. Cependant, Fagin entre au même moment et voit en Oliver (et surtout en son collier qui brille) la solution à tout ses problèmes. Le petit chat sera rendu à sa famille d'adoption contre quelques sous en échange. Le pauvre homme est désespéré face au montant des dettes qu'il doit rembourser à Sykes. Malheureusement, alors qu'il attend nerveusement l'arrivée du riche milliardaire sur les quais, Fagin se rend compte avec horreur que la poche dans laquelle il avait glissé le petit chat est vide. Oliver s'est fait la malle et les a abandonné dans un pétrin sans nom ! Roublard n'en revient pas. Il est non seulement déçu de nouveau mais surtout fou de rage. L'épée de Damoclès qui penche dangereusement au-dessus de leurs têtes vient encore de descendre un peu plus. La meute se met alors à fouiller les quais en toute hâte en espérant que le petit chat ne puisse pas être allé bien loin.

Cependant, leur recherche hâtive est interrompue par l'arrivée d'une petite fille qui pleure, seule et perdue. C'est la petite Jenny qui est venue offrir ses économies à celui qui a kidnappé son petit chat. Fagin se noie dans la culpabilité lorsqu'il voit à quel point la petite est affectée par cette disparition et il lui promet de l'aider à retrouver le chaton. Le patron a toujours été un homme trop bon, même au bord du gouffre.

Malheureusement, alors que la bande songe à se mettre en route pour le domicile de Jenny - sans doute le premier endroit vers lequel Oliver se serait rué - la voiture de Sykes fait son apparition et enlève la jeune Jenny. Aussitôt, la meute monte un plan pour arracher la fillette aux griffes du mafieux sans morale. Hors de question de laisser une pauvre enfant payer pour les dettes de la bande ! Après concertation, les chiens parviennent avec plus ou moins de peine à retrouver Jenny et à s'enfuir de justesse, mais Sykes n'est pas prêt à lâcher l'affaire et se lance aussitôt à leur poursuite avec ses deux gros dobermans.

S'ensuit une course-poursuite terrifiante dans les tunnels du métro où Jenny chute du scooter de Fagin et tombe sur la voiture de Sykes. Pour l'aider à échapper à son emprise, Roublard saute donc dans la voiture à son tour et attaque les dobermans pendant que Jenny fuit par la fenêtre. La lutte est sans merci entre les chiens, mais seul contre les deux dobermans, Roublard ne fait pas le poids. Après avoir fait chuter l'un des deux, il est mis en mauvaise posture par l'autre et n'a pas d'autre choix que de l'entraîner dans sa chute sur les rails pour espérer ne pas être réduit en bouillie.

L’atterrissage est brutal. Roublard ne se souvient pas de grand chose, mis à part de la douleur. Il s'est probablement cogné la tête, car rapidement tout est devenu noir. La chose aurait pu finir très mal après le passage d'un métro sur son pauvre petit corps inconscient, mais l'animal s'est réveillé très surpris sur un banc, en plein Central Parc. La tête lourde et le corps douloureux, il ne lui a pas fallu plus de 20 secondes avant de se rendre compte qu'il n'était plus le même.

Propulsé dans un autre monde au moment le plus critique de sa vie de chien, ce changement n'est pas malvenu mais beaucoup trop curieux pour que Roublard ne panique pas. Il lui faudra au moins deux longues journées pour se faire à ce nouveau corps et comprendre les nouveaux enjeux de cette nouvelle vie. Mais contre toute attente, alors que la transformation de sa vie est majeure, ce qui bouleverse le plus Roublard, c'est d'avoir perdu toute trace de ses amis les plus chers. Son premier réflexe est pourtant de courir jusqu'à leur repère. Par chance pour lui, New-York reste presque la même et le dépaysement n'est pas total, malgré quelques curieuses évolutions dues au changement d'époque. Mais lorsqu'il arrive au refuge qui semble abandonné depuis un moment, il ne trouve aucune trace, aucune piste à suivre, tout le monde a tout simplement disparu. Pendant un moment, l'idée que Sykes ait pu les avoir lui ruine le moral. Il erre de longues journées sans le moindre but. Et puis un jour, il a l'idée de se mettre à la recherche de Sykes lui-même pour lui demander de rendre des comptes. Mais même lui, est introuvable.

Alors forcé de tout reprendre depuis le début, lorsqu'il était seul et livré à lui-même, Roublard s'invente un nom et une vie d'humain. Plusieurs matins, en se réveillant, il espère que le cauchemar soit enfin fini. Mais tous les jours, se sont des mains qu'il voit devant lui. Heureusement, Roublard n'est pas le genre de chien qui se laisse abattre. Persuadé qu'il pourra trouver un moyen de redevenir comme avant ou que ses amis trouveront un moyen de le retrouver d'une manière ou d'une autre, Roublard refait sa vie en tant que Jack. Il commence par faire le tour du réseau SDF de la ville et cherche à retrouver la trace de Fagin. Puisque personne ne l'a vu, Jack se décide à les attendre à l'adresse de leur ancien repère et mène presque la même vie qu'avant. On ne se détache pas des bonnes mauvaises habitudes facilement ! Il vole, truande et enchaîne quelques petits boulots malhonnêtes pour survivre. En parallèle, il ne cesse jamais ses recherches, essaye de comprendre ce qui lui est arrivé, et profite de ce que la vie d'humain a à lui offrir.