« Ton entraînement commencera fin mai. Faut qu’on te trouve quelqu’un. Enfin, on l’a, mais faut qu’il soit au QG et là c’est pas le cas.
-Bien. Merci. L’instructeur est en mission ?
-Ouais, ou chez lui ou dans un bar. Qu’est-ce j’en sais, je gère pas l’emploi du temps de l’ivrogne de service.
-Comment s'appelle-t-il ?
-Ian O’Connell, si tu veux savoir, le balai. Il vient d’Irlande si tu veux vraiment tout savoir, mais ça ne te dira rien, le balai mexicain. »
La chasseur avait conclu avec un sourire goguenard. Adelita lui avait souri de façade. Elle comprenait comment il fallait s’y prendre avec la plupart des chasseurs qu’elle fréquentait. Ils n’étaient que de simples exécutants, avec des choses à compenser. Etait-ce pour se sentir supérieur dans leur misérable vie qu’ils se sentaient obligés de souligner son ignorance ? Ignorance qui se réduisait de jour en jour. Acharnée du travail et intelligente, tous les jours, elle faisait des recherches, qu’elle consignait avec soins dans des carnets. Organisée et consciencieuse, elle avait un carnet par sujets. Le rouge servait à collecter des informations sur le monde des humains et bien le comprendre. Elle avait également coché ce qu’elle savait dorénavant faire, comme marcher, manger, vider sa vessie, etc. Ces choses banales et évidentes pour un humain, qui ne l’étaient pas pour un balai magique. Une entrée était consacrée aux langages avec les différentes expressions, comme le mot ivrogne, qu’elle avait écrit à la sortie du chasseur. Elle avait également d’autres carnets, comme le carnet jaune. Dans celui-ci, elle notait des informations sur les villes. Dans tous ses carnets, elle avait mis un sommaire pour retrouver les informations qui se mélangeaient, puisqu’elle écrivait page par page, au fur et à mesure. Par exemple, dans le jaune, il y avait l’entrée Londres, où les pages 2, 3, 10 et 13 y étaient indiquées. Elle avait commencé ses recherches pendant son apprentissage chez Narissa. Elle avait eu l’autorisation de les ramener. Il n’avait rien de magique, ce n’était que de simples carnets, qui pourraient aider l’ancien personnage désenchanté.

En cette fin du mois de mai, Adelita se réveilla un sourire aux lèvres, dans le vieil hôtel où elle résidait. A son arrivée, Louis l’avait amenée là et confiée aux gérants du lieu, qui lui avait assigné une chambre. L’établissement faisait office de quartier général des chasseurs. Ces derniers pouvaient y dormir, s’entraîner et se réunir pour discuter des missions et avancées de leur cause. Adelita logeait au troisième étage. Elle n’avait pas pris le soin de redécorer sa chambre. Il n’y avait comme effets personnels que des vêtements, son nécessaire à toilette, l’ordinateur portable qui lui avait été assigné, ses carnets et accessoires de bureau, ainsi que son carton à jouets – qui contenait notamment un pistolet à eau, un objet à faire des bulles, un yoyo, une voiture miniature et des legos - et son pot à sucettes. Ces dernières furent éclairées de la lumière du soleil, lorsque la mexicaine ouvrit les rideaux. C’était une belle journée ensoleillée qui commençait. C’était surtout une journée marquante pour l’apprentie chasseresse. C’était aujourd’hui qu’elle allait être formée au métier. Enfin. Elle attendait ce jour avec impatience depuis la visite du chasseur au début du mois, qui l’avait informée de la date et du formateur. La brune alla prendre son petit déjeuner, puis revint dans sa chambre. Elle fit sa toilette et se prépara. Quand elle eut terminé, il restait encore du temps. Elle se dirigea d’une démarche décidée à son bureau et s’y installa confortablement. Elle alluma son ordinateur portable et se saisit d’un carnet. Le noir. Le fameux carnet noir. C’était dans celui-là qu’elle consignait tout ce qu’elle savait, toutes les rumeurs ou les pistes qui concernaient Mickey. Une demi-heure plus tard, quelqu’un toqua à sa porte. Elle fut informée que la séance commençait. Elle acquiesça et retourna à son bureau. Adelita éteignit son ordinateur et rangea son carnet sur l’étagère de son bureau, puis sortit de sa chambre en direction de la salle de surveillance. Juste avant de sortir, elle avait pris une sucette de son pot à sucettes, qui trônait sur sa table. C’était au goût papaye.

Adelita saisit la main d’Ian et la serra par politesse, car c’était ce que faisaient les humains. Ce n’était certainement pas par envie, pas après la façon donc il venait de lui parler. Encore un autre. Adelita commençait à s’offusquer d’être traitée de la sorte et d’être systématiquement renvoyée à son ancienne condition. Comme si cela faisait d’elle un être dénué de réflexion, tout juste bon à être un parfait esclave docile. Chose qu’elle avait été sous l’enchantement de Mickey et cause pour laquelle elle avait décidé d’être une chasseresse. Ainsi, les humains-chasseurs, qui lui faisaient comprendre qu’elle n’était pas des leurs, l’ancien balai n’en avait cure. Son but n’était pas de s’intégrer ou de se faire des amis dans ce monde, mais d’apprendre le maximum d’eux, puis de partir enfin à la chasse en solitaire. Son unique cible était Mickey. Bien sûr, Narissa l’avait informée qu’il était possible que la souris ne soit pas sa première cible. La sorcière avait expliqué à l’ancien être animé qu’elle lui donnerait des cibles du même acabit que l’apprenti sorcier, des tortionnaires, des escalavgistes, pour l’entraîner et compenser le fait qu’ils n’avaient pas encore localisé ladite souris. Comprenant parfaitement, Adelita avait hoché d’un mouvement de tête.

Lâchant la main d’Ian, elle rigola et lui répondit, bien décidée à montrer qui elle était et ne pas se faire une nouvelle fois reléguer à un simple ustensile. « Je m’appelle Adelita et toi, c’est Ian O’Connell. Je sais qui tu es. Je sais aussi que tu viens d’Irlande. Un pays dont la capitale est Dublin et où les humains parlent anglais et irlandais. Je ne suis peut-être pas d’ici, mais moi au moins, je fais mes devoirs. Tu vois, je ne viens peut-être pas d’ici mais à la différence de toi, je connais mes pairs et je fais mes recherches. Je ne me contente pas de lire le dossier qu’on nous donne. Je suis sûre que tu ne connais de moi que ce qu’il y a marqué dans mon dossier et tu ne t’es même pas donné la peine de retenir mon nom. Moi, au moins j’ai retenu le tien et je sais des choses sur toi, comme le fait que tu as un goût prononcé pour l’alcool. J’écoute ce qu’on me dit et je les retiens et je ne me suis pas tournée les pousses dans le château de Narissa ni en arrivant ici, car tu vois, les fainéants, c’est vraiment les gens que j’exècre. Et sache que je parle aussi bien anglais que mexicain. Donc soit tu vas m’apprendre ce que j’ai à savoir sans me prendre pour la dernière des demeurées, soit je vais voir quelqu’un qui ne me fera pas perdre mon temps. Sache que j’ai un compte à régler avec une souris et si tu ne peux pas m’aider à la capturer, je trouverai quelqu’un qui le pourra. »

Adelita avait beau être un balai et ne pas venir de ce monde, elle n’était pas dépourvu d’intelligence et d’adaptation. Compétitive, elle le mettait également au défit. Néanmoins, bien que colérique, elle avait réussi à se modérer et ne pas exploser mais ses yeux noirs brillaient d’une lueur étincelante. « Alors, par quoi commençons-nous, instructeur. » C’était d’un ton sarcastique qu’elle avait accentué le dernier mot.