S'il y a bien une chose que j'ai appris au fil des ans, c'est que nos erreurs finissent toujours pas nous rattraper. Et ce monde n'est pas une exception.
Quelques mois plus tôt, lorsque j'habitais encore à Paris, ma route avait croisée celle de Timon, gentil touriste américain. Trop gentil. Ne pas en profiter aurait été criminel. Enfin, non, mais c'est tout comme. Cédant à la (trop forte) tentation, j'avais mis en place divers stratagèmes pour... L'arnaquer. Pas très reluisant, je sais. Mais eh, je suis un renard ! C'est presque une seconde nature.
Et, comble de malchance, l'endroit où l'inspecteur Peluche avait choisi d'établir son agence de détectives pour personnages "particuliers" (lire ici issus d'un autre monde) était précisément une chambre du premier étage du bar que ma victime tenait à New York. Heureusement pour moi, le bougre n'est pas de nature trop rancunière. Et si ma présence avait causé quelques... Tensions ? Les premiers temps, les choses avaient fini par se tasser. A peu près. Du moins, jusqu'à ce qu'un de ses amis débarque.
Évidemment qu'il avait mal pris le fait que je me sois joué de l'un de ses proches - comme n'importe qui de sensé, en fait - mais si Timon n'avait été qu'une inoffensive mangouste, Simba l'ami en question était à l'origine un... Lion. Et un roi. Autant dire que sa fureur n'avait pas trop le même impact, et que j'essayais de l'éviter autant que possible le temps que les choses se tassent. J'espérais qu'aider les autres personnages comme nous me permettrait de me racheter, ou en tout cas le pousserait à m'accorder une certaine clémence. Tu parles d'une ambiance détendue...
La pression s'était faite plus forte lorsqu'il vint me trouver à son tour, pour m'engager cette fois. Lui aussi avait perdu des proches qu'il tenait à retrouver, et il ne savait trop à qui s'adresser. Super, la situation n'était déjà pas assez compliquée. J'avais initialement pensé refuser, mais c'était sans compter sur ma co-équipière. Elle avait fini par me convaincre d'accepter à force de "On ne peut laisser un camarade dans le besoin ! Tu as fait une erreur, Nick, mais tu as une chance de te racheter. Tu veux vraiment la laisser passer ?" et autres Judyseries du genre.
Sachant pertinemment qu'elle avait raison dans le fond, j'avais fini par accepter de prendre l'affaire. Et de m'en occuper seul, pour qu'elle puisse se consacrer à ses propres cas. Et c'est ainsi que nous nous retrouvons, Sa Majesté et moi, dans notre cabinet de détectives alors que la matinée s'achève presque. Les rayons du soleil filtrant à travers les stores fermés accentuent encore l'ambiance film noir de la pièce, déjà largement instaurée par la décoration très clichée - son idée, pas la mienne. Je regarde Simba s'installer sur l'un des fauteuils en face de moi, de l'autre côté du bureau, les traits partiellement dissimulés dans la pénombre. Vraiment, manquerait juste le saxophone en fond sonore, le verre de Whisky (le café bouillant c'est fait, juste à côté de moi) et les volutes de fumée d'une cigarette et on serait dans le cliché le plus total. Un peu amusé malgré tout, je sors un carnet pour noter les faits que mon client s'apprête à me donner - parce qu'aussi jolie qu'elle soit, il est hors de question d'utiliser cette machine à écrire - avant de grommeler. Impossible d'écrire dans le noir. Je me lève et vais ouvrir les stores pour laisser la lumière entrer dans la pièce, puis reprends place à mon bureau.
« Bien. Alors commençons par le commencement. Que puis-je faire pour vous ? Qui recherchez-vous exactement ? » dis-je en essayant de paraître calme, professionnel, malgré le stress qui ne me quitte pas. Mais si je peux réellement l’aider, je le ferai. Une fois que j’aurai suffisamment d’informations pour enquêter.