Ça faisait un moment que j’étais ici, le changement de avait été brutal. J’étais passé de chiot à une jeune femme, humaine. Les premiers temps, ça m’avait complètement déstabilisée, mais, maintenant, j’avais une petite vie bien établie, avec Aquila qui me tenait compagnie quand je rentrais à la maison, après le travail.

J’aimais ce que je faisais, j’avais toujours aimé être en présence d’autres animaux; difficile d’en être autrement quand on vient d’une portée de quinze. J’affichais, grâce à mon emploi, mon côté artistique que j’avais appris à connaître quand j’étais arrivée à Paris, quelques années plus tôt. C’était vraiment un travail de rêve que j’avais… du moins, pour moi. J’arrivais, le matin, affichant ma féminité que j’avais, même avant de passer dans ce portail, et j’étais entourée d’animaux qui devenaient rapidement des amis pour moi.

Ce jour-là n’était pas différent, Aquila avait encore manifesté son désaccord de me voir partir, mais, malgré ses pleurs que j’avais toujours de la difficulté à entendre, j’avais laissé ma petite chienne dans mon appartement et je m’étais rendue au boulot. La journée s’était bien déroulé, je connaissais la grande majorité de mes clients et clientes.

Mon dernier rendez-vous avait pris fin, ce joli chat était à présent dans une petite cage du commerce et ressemblait légèrement à un lion. J’attendis sa propriétaire une vingtaine de minutes avant de fermer boutique pour la nuit.

Après avoir éteint les lumières et armé le système de sécurité du salon de toilettage, je sortis dehors et manquai de me faire frapper par un motocycliste un peu casse cou qui utilisait les trottoirs comme si c’étaient une rue normale. L’arrière de ça moto me manqua de peu et seulement parce que j’avais esquivé en sautant vers l’arrière. J’avais frappé la grande vitre qui laissait voir l’intérieur de mon lieu de travail.

Le motocycliste se retourna vers moi et je réalisai, alors que j’étais assise, au sol, dans l’eau, devant le salon de toilettage, que c’était loin d’être un homme, comme ce à quoi je m’attendais. Je remarquai immédiatement ses yeux en amande et je vis que ses cheveux ne sortaient pas de son casque. Le teint de sa peau était plutôt proche du mien, ce qui me disait un peu ses origines, et son regard me captivait. Je n’avais aucunement honte à penser que, sous ce casque, se cachait une très belle femme. Mais un peu folle au volant. Juste ce dernier fait, associé à celui que j’avais les fesses mouillées par la flaque d’eau dans laquelle j’étais tombée, me fit réagir un peu trop fortement :

« Non, mais ça ne va pas la tête, vous allez finir par tuer quelqu’un ! On devrait vous retirer votre permis de moto ! »

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Je m'étais laissé emportée. J'avais crié des bêtises sur quelqu'un, même si elle le méritait, et j'avais été impolie avec la motocycliste. Elle me le remettait bien, n'acceptant aucunement sa part des responsabilités. D'accord, j'avais ouvert une porte, alors qu'aucun piéton n'était près, mais qui dans ce monde pouvait s'attendre à voir une folle à moto rouler sur les trottoirs ?

Elle m'insultait si gratuitement, pendant qu'elle était fautive. Et moi, je ne faisais que regarder son visage depuis qu'elle avait retiré son casque.

« Heu... je... je suis... dé... désolée... Je n... n'aurais pas... pas dû vous... vous parler comme ça... »

Ce fut la seule chose que je réussis à bégayer. Parce que parler... L'attitude qu'elle avait, celle-là, c'était la première fois en trois ans que je voyais quelqu'un agir ainsi. Non, en fait, c'était la première fois que je voyais une femme agir comme ça. Elle était tellement sûre d'elle dans son arrogance et son attitude de « bad girl » et dire que j'avais dû mal, jusqu'à maintenant, à comprendre comment les femmes hétéros se laissaient séduire par ce comportement. Je comprenais un peu ce qu'elles ressentaient, maintenant.

Je me relevai, en tentant de ne pas mouiller mon pantalon un peu plus. J'étais prête à retourner chez moi, mais la motocycliste me tendis son manteau, prétextant l'opinion des gens autour qui pourraient penser que je m'étais pisser dessus. Même avant d'arriver à Paris, je ne m'étais jamais pisser dessus. S'il y avait bien un chiot parmi les quatre-vingt-dix-neuf à avoir survécu à Cruella D'Enfer qui ne s'était jamais pissé dessus, c'était moi.

« Heu... Merci. »

Je fis ce qu'elle me proposait, en attachant son manteau de cuir autour de ma taille. Le cuir n'était pas le matériel que je préférais, mais, pour l'instant, je trouvais que ça allait tellement bien à cette femme. Mieux qu'à moi, même. J'étais loin d'être à l'aise, avec ce vêtement autour de ma taille. Je me sentais trahir à ma survie; quelqu'un avait voulu faire de moi et de mes frères et sœurs un manteau de fourrure. Et me voilà portant le cuir d'un autre animal à qui on avait pris la vie.

Me tirant de ma réflexion, la responsable des cette mésaventure me proposa de me ramener chez moi. À moins que sa conduite ne me fasse peur. Je n'étais pas tout à fait à l'aise de monter sur sa moto, mais j'acceptai, en hochant simplement la tête.

« Ishida... Je... je m'appelle Ishida. Tamiko Ishida. »

Au moins, maintenant, je n'avais plus l'habitude de dire Jewel, mon ancien non.

« Et j'habite un studio, un peu plus à l'est d'ici. Si ça vous dit, vous pourriez venir prendre un verre, en remerciement du prêt de votre manteau. Vous aimez le Soju ? Il me semble qu'il m'en reste une bouteille ou deux. À moins que vous ne préféreriez la bière ou le vin ? »

En fait, j'étais un peu nerveuse, j'avais ramené une autre fille chez moi, la semaine précédente, et je commençais à me demander ce que mes voisins allaient finir par penser. Et le fait d'inviter Miss Bad girl ne me laissait pas indifférente non plus.

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J’en avais fait un peu trop, Tanaka, qui venait de se présenter, se foutait de ma gueule et de la façon dont je m’étais moi-même présentée. Mais je souris à l’absurdité de mon attitude, Tanaka avait bien raison de rire de moi, un minimum.

Je lui avais, ensuite, proposé de venir prendre un verre chez moi; soju, bière ou vin, à son choix. Je devais bien avoir autre chose. J’étais heureuse d’entendre que Tanaka acceptait l’invitation. Il ne me restait qu’à monter sur la moto – j’étais légèrement incertaine – et lui dire le chemin pour se rendre chez moi. Dommage que je n’habitasse pas si loin que ça, j’aurais pu m’accrocher à elle plus longtemps. Cinq minutes ne me semblaient pas suffisantes.

Nous arrivâmes chez moi. La moto garée sur trottoir, Tanaka laissa les casques dans le coffre et sorti son téléphone, probablement pour envoyer un message à quelqu’un. Je me contentai de me rendre à mon logis, dès que la demoiselle fut prête. J’ouvris la porte pour être immédiatement assaillie par Aquila. La petite dalmatienne était heureuse de me voir, comme à chaque fois que je rentrais.

J’entrai, suivie de Tanaka, et remarquai que le petit chiot n’avait pas fait de dégât dans l’appartement. Le divan-lit était refermé, aucun coussin ne manquait. La télé, bien que petite, était devant et toujours à sa place. À côté, l’ordinateur était toujours éteint; les câbles, intacts. Un peu plus loin, la table, qui pouvait théoriquement accueillir quatre personnes, était contre le mur, pour maximiser l’espace disponible dans la cuisine et salle à manger. L’endroit était petit, mais c’était ce que je pouvais me permettre de mieux dans les envirions du travail.

J’enlevai mes chaussures et me dirigeai vers le frigo. Comme j’avais cru, plus tôt, il me restait bien deux bouteilles de soju. J’en pris une et des verres et rejoignis la motocycliste. Je laissai la boisson sur la table pour aller fouiller un peu dans mon placard à vêtements.

« Vous pouvez vous servir, je vais aller me changer. Je n’aime pas vraiment avoir les fesses mouillées. »

Je me pris des pantalons et des sous-vêtements et me rendis dans la salle de bain. Je revins, vêtue d’un pantalon en denim moulant. Je voulais attirer son attention, tout comme Aquila faisait tout pour attirer la mienne. Je voulais bien m’occuper de mon chien, mais je croyais qu’il serait mal vu d’ignorer Tanaka.

Je me servi un verre et un autre pour celle qui m’avait reconduite à la maison. Je bus mon verre d’un trait, avant de demander :

« Souhaiteriez-vous regarder quelque chose sur Netlfix ? »

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