Flynn Rider n'est pas une personne recommandable. S'il apparaît de prime abord comme un aventurier (enfin, techniquement, voleur) - optimiste, charismatique (et charmeur), téméraire et particulièrement agile, il cache surtout bien son jeu. Son talent principal tient en réalité bien plus dans l'improvisation, ce qui est bien pratique pour une personnalité aussi impulsive que lui. S'il se sort habilement de toutes les situations c'est avant tout parce que son esprit vif, sa ruse et son audace lui permettent de s'adapter et de réagir en un temps record. Opportuniste et véritable showman – bien qu'un peu théâtral par moments – doublé d'un manipulateur honorable, il saura toujours se débrouiller pour attirer sournoisement la sympathie des gens. Il ne faut pourtant pas s'y fier, aussi avenant soit-il il n'hésitera pas pas à trahir ses partenaires s'il y voit son intérêt (souvent financier), de préférence en se vantant d'une petite remarque moqueuse ou sarcastique avec toute l'arrogance qui le caractérise.

Mais Flynn Rider est aussi et surtout un masque. Une personnalité développée pour cacher qui il est vraiment. Eugène Fitzherbert. Si Flynn est égoïste et ne recule devant rien, Eugène est plus sensible, plus vulnérable. C'est un secret farouchement gardé et il a autrefois du mal à se glisser dans la persona qu'il s'est forgée pour se protéger, cette vie jurant avec la personnalité rêveuse, loyale et protectrice qui est réellement la sienne. Flynn peut aussi se montrer désintéressé en de rares occasions, souvent poussé par le Eugène qu'il cherche à faire taire. Enfin, s'il y a bien une chose qui caractérise à la fois l'une et l'autre de ces facettes, c'est une chance plus que changeante : parfois sacrément veinard, il est à d'autres moments victime d'une poisse incroyable qui le fait volontiers râler.

  « Laissez moi vous conter... l'histoire de ma mort ». Bon, okay peut-être pas tout à fait. « Laissez moi vous conter l'histoire de ma disparition et de mon arrivée dans un monde nouveau ». Voilà, c'est mieux ? Alors, où j'en étais déjà ?

Mon nom est Eug... Flynn. Flynn Rider, brigand de profession. Un homme charismatique et... Comment ça ce qu'il s'est passé avant ? Ça intéresse vraiment les gens ? Bon, dans ce cas...

Mon nom – mon véritable nom – est Eugène Fitzherbert. Je ne me souviens pas du visage ou de la voix de mes parents. En réalité, je n'ai finalement que peu de souvenirs de mon enfance. Avant l'orphelinat je veux dire. Oh, j'ai bien entendu des rumeurs sur ce prince disparu, et ai rêvé l'être, quelques fois. Mais quel orphelin ne s'est jamais inventé une noble lignée pour supporter les couloirs glaciaux et la solitude de l'abandon ? C'est en partie ce qui m'a fait tenir. Ça et les Aventures de Fynnigan Rider, le héros de mon enfance. Un explorateur intrépide et téméraire à qui il arrive tout un tas d'aventures. Et suffisamment riche pour n'avoir de compte à rendre à personne ! Et c'était ça, la vie que je voulais.

Alors, à la première occasion, j'ai quitté l'orphelinat où j'ai grandi. Enfin j'ai fugué, quoi. Et j'ai réalisé mon rêve : je suis devenu l'aventurier dont j'ai rêvé. Enfin, plus ou moins... Okay, je suis devenu un voleur. Mais un très bon voleur, pour ma défense ! Pièces d'or, bijoux, rien ne me résistait, et je me suis fait une solide réputation avec le temps. Tenez, ma tête a même été mise à prix, si ça c'est pas le signe que j'étais doué !

Mais comme toujours, les choses se sont gâtées. J'étais sur un beau coup, un très beau coup – du genre couronne royale avec les joyaux et tout. Je l'avais dans ma poche, et j'avais même réussi à me débarrasser de mes « partenaires » pour échapper aux gardes – et éviter d'avoir à partager le butin. Seulement, il y avait un problème : ce maudit canasson. Vous savez comme les plus grands ont toujours une Nemesis ? Un ennemi intime qui se met toujours en travers de leur chemin ? Le mien c'est... Un cheval. Mais un sacré cheval, pour ma défense.

Bref, il était sur mes traces, et allait finir par me retrouver. Alors quand j'ai vu cette tour, là, perdue au milieu de cette clairière, cachée du reste du monde, j'ai saisi ma chance et j'ai grimpé pour aller m'y réfugier. Sauf qu'à peine entré, je me suis retrouvé par terre, inconscient.

Je me suis réveillé des heures plus tard avec un sacré mal de crâne - et aux doigts. Comme s'ils avaient été coincés dans une porte - au contact d'un truc étrange dans l'oreille, ligoté avec des... Cheveux. Ouais, plus improbable tu meurs.

La demoiselle à qui ils appartenaient est sortie de l'ombre, armée d'une poêle à frire, si, je vous assure ! Elle accepterait de me détacher et de me rendre ma sacoche si je l'emmenais voir la fête des lanternes. Oh, j'ai bien tenté de l'en dissuader, et même de la séduire, mais elle était têtue comme une mule. Et puis, c'était une gamine inoffensive, elle ne tiendrait pas cinq minutes dans le monde extérieur. Après tout, j'avais juste à l'emmener au royaume, la laisser regarder trois quatre de ces lanternes, la ramener et ciao Blondie, je prenais mes clics et mes clacs et taillais la route avec mon butin. Donc j'ai accepté et l'ai guidée hors de sa tour.

J'espérais pouvoir la faire renoncer, vraiment, j'ai essayé. Jouer sur sa culpabilité à abandonner sa pauvre chère mère, l'amener tout droit dans un repaire de brigands, mais bon sang qu'elle y tenait à cette stupide fête des lanternes ! Et elle avait quelque chose de... Touchant. Un certain talent pour faire sortir le bon chez les autres, même les pires qui soient. Elle s'est mis les voleurs dans la poche en un rien de temps, et si les gardes ne s'étaient pas ramenés, je crois qu'elle aurait pu s'en faire une petite armée. De quoi intriguer n'importe qui. Même moi, oui.

En tout cas, ils se sont suffisamment attachés à elle pour nous permettre d'échapper aux gardes dans une course poursuite assez dingue. On parle de catacombes, d'acrobaties dans un barrage, de duel contre un cheval, et batailles à coup de poêles à frire - rigolez pas, c'est très efficace comme arme ! Peut-être un peu trop, la structure du barrage n'y a pas résisté et nous avons manqués de nous noyer la blondinette et moi.

Alors que nous étions désespérés, piégés dans une cavité que l'eau inondait peu à peu, nous avons décidé d'échanger nos secrets, histoire que quelqu'un les apprenne. Je lui ai donc révélé mon véritable nom, et elle m'a appris pour ses cheveux magiques. Si, je vous assure, des cheveux magiques ! Qui s'illuminent quand elle chante et tout ! C'est d'ailleurs ce qui nous a sauvés elle et moi. Bon sang que cette fille était pleine de surprises !

Elle a pu me soigner - oui parce qu'en plus de briller quand elle chante, ses cheveux peuvent aussi soigner les blessures, vous y croyez vous ? Je l'aurais pas vue faire, j'aurais pensé à une blague moi aussi ! Okay, c'est flippant, mais ça expliquait pourquoi elle n'avait jamais quitté sa tour. Et ça, c'était triste. Je commençais à changer d'avis sur elle, et sur notre marché.

Mais je n'ai jamais eu l'occasion d'aller au bout de mon idée parce que quand je me suis réveillé, plus de trace de Raiponce ou de ses cheveux magiques. Ou de quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. A leur place se trouvait une ville immense et bruyante qui m'était totalement inconnue.

Passé la surprise – oui, bon, d'accord, panique – je m'y suis fait. J'ai bien essayé de la retrouver, mais par où commencer, quand on ne sait pas même où on est et comment on est arrivé là ? Et malgré moi... J'ai fini par renoncer et espérer qu'elle avait juste eu plus de chance que moi. Encore que, je ne suis pas à plaindre en fin de compte. Après tout, les gardes royaux ne risquaient pas de me trouver ici, et avec le temps j'ai fini par m'adapter à cette nouvelle vie. J'ai fait quelques petits boulots, volé deux trois trucs, la routine quoi. Et tout aurait très bien pu continuer comme ça s'ils n'étaient pas intervenus.

Eux, ce sont les chasseurs. Je ne suis pas certain d'avoir tout compris mais apparemment je serais un personnage d'un dessin animé – totalement crédible, je sais. Mais je ne serais pas le seul. Et ces chasseurs auraient pour but de nous traquer et de nous enfermer. Ils m'ont trouvé un soir, ils m'attendaient devant mon appartement, nombreux. Bien trop nombreux. Oh j'ai lutté, admirablement, et je crois bien en avoir semé quelques uns dans la longue course-poursuite. Mais ils connaissent bien mieux ce monde que moi, et je n'ai pu que repousser l'échéance.

La suite est assez floue dans ma mémoire. Je ne suis pas certain de ce qu'ils m'ont fait exactement, je me souviens du métal froid contre ma peau, de hurlements si rauques que je n'ai compris qu'ils provenaient de moi qu'à cause de la douleur de ma gorge en feu, de longues heures passés recroquevillé dans une cellule sombre, blotti dans la paille en pleurant, les murs humides marqués de mes ongles dans des tentatives désespérées d'évasion. Des semaines, des mois ont passé comme ça, et j'ai sincèrement pensé que je finirais ma vie comme ça.

Jusqu'au jour où elle est arrivée. Une autre comme moi, qui a eu encore moins de chance. Elle est arrivée en piteux état, et très vite sa condition s'est encore empirée. Je n'ai jamais vraiment su qui elle était ni d'où elle venait, mais je n'en avais pas besoin pour voir la lumière dans ses yeux s'éteindre peu à peu. Chaque jour la trouvait plus faible, plus abattue que la veille et chaque fois que je la voyais fermer les yeux, je craignais qu'elle ne les rouvre plus le lendemain.

Alors quand l'occasion s'est présentée, je l'ai saisie. Je n'ai su que bien plus tard qu'il s'agissait d'une tentative de sauvetage. Toujours est-il que les gardes étaient distraits, et que j'avais repris espoir. J'ai attendu qu'ils laissent la cellule sans surveillance pour m'échapper, le bras presque inerte de ma compagne de cellule autour des épaules, l'aidant comme je pouvais.

Aujourd'hui encore, je ne sais pas trop pourquoi j'ai pris un tel risque. J'avais bien plus de chances de m'en sortir seul qu'avec elle qui tenait à peine debout. Mais peut-être à cause de l'horreur que nous avions vécue ensemble, peut-être parce que sa présence m'a permis de tenir si longtemps, ou l'état dans lequel elle était qui m'a brisé le cœur, je n'ai pas pu me résoudre à l'abandonner. Du moins au début, jusqu'à ce que le sort décide de mettre un terme à mon unique tentative d'héroïsme.

Tout s'est passé très vite, une silhouette au détour d'un couloir, un bruit assourdissant et une douleur sourde dans mon flanc. Je me suis effondré à l'impact, et suis resté inconscient quelques minutes. Mais en rassemblant ma volonté j'ai fini par me relever. Seul. Elle gisait sur le sol, inerte. Si elle n'était pas encore morte, ce n'était qu'une question de temps. Et son corps était lourd, si lourd. Trop pour que je puisse la porter avec ma blessure. Une excuse murmurée plus tard et je retournais parmi les ombres et quittai ce château maudit.

De cette histoire, je garde de légères cicatrices – rappels des tortures qui m'y ont été infligées et une, plus nette et bien plus profonde du coup qui m'a été porté. Je garde aussi et surtout des séquelles psychologiques dont je ne me remettrai probablement jamais. J'ai toujours été du genre méfiant, vois-tu – comme on peut l'attendre d'un gamin abandonné par ses propres parents. Mais depuis cet incident, il m'est impossible d'accorder ma confiance à qui que ce soit. Et surtout, le souvenir de la jeune fille me hante. D'elle ne me reste qu'un bracelet de perles qu'elle m'avait offert « pour que je ne sois jamais seul » avait-elle dit. N'ayant rien à lui donner en retour, je lui avais simplement révélé mon véritable nom, et lui avais promis de la sortir de cet enfer. Et j'avais bien l'intention de respecter ma parole cette fois. Oh, je l'ai cherchée, pendant des mois, années même, je n'ai pas arrêté de questionner chaque marchand, chaque mendiant au sujet d'une jeune brune qui se rêvait sirène. Mais personne n'avait entendu parler d'elle.

Sans renoncer pour autant, je me suis à nouveau bâti une nouvelle vie. À New York, cette fois-ci, en tant que contrebandier et chasseur de trésors. Après tout, si je me déplaçais régulièrement et évitais Paris, ces chasseurs ne devraient pas me remettre la main dessus de si tôt, pas vrai ? Et c'est ainsi que je me suis retrouvé dans cette taverne, face à toi et tes yeux de merlan frit.

Voilà, vous savez toute l'histoire. Bon, et maintenant, vous me la donnez cette récompense ?