William vérifie la montre à son poignée. 19h24. Il ne s'attendait très honnêtement pas à passer toute sa journée assis dans un avion. Il avait quitter son doux chez lui depuis près de 6-7 heures, et depuis tout ce temps, il n'avait fait d'autre que moisir dans une chaise. Même si bien confortable, il ne souhaitait pas réitérer l'expérience avant un moment. C'était un enfer. Il s'étire avec une grimace de douleur puis jette un endroit à ses alentours.

L'Angleterre, il n'y avait pas mis les pieds depuis un moment. A bien y réfléchir, c'était même possible que la dernière fois qu'il s'était retrouvé à Londres, c'était il y a plusieurs années déjà. Comme le temps passait vite. Depuis que cette folle histoire avait débuté, William avait vécu pas mal d'aventures. Il travaillait avec des tas de personnes… intéressantes. Déjà, Kaaëlya. Sa coéquipière de New York. Et ensuite les chasseurs des autres continents: Ian O'Connell et enfin Moonbin Kang. Il était possible qu'il lui manque un petit nouveau à sa liste. Il ne s'était pas tenu au courant mais il lui semblait avoir entendu parler d'un certain Jones ou quelque chose..? Un autre Londonien que Louis avait trouvé on ne sait où.

Fallait l'admettre, le travail d'équipe, ce n'était pas le fort de l'italien. Il devait y mettre du sien pour que ça fonctionne avec Kaa, et ça le faisait mais il n'était clairement pas du genre à bosser avec d'autres personnes normalement. Kaa avait l'avantage de vivre sur le même continent que lui, peut-être que c'est pour cette raison qu'il avait au moins faire l'effort de retenir son nom et son visage ? Il ne pouvait pas en dire autant pour le reste de ses semblables, ils n'avaient pas dû lui laisser une forte impression.

Enfin bref, le voilà perdu dans les rues de Londres. Sa chambre d'hôtel l'attendait à quelques pas d'ici mais dans l'immédiat, William n'avait pas envie de s'y rendre, il avait prévu autre chose… "J'espère que tu n'as pas changé de numéro entre temps. Sinon, mon plan tombe à l'eau." Il sort son téléphone de sa poche, et commence à composer un message.


Le QG des chasseurs était égal à lui même. Ça, même en six ans, ça n'avait pas bougé. William avait quand même la nette impression que c'était plus poussiéreux et lugubre que dans ses souvenirs, mais ça ferait l'affaire. Il avait d'abord pensé qu'un bar ou un resto dans le coin aurait été un meilleur point de rendez-vous mais petit 1, il ne connait aucun établissement digne de ce nom et petit 2, il désespérait déjà rien qu'en imaginant le boucan désagréable qui devait régner dans ce genre de lieu. Il n'était pas d'humeur à gérer des inconnus bourrés et autres. Peut-être son côté asocial et introverti qui ressortait un peu trop ? Il était passé récupérer quelques bouteilles d'alcool dans une supérette au coin de la rue. Rien de particulier, mais étant donné qu'il ne savait pas dans quelle humeur serait son camarade, il avait pris de tout et de rien. Puis comme disait son père: "Personne ne sait travailler sans un bon verre d'alcool en main." Un petit bar ne serait pas de refus dans le QG, William laisserait les bouteilles restantes ici, à la disposition des prochains amateurs qui passeraient par là. Bien sûr, le but de la soirée n'était pas de travailler, au contraire. Il fallait que ça ressemble le plus à une fin de journée détente/beuverie.

Il jette un coup d'œil à son téléphone. 21h et quelques. Moonbin ne devrait plus tarder. Le pauvre. Il avait dû être pris de court par le sms qu'il avait reçu. Mais ça ne pouvait pas attendre, et William était ravi que Moon ait pu libérer sa soirée et accepter de le rejoindre.

En l'attendant, Will décapsula une bouteille de bière. Ça l'énervait tellement d'être assis là, à attendre. Il ne savait même pas ce qu'il allait raconter à Moonbin, pour être honnête. La véritable raison qui l'avait amené à donner rendez vous à l'anglais, c'était la missive de Louis qu'il avait reçu quelques semaines plus tôt.
Dans les grandes lignes, ça disait que Louis s'inquiétait et commençait à craindre que Moonbin ne lui cache des informations importantes. Ça peut s'avérer fatal, ce genre de drames. Encore une fois, comme disait papa Colleano: "Si tu te laisses ronger par le doute sans rien dire, tu es un homme mort. Un vrai chef va chercher les traîtres dans leurs tanières, et il les élimine." Ce genre de situations seraient extrêmement vite réglées en Italie. Si on vous croit capable de déserter ou de trahir la famille, vous disparaissiez, c'était presque automatique. Votre vie contre une preuve de confiance.

Enfin bref, ce n'est pas William ni son père qui géraient les affaires de Louis alors, il ferait les choses à sa manière. En tant que collègue, il profitera de son court séjour à Londres pour se rapprocher de l'étudiant, et découvrir le pot-aux-roses. Quand on s'engage à travailler pour quelqu'un, on va au bout, il n'est pas question d'essayer de doubler l'autre. Ou alors, si vous essayez, vous avez intérêt à mieux cacher votre jeu que ça.

Bouteille de bière à la main, William manque d'avaler une gorgée de travers en voyant apparaître Moonbin à l'entrée de la cantine. L'italien a rarement vu quelqu'un se présenter avec une tenue aussi soignée pour un verre entre collègues. Est-ce qu'il s'habillait comme ça au quotidien ? Ça faisait très propre et élégant mais l'élégance cachait toujours des choses, William ne le sait que trop bien. Ce n'est pas lui qu'on allait attraper dans un pull et des jeans négligés: classe en toute circonstance, c'est ce qu'on lui avait appris à être. Mais même là, en comparaison, il avait l'impression de faire tâche à côté. "C'est à ça qu'on reconnaît le caractère d'un homme." Et bien, il n'y avait pas de doute, Moonbin avait fait connaître son caractère. Mais il allait devoir se débarrasser du côté professionnel que trahissait cette tenue pour une soirée.

"D’autres personnes vont venir ? Tu aurais dû me le dire, je m’aurais mieux préparé.
- Oh, non. Si tu fais référence à tout ce choix… Disons que je me suis laissé emporté. J'espère que tu as soif, parce qu'il n'y aura que nous pour rentabiliser tout ça."

Il l'invite à s'asseoir en lui proposant une bière. Il n'y avait pas plus efficace pour délier les langues que l'alcool. Puis, très honnêtement, William s'était réellement laissé emporter, ça faisait bien longtemps qu'il n'avait pas pu profiter d'un bon verre et d'un alcool de choix. Cette soirée était l'excuse parfaite de se détendre… Sans perdre l'objectif de vue bien sûr.

"Qu’est-ce qui me vaut ta visite ? Louis t’as mis sur un cas de Londres ? Je sais bien que mon horaire est chargé, mais quand même, il aurait pu m’y mettre."


William eut du mal à se garder son sourire pour lui. Est-ce que le jeune Moonbin sera froissé ou étonné d'apprendre que Louis refilait ses missions à d'autres personnes ?

"Non, en réalité, je suis plus dans le coin pour des… affaires personnelles. Je décolle dans quelques jours pour l'Italie, dit-il posément en reprenant une gorgée de sa boisson, pourquoi Louis ferait-ça ? De ce que j'ai compris, tu es son chasseur le plus efficace à Londres."

Il espère avoir au moins calmer ses inquiétudes à ce sujet. Ce n'était pas réellement un mensonge. Il avait bien à faire du côté de la Sicile, il avait juste profiter de ses obligations pour faire un tour un peu partout en Europe. William décide de surenchérir un peu plus, sur le ton de l'humour:

"Après tout, ce n'est pas l'autre là qui te ferait concurrence. Ian, c'est ça? Je l'aurai bien invité ce soir, mais je n'avais pas envie de voir tout mon stock partir en quelques minutes."

C'est à peu près tout ce qu'il se rappelait du personnage de Ian, il n'avait pas honte de le dire. Tout comme Ian n'avait pas assez honte pour le cacher.
William tire les dernières gouttes de sa bière. Ça descend vite ces trucs. Il faudrait qu'il fasse plus attention lorsqu'ils se mettraient à servir du plus corsé. Mais dans tous les cas, ce n'était pas pour tout de suite. Il attrape un des paquets de chips traînant au milieu des bouteilles, l'ouvre et verse le contenu dans un petit plat qu'il propose à Moon.

"A vrai dire, j'avais surtout pas envie de me retrouver dans ma chambre d'hôtel. Je ne connais personne ici, et j'ai pensé que ça serait sympa, il prit lui-même quelques chips avant de poursuivre, surtout que j'ai hâte de savoir ce qu'il y a de nouveau par ici."

William écouta attentivement Moon casser du sucre sur le dos de son collègue. Aucune pitié ou notion d'esprit d'équipe comme il aurait pu s'y attendre.  Apparemment, il pourrait compter sur le sujet d'Ian pour rendre Moon un peu plus bavard, il en prit note. C'était fascinant de l'entendre parler de cet incident parce qu'il n'en avait eu que quelques échos. Il se souvenait assez clairement d'un Louis exaspéré mais à l'époque, William avait lui aussi une bourde de ce genre à son actif. Il ne s'était pas permis de blâmer ses collègues de l'autre côté de l'Atlantique bien qu'ils l'auraient mérité. Si ce que lui racontait Moon était vrai, alors Ian était encore plus incapable qu'il avait pu l'imaginer. Mais pour une certaine raison, il avait du mal  à penser que toute la faute lui revenait. La dernière remarque de Moonbin résonna plus fortement que le reste, sonnant comme un point d'intérêt dont il devait prendre note:

Franchement, je ne comprends pas pourquoi Ian fait toujours partie de l'organisation. Si j'étais Louis, je l'aurais fait disparaître des radars depuis bien longtemps. J'imagine que comme il n'a aucune attache et qu'il a besoin de fric pour son alcool, Louis peut lui demander n'importe quoi et il acceptera.

William ricana amèrement en entendant Moon se permettre de donner son avis sur la manière dont Louis gérer ses affaires. Au moins, ils étaient d'accord sur ce point: certains des éléments à sa disposition n'avaient pas leur place dans l'équipe. Mais à l'entendre, on pourrait croire qu'il n'avait rien à se reprocher.

Ouais. Ça m'arrive de remettre en question certaines décisions de Louis,... mais c'est lui le boss. Je ne cours pas après l'argent mais je mentirais en disant que ce n'est pas la principale raison pour laquelle je fais ça.

Il aurait pu en citer de nombreuses autres en réalité: son envie d'action, son désir de mettre en pratique ses aptitudes, son envie de rétablir ce qu'il voyait comme l'ordre de choses -les Disneys chez eux, et les véritables humains sur Terre-. Chacun avait ses raisons personnelles pour s'être engagé dans cette aventure, mais William avait toujours imaginé que la compensation financière était ce qui motivait la plupart de ses semblables.

William avait espéré que Moon aurait autre chose à lui dire, c'était difficile de croire que Londres était aussi calme qu'il le prétendait. Bien que c'était naturel qu'il ne souhaitait pas s'étendre en long et en large sur les dernières news croustillantes. Pas de soucis, c'est en partie pour cela que tout l'alcool était là. William se redressa en avisant les différentes bouteilles qu'il avait ramenées, tout en poursuivant la discussion d'une voix distraite.

Ah oui ? Je pensais que j'avais affaire à un vrai Londonien. Je ne savais pas que tu n'étais plus dans le secteur

L'italien déposa la bouteille au liquide bleu qu'il avait empoigné. Pas de curaçao, les possibilités étaient tentantes mais il avait autre chose en tête. Il lui semblait avoir pris le nécessaire.

Et Kaaëlya, elle est… particulière. Mais tu le sais mieux que moi, j'aurais apprécié un heads up.

Il lui adressa un léger sourire, prêt à partir dans les détails de sa coopération avec elle. De toute évidence, c'est ce qui marchait le mieux et après avoir entendu tout ce qu'il pensait du vieux Ian, c'était à lui de parler. Qu'allait-il bien pouvoir lui dire ?

Je dirais que dans le genre psychopathe, j'ai rarement vu pire. Donc ça veut tout dire, parce que j'ai bossé avec pleins de cas par le passé… Mais je pense qu'on a trouvé une bonne dynamique.

Sa petite sélection faite parmi les nombreuses bouteilles, il prépara deux verres de taille moyenne qu'il posa devant lui. Il n'était pas un expert en boisson, loin de là, mais il y avait quelques classiques qu'il maîtrisait.

Je ne me mets pas sur son chemin tant qu'elle ne va pas trop loin dans ses délires. Oh, et en échange, j'ai accès à ses ressources ! Tout le monde y trouve son compte. On fait tous les deux du bon travail et je pense que c'est tout ce qui compte. Mais il y a bien un truc que je déplore... Il tourna le label vers Moonbin pour qu'il puisse identifier la bouteille de Limoncello qu'il tenait: Elle ne sait pas apprécier ce que je lui propose. Je peux te dire qu'en Italie, on m'insulterait pour avoir pris une bouteille d'aussi mauvaise qualité mais on fait avec ce qu'on a.

Ce qui était sympathique avec une boisson comme les Limoncello Spritz, outre le fait qu'ils soient extrêmement faciles à faire, c'était à quel point c'était agréable et rafraîchissant à boire: limoncello, prosecco et un peu de menthe. Une limonade alcoolisée dont le goût acidulé pouvait être trompeur. Ceux qu'ils avaient devant eu n'avaient rien à envier au vrai deal, mais l'effort restait notable. L'un des verres étaient sans doute un peu plus chargé que l'autre, mais William n'avait jamais vu quelqu'un se bourrer au Prosecco, Moon n'avait rien à craindre.

Tu sais, je pense très honnêtement que si on s'y mettait enfin tous sérieusement, on en aurait déjà fini avec toute cette histoire. Mais j'admets que c'est compliqué de se mettre à travailler avec des gens qu'on ne connaît pas. Ou en qui on n'a pas confiance.

Il pousse doucement le verre vers Moon, le questionnant du regard.

Exemple, reprenons l'incident avec Rox. Je préfère penser que les personnes avec qui je travaille sont autre chose que des incapables. Mais je ne peux pas juste  supposer que ce soit le cas. Alors récapitulons, Ian, on sait tout les deux de quoi il en retourne. Sneyk et bien... c'est Sneyk. Mais toi, Moon ?

Il prit son propre verre, le faisant tourner entre ses doigts, attendant de voir si Moonbin comptait l'accompagner. C'était bien beau de l'entendre critiquer les méthodes des autres mais il ne l'avait pas encore clairement entendu parler de son propre travail. Plus tôt, il avait accepté son compliment sans rechigner: "chasseur le plus efficace à Londres". Il restait à voir ce qu'il allait inventer pour justifier ce titre. William ne demandait qu'à être son allié, le but n'était pas de le braquer jusqu'à le rendre méfiant. Mais des fois, une bonne vieille question un peu plus provocante pouvait faire avancer les choses d'un pas de géant.

William afficha un sourire en voyant Moon porter le verre à ses lèvres. Il avisa le sien un instant. C'était toujours complexe de boire, et encore plus en compagnie d'une autre personne mais il fit rapidement abstractions de tout ce qu'on lui avait enseigné pour prendre une gorgée de sa concoction. Pas mal, pensa-t-il. Comme prévu, ça n'avait rien à envier à ce qu'il aurait pu goûter dans d'autres bars en Europe, mais ça ferait l'affaire.

Moi ?

Moonbin avait l'air étonné d'entendre son prénom. William aurait pu croire qu'il n'avait rien entendu de ce qu'il avait dit, mais le contraire lui fut prouvé en entendant sa réponse. Réponse complète qui lui en apprenait un peu plus sur la longue collaboration Louis/Moon. Il ne connaissait que peu de pays qui continuaient d'imposer le service militaire. Bonne chose ou pas, William avait eu le droit à sa propre version étant plus jeune. Il ne pouvait qu'acquiescer en entendant Moon en parler. Il est vrai que c'était des fois compliqués d'avoir cette vision des choses lorsqu'on est entouré de personnes qui n'ont pas eu le même entraînement que nous. Les manières de faire Kaaëlya n'étaient clairement pas les siennes, et il commençait à comprendre que Moon vivait sans doute la même chose avec Ian. Avoir la rigueur d'un mercenaire lorsqu'on est entouré de débutants, ça pouvait mettre la patience à rude épreuve.

- J’ai eu la chance de ne pas devoir le faire parce que j’ai gagné l’or aux Jeux Asiatique de 2010, mais je pense que ma formation ici m’a permis d’être à la hauteur de mes congénères.
- A t'entendre, j'ai l'impression qu'on formerait une bien meilleure équipe. Je devrais peut-être en glisser un mot à Louis.

Vantardise subtile mais efficace, ça avait eu le mérite de rendre William curieux. C'était soudain une idée très tentante de réellement voir ce qu'il savait sur le terrain. Il l'avait peut-être mis trop rapidement dans le même panier que les autres. Mais c'était bien à ça que servait cette soirée: jauger qui était Moonbin, ce qu'il apportait et ce que l'équipe perdrait s'il venait à changer de bord.

Il observa son collègue changer de posture au fond de sa chaise en reprenant un peu de limoncello. Ça avait l'air de lui plaire, William en était ravi. Ce n'était qu'une des nombreuses manières de briser la glace. Mais il n'attendait pas à ce que ça fonctionne autant. Alors qu'il s'apprêtait à lancer une nouvelle question innocente sur le tapis, Moonbin reprit la parole.

… Mais je pense qu’on a suffisamment parlé boulot, non ? Je pense qu’à ça dernièrement, j’ai besoin de me changer les idées.

Légèrement déstabilisé, William fit de son mieux pour suivre le rythme de la discussion. Il était vrai que c'est ce qu'il lui avait vendu, une soirée entre amis pour sortir un peu le travail de leurs pensées. La dernière chose qu'il souhaitait, c'était de faire sentir à son collègue que la discussion faisait plus office d'interrogatoire. Etrangement, le jeune italien n'avait pas imaginé qu'on pourrait lui demander de parler de lui. C'était un sujet complexe, surtout parce qu'il y avait beaucoup de détails qui ne se dévoilent pas à n'importe qui. La question de la famille, de la jeunesse dans le cas de William, c'était délicat. Mais il pourrait sans aucun souci inventer toute une histoire. Ce n'était pas la première fois qu'il se trouvait dans ce cas de figure, il avait au moins dix versions différentes de sa vie, prêtes à être servies aux personnes indiscrètes voulant en savoir plus.

La question de la petite amie, par contre… Ce n'était pas une qu'on lui posait souvent. De ce côté, il n'y avait pas grand chose à dire. En réalité, il n'y avait rien à inventer, vu qu'il n'y avait personne. Mais William ne put empêcher ses sourcils de se froncer, dans un air visiblement confus. Ça avait l'air anodin mais quelque chose trahissait le but de cette question, sans que William ne put mettre le doigt dessus. Peut-être avait-elle été posée innocemment mais maintenant qu'il l'avait remarqué, l'idée ne le quittait pas: ça n'avait rien d'anodin. Le ton employé n'était pas juste un ton qui se voulait celui d'un bon ami, William aurait pu jurer que quelque chose se tramait. Quelque chose qui lui échappait totalement, une tentative de flirt ? Si c'était ça, il avait vu plus adroit et subtil.

Non.. non, rien de tout ça… Enfin si! J'ai une sœur, en réalité.

Même sa réponse trahissait à quel point ça le troublait. En tant normal, il n'aurait pas cherchait à y aller par quatre chemins, il aurait clairement poser la question à Moon. Mais la discussion avait pris cette direction si soudainement qu'il n'était pas sûr d'avoir suivi le mouvement. Pendant un court moment, il contempla les choix qui s'offraient à lui. Croire que Moonbin avait voulu lui donner un indice de ce qu'il pensait de cette soirée et jouer le jeu ou arrêter de se faire des films et croire qu'il essayait simplement de faire connaissance en tout bien tout honneur ?

Des deux choix qu'il identifiait, un était sûrement mieux que l'autre mais l'argument principal qui lui fit choisir ses prochains mots fut suffisant: tous les moyens étaient bons pour en apprendre plus sur Moonbin. S'il lui offrait une opportunité d'être au plus proche, il ne laisserait pas l'occasion passée. Il posa son petit verre sur la table basse avant de reprendre sa réponse depuis le départ.

J'ai une sœur, plus jeune que moi et avec qui j'ai grandi en Sicile. Un magnifique pays, d'ailleurs. L'Italie. Je me rappelle les randonnées qu'on faisait lorsqu'on était plus jeunes. Tout un tas de paysages absolument magnifiques.

Il ne savait pas quelle version de sa vie il allait bien pouvoir pitcher, mais il ne se posa pas la question très longtemps. Prenant la décision de répondre à la réelle question qui semblait l'intéresser, William rentra un peu plus dans les détails de ce côté:

Par contre, ce que l'Italie ne fait pas de mieux, je pense que c'est ça. Si je peux te conseiller quelque chose c'est de ne jamais te mettre en relation avec un Sicilien ou une Sicilienne. Hommes comme femmes, c'est impossible d'imaginer quelque chose de simple avec eux. C'est toujours une histoire de s'installer dans une belle maison et de fonder une famille, il leva les yeux au ciel pour appuyer l'absurdité de ce qu'il racontait, Je crois que c'est ça qui me plaît le plus à New York. C'est moins prise de tête, moins...contraignant.

Soutenant le regard de Moonbin, il était curieux d'entendre ce qu'il avait à dire. Il était en terrain totalement inconnu, il avait plus l'habitude de belles blondasses aux teints basanés: c'était plus son style. Il n'y avait en réalité pas plus sexy qu'une sicilienne. Mais une fois la sentiment de confusion passé, on se prend au jeu assez facilement. La légère déformation de la vérité ne faisait que partie des coups bas qu'il se permettait. En réalité, toutes ses conquêtes avaient été féminines. L'homosexualité était un sujet tatillon en Italie, et plus particulièrement dans la famille. C'est plus par éducation que William ne s'était jamais permis de regarder d'autres hommes. S'il devait réellement y réfléchir… il ne préférait pas.

J'imagine que je suis un peu l'exception de ma propre règle. J'ai pas envie de me bloquer avec quelqu'un, je préfère largement avoir le choix, disons. Pouvoir décider avec qui je passe ma soirée.

Son verre était sagement posé sur la table et il n'en prendrait plus une goutte, justement parce qu'il savait ce qu'il faisait. Il avait beau avoir réussi à justifier sa curiosité, il ne laisserait pas non plus les choses déraper. Si ça devait en arriver là.

Enfin, je te dis tout ça mais tu as peut-être une vision différente des choses. On ne peut pas avoir la même opinion sur tout, même si je dois avouer que je suis étonné de voir à quel point on est similaires