Il y avait une petite boutique dans une rue du Bronx qui avait déjà attiré l'œil de Quinn la première fois qu’elle était passée par ici. Elle n’était pas venue pour ça, à la base, et la devanture du magasin ne payait vraiment pas de mine - on était loin des grandes lettres lumineuses étendues sur des centaines de mètres qui attiraient son regard habituellement - pourtant, quand elle avait regardé machinalement à travers la petite vitrine, elle y avait vu quelque chose d’intrigant. Des babioles, des objets gravés de symboles étranges de toutes sortes, des bougies, des pierres de toutes les couleurs ou encore des herbes en tout genre. Quinn était restée là un moment, à fixer cette pièce qui lui faisait remonter quelques mauvais souvenirs qu’elle aurait préféré oublier, avant de finalement reprendre son chemin comme si de rien n’était. Comme si cette boutique n’avait simplement jamais existé.

Pourtant, elle n’avait pas oublié. Presque malgré elle, elle se souvenait quasiment de chaque coin de cette salle aperçue derrière la petite vitre de verre et avait noté dans sa mémoire sa position exacte, si bien qu’elle était capable d’y revenir sans même avoir besoin de la chercher trop longtemps, si l’envie lui prenait de revenir. Elle pensait que c’était improbable. Les sciences occultes, la sorcellerie, tout cela n’avait jamais été pour elle. Son truc à elle, c’était les monstres, toutes ces créatures qui lui obéissaient au doigt et à l'œil, du temps où elle régnait encore sur le Pays des Merveilles. Elle n’aimait que les démonstrations de puissance, les carnages spectaculaires qui lui avaient permis de semer la terreur dans tout le royaume. Les petits maléfices lancés dans l’ombre ne l’avaient jamais intéressée. La sorcellerie, c’était pour tous les traîtres et les lâches qui n’assumaient pas leurs méfaits. C’était pour sa sœur. Et elle la haïssait pour cela.

Mais les temps avaient changé, comme Quinn le réalisait avec amertume. Son Jabberwocky l’avait quittée, de même que le reste de ses monstres et de ses vautours. Certes, elle avait bien quelques gardes et quelques alliés pour assurer ses arrières, mais elle voyait bien que ce ne serait pas suffisant bien longtemps. Il devait bien y avoir quelque chose à faire de plus. C’est pourquoi, après beaucoup d'hésitations, elle avait fini par revenir un soir vers cette boutique d’étrangeté qui l’avait tant marquée au premier abord. Simplement pour regarder ; cela ne l’engageait à rien. Peut-être pourrait-elle y trouver quelque chose qui la servirait, peut-être pas. Elle décida qu’il ne fallait pas qu’elle s’attende à grand-chose.

Elle entra donc dans la boutique en jetant autour d’elle un regard empli de mépris pour cet art qu’elle avait en horreur. Tout ici lui rappelait Mirana, bien que l’on soit loin du petit palais d’argent dans lequel la Reine Blanche avait élu résidence. L’ancienne Reine Rouge aurait bien eu l’envie de tout envoyer valser hors des étalages, pour déverser la fureur que ces souvenirs maudits avaient provoqués en elle, mais la perspective de tomber sur quelque chose qui pourrait lui être utile l’y découragea. Rien ne l’empêchait de regarder calmement d’abord, puis de s’énerver ensuite. S’approchant d’une armoire, elle passa sa main sur quelques objets, sans trop savoir ce qu’elle y cherchait. Quelque chose pour la protéger, la défendre contre d’éventuels ennemis, détruire ceux qui lui voudraient du mal. Là était sa priorité. Mais elle y connaissait si peu de choses en sciences occultes, comment savoir ce qui fonctionnerait ou non ? Comment savoir même si tout cela fonctionnait réellement, si ce n’était pas simplement une pure arnaque dressée pour attirer des pigeons prêts à dépenser leur argent dans des objets aux effets imaginaires ? Quinn avait bien vu que dans ce monde, la magie n’était pas vraiment présente - elle ne serait pas surprise de constater que tout ce qui se trouvait actuellement devant elle était complètement inefficace. Pas question de donner un centime sans une preuve que ce qu’elle achèterait lui serait parfaitement utile. Elle détestait que l’on se moque d’elle et avait bien l’intention de le faire savoir.

Toujours avec cet air mauvais qui lui allait si bien, elle s’éloigna des étagères pour se rendre vers le fond de la pièce où se trouvait une jeune femme insupportablement rousse derrière la caisse. Qu’elle soit la propriétaire ou une simple employée, cela ne faisait aucune différence pour Quinn : dans tous les cas, elle méritait de passer un sale quart d’heure. Posant un poing sur le comptoir en guise de salutations, l’ancienne Reine entama la conversation sur un ton sec, presque agressif, tout en désignant de sa main libre l’étagère pleine des objets ésotériques qu’elle avait étudiés plus tôt.

« Si je n’y connais rien à vos bêtises, comment voulez-vous que j’y trouve mon compte ? Et comment je peux être sûre que ce ne sont pas juste des babioles sans intérêt ? J’exige repartir d’ici avec quelque chose d’utile, quelque chose qui défendra mon r… mon lieu de vie contre des attaques ennemies. Vous avez ça en stock ? »

Par défendre, elle entendait également attaquer en premier tous ceux qu’elle ne voyait pas d’un très bon œil, mais cela coulait de source. Alors qu’elle n’essaie pas de l’embobiner, celle-là, ou bien elle se verrait contrainte de l’ajouter à sa longue liste de personnes à éliminer.