Un avant-midi à la piscine

2 était le chiffre qui convenait à Archimède pour décrire sa situation actuelle. Deux, parce que cela faisait deux mois qu'il était ici. Deux, parce qu'Archimède avait deux apparences et deux car il faisait maintenant parti de deux mondes. En effet, Archimède était un hibou dans un monde et il venait de se retrouver dans celui-ci, avec l'apparence d'un humain. La pire chose qui aurait pu lui arriver, selon lui. Effectivement, le vieil hibou savant avait horreur des humains. Voilà maintenant qu'il en était un et pire, il devait maintenant vivre parmi eux. Heureusement pour lui, il était tombé, le jour de son arrivée, sur un ancien animal, un chien nommé Dug. Ce dernier lui avait expliqué la situation, avec ce qu'il savait. Archimède était maintenant au courant qu'il avait changé de monde. Monde auquel, il ne s'était toujours pas fait. Bien qu'Archimède connaissait cette époque, qui n'était pas la sienne, grâce à Merlin, il aurait préféré ne pas y retourner. Surtout que le corps qu'il avait n'était plus le sien. Comme quoi, on ne choisit pas toujours son destin, il nous tombe dessus et il faut savoir l'accepter.

Archimède commençait à accepter son sort et s'était trouvé un emploi stable dans ce monde. Son emploi restait dans ses passions : la connaissance et l'apprentissage. Archimède était en effet devenu le précepteur d'une riche famille anglaise. Il était même logé chez eux. Il avait ainsi quitté le logement de Dug, qui était reparti à New York.

Archimède surveillait les deux têtes blondes que ses employeurs lui avaient confiés. D'ordinaire, c'était à la gouvernante de s'occuper de ces deux-là. Seulement, elle avait un rendez-vous et Archimède avait accepté de s'occuper des deux enfants, en les accompagnant à une de leurs activités extra-scolaire.
Bien qu'Archimède n'était pas un féru de l'eau, il avait pourtant une tendance particulière à s'y retrouver. Ce monde n'échappait pas à la règle, comme son arrivée le montrait, où il avait atterri dans la Tamise. Et l'eau continuait de le poursuivre, puisque c'est à la piscine qu'il avait accompagné les enfants. Une fois là-bas, il était chargé de les surveiller et d'attendre qu'ils profitent de leur heure de natation, pour ensuite les ramener, grâce au chauffeur de la famille. Heureusement que la famille possédait un chauffeur, Archimède ne savait pas conduire et prendre le taxi ne lui aurait pas plu. Archimède avait d'ailleurs ronchonné en apprenant qu'il ne ferait rien durant leurs cours à la piscine, du moins rien avec les enfants. Il était seulement chargé de leurs éducations, pas de leurs activités et de leurs loisirs. Attendre et ne rien faire durant que des enfants s'amusaient ou du moins, faisaient leurs cours, ne l'amusait pas du tout. Son humeur grincheuse n'avait pas disparu, avec le changement de monde.

Archimède était sur le bord de la piscine les pieds dans l'eau, en pleine réflexion. Il se demandait si à cette époque, ou plutôt si dans ce monde, on croyait aux pouvoirs magiques, comme ceux de Merlin et surtout, si dans ce monde Merlin les aurait encore, normalement oui. Archimède n'y voyait pas d'objection. C'est alors qu'une belle femme blonde vint l'accoster. Sa tenue vestimentaire trahissait son appartenance à la piscine, elle y travaillait.



Puis, il reporta son attention sur les enfants, qui étaient bien sûr bien encadrés, mais il était censés les surveiller. Et puis, Archimède avait toujours du mal avec les humains. Mais, voyant qu'elle ne partait pas, il plongea ses yeux chocolat dans ceux océan de son interlocutrice et lui demanda si contrairement à lui, elle raffolait de l'eau.

Un avant-midi à la piscine

Archimède regarda la femme s'asseoir à côté de lui et écouta sa réponse.



Archimède ne pouvait s'empêcher de contre-dire ses interlocuteurs, particulièrement lorsqu'ils montraient qu'ils avaient tort. Archimède aimait remettre les choses en ordre, dans le droit chemin. Il aimait d'ailleurs la vérité, l'exactitude et pas de l'approximatif. Seulement, dans le cas présent, il ne pouvait se douter, que cette femme disait la vérité. Après tout, comment aurait-il pu savoir qu'elle était un ancien poisson et pas une humaine ? Quant à la remarque de la femme mentionnant qu'elle avait toujours été dans l'eau jusqu'à ce qu'elle arrive ici, Archimède supposa qu'elle avait exagéré le fait d'être toujours dans l'eau, comme il venait de le lui rétorquer et qu'elle avait simplement changé de ville ou de pays. Après tout, combien de chances avait-il de tomber sur une personne étant dans la même situation que lui ? Il ne connaissait que Dug. Ses patrons étaient des humains, bien de ce monde, comme les deux têtes blondes dont il gérait l'éducation. Archimède était dans ce monde depuis seulement deux mois, alors il y avait peu de chance qu'il ait déjà rencontré des personnes de son monde, autre que Dug sans chercher. Statistiquement les chances étaient faibles. Il y avait énormément d'humains natifs de ce monde et seulement une poignée d'individus (humains, animaux, créatures) de son monde, qui arrivaient au compte goutte. Seulement, les statistiques ne sont que de la logique, basée sur des faits et des calculs, d'autres facteurs inconnus peuvent entrer en ligne de compte et tout chambouler.

Lorsque la femme mentionna qu'elle ne pouvait pas toujours être dans l'eau, à cause de son travail, l'ancien hibou lui répondit par une remarque.



La question, qui suivit, l'intrigua.



Archimède avait dit la vérité, il avait juste omis de mentionner volontairement, qu'il ne venait pas de ce Londres, mais d'un autre, dans un autre monde. Après tout, il ne tenait pas à ce qu'un humain vienne fouiner dans sa vie. Il avait déjà répondu sans ronchonner à ses questions, il ne fallait pas pousser. Archimède n'aimait pas vraiment les humains, il se sentait d'ailleurs supérieur à cette espèce. Il préférait les animaux. Il avait été ravi de tomber sur Dug, un ancien chien, le jour de son arrivée. Ce dernier avait pu l'aider et le renseigner. Ce qui n'aurait sûrement pas été le cas avec un humain de ce monde.

Un avant-midi à la piscine

Lorsque la femme s'indigna et exprima son mécontentement, Archimède fut surpris. Elle était un poisson ! Elle venait donc de son monde, ce n'était pas qu'une simple humaine ! Archimède était heureux de l'apprendre, lui qui n'aimait pas vraiment les humains. Par contre, il songea que ce poisson n'était pas très malin de dévoiler ce qu'elle avait été à un inconnu. Dans tous les cas, ce n'était pas forcément bon pour eux. Soit ils seraient crus et on voudrait les interroger, on les garderait, voir on les disséquerait. Soit, ils passeraient pour des fous et seraient internés. Archimède ne voulait être dans aucun de ces cas de figure. L'ancien hibou jugea également bon de ne pas préciser qu'il raffolait de poissons. C'était un de ses plats préférés.



Des cris d'enfants se firent entendre plus intenses que les autres. C'était des enfants, qui se chamaillaient. Cela alerta Dory, qui partit faire son travail. Archimède en profita pour observer les enfants dont il s'occupait, qui étaient toujours en plein dans leur cours. Lorsque la blonde revint, son visage avait l'air d'être moins déformé par la colère. Cependant, elle ne semblait pas vouloir  reprendre absolument la conversation. Archimède ne s'en formalisa pas. Si c'était pour encore se prendre la tête, il n'y tenait pas. Plus il avait la paix, mieux il se portait. C'est alors qu'un enfant glissa en courant et bouscula Dory, qui tomba sur l'ancien oiseau. Archimède la regarda, surpris par la situation, à laquelle il ne s'était pas attendu. C'est alors qu'une voix se fit entendre à l'attention d'Archimède, qui n'apprécia pas du tout.




Archimède se releva et s'énerva, puis tout en s'excitant, il tomba à l'eau. Et voilà encore dans l'eau ; il ne pouvait pas y échapper. Archimède devait être le hibou qui se retrouvait le plus fréquemment en contact avec l'eau. S'il ne se faisait pas arroser par des fuites du toit, c'était pour se battre avec un barracuda dans les douves, afin de sauver Moustique. S'il ne se retrouvait pas dans l'eau de la Tamise, le jour de son arrivée, c'était pour se retrouver le bec dans l'eau, dans une piscine grouillante de monde.

Une fois hors de l'eau, il cracha, tout trempé de la tête au pied. Vraiment, il n'aimait pas ce monde, pas cette époque, pas cette enveloppe charnelle, qui lui servait de corps. Pourquoi il était là déjà ? Il n'en savait rien. Cela ajouta à son désarroi, l'ignorance était aussi un concept qu'il haïssait.

Un avant-midi à la piscine

Archimède s'agrippa au rebord de la piscine et remonta en se hissant hors du bassin. Il cracha de l'eau et passa une main sur son visage afin d'y retirer l'eau. Archimède avait encore une raison de détester ce monde. Il ne s'y plaisait pas vraiment et maintenant qu'il se retrouvait de nouveau dans l'eau, à cause de personnes de ce monde, il s'y plaisait encore moins. Il ne voulait pas rester davantage dans ce monde. Après tout, un monde qui le transformait en humain, le mettait à deux reprises dans l'eau, l'insultait à plusieurs reprises par des personnes de tout âge était-il vraiment fait pour lui ?



Archimède la regarda alors interloqué, réalisant les questions qu'elle venait de poser. Toute colère avait disparu. Avec Archimède, un changement si brutal était tout a fait possible. Tous ses sentiments disparaissaient quand sa curiosité était en éveille. Celle-ci venait d'être alimentée par les paroles de Dory. Il avait appris il y a quelques mintes, qu'elle était un poisson avant que son travail ne l'appelle. Il lui avait même dit qu'il venait aussi de son monde. Pourtant, elle semblait l'avoir oublié. Si bien, qu'une fois sa colère passée, il réalisa qu'il n'avait pas prêté attention à ses questions, questions auxquelles il venait de répondre dans son accès de colère. Maintenant, que la curiosité avait pris la place, il réalisa qu'elle venait de redemander d'où il venait.



Archimède avait été honnête, déjà parce que c'était dans son caractère et ensuite, parce que la plupart des gens était déjà passé à autre chose et ne suivait plus leur conversation. L'ancien oiseau faisait bien attention de ne dire à personne qui il était. Déjà qu'il n'aimait pas les humains, il ne tenait pas à ce qu'ils apprennent qui il était.



La curiosité le piquait maintenant au vif. Il voulait savoir qui était vraiment cet ancien poisson et pourquoi elle semblait avoir oublié leur conversation d'y a quelques minutes.

Un avant-midi à la piscine

Archimède avait totalement occulté le décor et ce qui venait de se passer. Seul, ce que disait l'ancien poisson, comptait. Il était accroché à ses lèvres, il buvait ses paroles. La curiosité était vraiment le trait de caractère, qui le caractérisait le mieux et qui s'exprimait le plus, elle effaçait tout le reste. D'ailleurs toute colère avait disparu. La curiosité étant suscitée, il chercha à la combler. C'est pourquoi, Archimède était attentif à la blonde. Il était curieux de son phénomène de perte de mémoire instantanée. Il avait appris que cela existait, grâce à Merlin, mais il n'y avait jamais été confronté. Maintenant qu'il l'était, il n'avait qu'une idée, comprendre cela, enfin avec les moyens qu'il disposait, c'est-à-dire questionner la principale concernée : l'ancien poisson. Elle était une expérience pour Archimède. Elle regorgeait d'un savoir qu'il ignorait. C'est ainsi que l'ancien hibou commença à la harceler de questions.



Archimède bombarda de questions son interlocutrice. Il trouvait cet ancien poisson particulièrement intéressant. Il n'aspirait qu'à savoir, oubliant tout le reste. Il eut ensuite envie de demander si elle savait qui elle était. Cela pouvait être idiot de poser cette question, mais pas dans la situation présente. Savoir qui on est, savoir se reconnaître, cela impliquait de prendre conscience de nos pensées, de nos actes et surtout de s'en souvenir. Une partie de notre identité existe grâce aux souvenirs de soi. Le parcours que l'on a effectué reste ancré, or si on oublie cela, comment savoir qui nous sommes ? L'ancien poisson soulevait la question. Après réflexion, il ne la posa pas, après tout, elle venait d'y répondre lorsqu'il lui avait demandé quels souvenirs restés. C'était ces souvenirs-ci qui la définissaient. Archimède posa alors d'autres questions.



Archimède ne s'arrêtait plus. Une question en entraînait une autre.

Un avant-midi à la piscine

Archimède était enthousiasmé par la situation et son intérêt pour l'ancien poisson ne cessait de croître, surtout que Dory répondait à toutes ses questions. Ce n'était pas tous les jours qu'il avait un cas pratique en face de lui. Il en était ravi. Il pouvait augmenter son savoir. D'ailleurs, il enregistrait au fur et à mesure les renseignements que Dory lui fournissait. Ainsi sa mémoire à long terme fonctionnait, mais elle ne retenait pas tous les éléments. Elle sélectionnait que certaines informations, comme tout le monde, sauf que chez Dory, comme sa mémoire instantanée montrait des signes de faiblesses, son cerveau ne gardait que les souvenirs liés à des moments vécus comme agréable. Archimède trouva cela curieux, la partie du cerveau des sentiments et des émotions, interagissant avec la partie de la mémoire, stockait seulement les bons souvenirs. Archimède se demanda si ça ne posait pas des problèmes. Après tout, lorsqu'une mauvaise expérience nous arrivait, la mémoire à long terme la stockait et la partie du cerveau relative aux émotions étaient stimulées. Ainsi lorsqu'on se retrouvait dans la même situation, on pouvait savoir si ce qui allait arriver serait bon au mauvais, donc mauvais dans ce cas. Seulement Dory n'avait pas l'air de stocker ce genre d'expérience, ou alors, elle le faisait, mais ne s'en souvenait plus, ou n'en avait pas conscience. Elle avait peut-être également omis de donner l'information. Archimède réfléchit à la question, mais n'eut pas vraiment le temps d'approfondir. Dory continuait ses explications. Archimède hocha la tête et nota que Dory retenait surtout les souvenirs liés à des personnes, des moments vécus avec ces dites personnes. L'ancien hibou se demanda si des expériences personnelles ou des moments vécus seul lui restaient en mémoire. L'ancien habitant de Disney n'eut pas le loisir de lui poser la question. L'heure vint rappeler Dory à son devoir. Elle s'excusa, puis partit à son ouvrage. Juste avant qu'ils ne se quittent, Archimède l'avait saluée.



Archimède alla retrouver ses deux têtes blondes, qui venaient de finir leurs cours et ils rentrèrent chez eux, grâce au taxi. Après le déjeuner, Archimède passa l'après-midi à faire sa leçon aux deux enfants. Le soir en se couchant, le souvenir de Dory lui revint en mémoire. Un sourire étira ses lèvres en repensant à certains mécanismes de la mémoire que Merlin lui avait enseignés. C'était étonnant la mémoire, quasi magique..

Fin