« Marché noir de gens » Javotte de Trémaine & Hadès D. Alexander

Ce satané soleil. Pourquoi sortait-il si tôt ? Je grognai et me retournai dans mon lit, les yeux toujours fermés et je tendis la main pour tirer les rideaux. Ce que j'oubliai, c'est qu'ils étaient à quelques pas de l'emplacement de mon lit, et donc, je ne pouvais les atteindre. Dans un bruit sourd, je me retrouvai sur le sol. J'hurlai de frustration. Satané Soleil. Si ce n'était pas de lui, je n'en serais pas à me rouler en boule sur mon tapis, un oreiller sur la tête pour qu'on ne m'entende pas crier jusqu'en Chine, jusqu'au sous-sol ça suffira, et je n'aurais pas à me lever. Il ferait toujours nuit ce serait le pied dormir tout le temps. Malgré que ce serait désavantageux parce qu'endormie, je ne peux embêter les gens. Borf je trouverais bien un moyen de toute façon. Ce sont des mains froides et fermes qui me relevèrent sans forcer, et je me retrouvai face à mon patron, les cheveux en bataille, la mine la plus blasée qui soit et ma petite robe de nuit toute de travers. Il me regarda un moment le sourire aux lèvres, et moi je le dévisageai avec l'envie de lui mettre une baffe. Qu'est-ce qui le faisait rire ? Je passai mes mains dans mes cheveux bouclés pour les renvoyer vers l'arrière, pour cesser de ressembler à une fille tombée dans un puits, revenue des morts pour se venger et hanter ceux qui l'avaient laissé pourrir là.

« Bon matin, c'est ça oui ! » grognai-je entre mes dents, en réponse à son délicieux bonjour. Ah, Neal. Beau comme un dieu, mais surtout riche. L'homme parfait quoi. « Je me change et je te rejoins. » Décidément, ce matin prenait des tournures plus qu'agréable. J'allais avoir l'honneur de petit-déjeuner avec lui. C'était rare puisqu'il était toujours au travail. Je travaillai pour lui, mais j'avais plus de temps libres malheureusement. Autrement, j'en aurais profiter plus ardemment pour mettre le grappin dessus, naturellement. Ce matin était une occasion parfaite.

J'enfilai une robe longue, de couleur noir et me passai un ruban vert lime autour de la tête. Je me passai un coup de brosse dans les cheveux, un peu de maquillage appliqué par moi-même, fallait vraiment que je fasse tout moi-même ici, me passai un collier de perles autour du cou et descendit fin prête pour manger. J'arrivai à la dernière marche et je retrouvai Neal assis devant une assiette déjà entamée, une autre étant posée deux chaises plus loin, donc face à lui, toujours intacte, attendant d'être dévorée. À l'attaque. J'avais une faim de loup. Entre mes bouchées, j'entendis mon patron me dire à quel point je lui avais fait peur ce matin, qu'il croyait qu'il m'était arrivé quelque chose. Je fis la moue, la bouche à moitié pleine je ne pouvais pas sourire. Mère m'aurait donné un coup de bâton. Il était si mignon.

La vaisselle empilée dans l'évier, il me lança qu'il devait retourner travailler, qu'il avait une grosse réunion en après-midi blablabla. Comme il était important ! Ça donnait envie de le marier tout ça. Il me proposa de me déposer quelque part si j'en avais envie. Je n'avais en effet aucune envie de rester entre ces quatre murs encore une journée. Et puis, la femme de ménage n'était pas de service aujourd'hui alors je n'avais personne à surveiller. J'avais vraiment une journée de congé ! Vous ne pouvez pas savoir comme c'est difficile de s'assurer que tout le monde fait bien son travail et ne le bâcle pas !« J'embarque. Tu me déposes où tu veux. »

Le centre commercial qu'il me disait. M'amusez qu'il me disait. Je suis pas une bonniche ce n'est pas à moi de faire les courses ! Pour qui me prenait-il ? Vexée, je me tournai pour rechigner mais il avait déjà quitté le stationnement. M*rde. J'étais destinée à errer dans un endroit où on achetait des choses. Ce sont les domestiques qui font ça, pas les gens de mon rang ! Je décidai quand même de rentrer. Je découvris, malgré que les allées fussent noires de gens, qu'il y avait du potentiel, des boutiques dignes de mon intérêt. C'était donc comme ça que les gens se procuraient leurs vêtements ? Bien que cela ressemble en tout point à un marché comme dans mon village, il semblait y avoir plusieurs commerçants de haute couture, comme ceux qui avaient créé mes robes préférées. Alors que je lorgnai sur une vitrine, je me fis si abruptement bousculer que je tombai par terre. Pour la deuxième fois de la journée ! Le pied.

« Vous êtes malade ! Regardez où vous allez, je suis pas invisible ! Et ne ME TOUCHEZ PAS. Je peux me relever toute seule. » Les gens d'ici ne sont vraiment comme les gentilshommes de chez moi.

( HS : Je l'ouvre tout de suite, mais ne te sens pas obligé de répondre ! C'est quand tu veux ♥ )

« Marché noir de gens » Javotte de Trémaine & Hadès D. Alexander

« Parce que j'ai l'air de quelqu'un qui veut vous aider peut-être? Vous vous croyez maline à vous arrêter n'importe où comme ça? » Il se moquait de moi ? Était-ce vraiment là la réponse d'un homme à une femme, aussi en colère soit-elle, qui se trouvait assise sur le sol de la place publique ? Il venait d'où ce goujat ? « Je vous demande pardon ? » Il m'ignora. Vraiment, cet homme était le dernier des mal élevés. Il mériterait une bonne correction. Alors que je grognai et fulminai en me relevant, tentant de ne pas mettre le pied sur un pan de ma robe ou même l'ourlet, je ne voudrais pas la déchirer devant tout ce monde. Cela m'était déjà arrivé, une fois pas deux. J'apprends de mes erreurs tout de même. Alors que je me débattais seule au sol avec tout ce tissu, mes doigts effleurèrent quelque chose de moins lisse et de moins froid que le carrelage lustré du plancher du centre commercial. Du papier ?

Curieuse, lorsque je fus enfin sur mes deux pieds et immobile de surcroît, je laissai mon regard décrypter les lettres assemblées en mots, dont les traits étaient dignes de pattes de mouche, ce qui rendait ma lecture plus qu’ardue. Fronçant les sourcils, éloignant, approchant la feuille de mes yeux, je discernai trois ou quatre mots soit corde, gros sac, ruban adhésif et âme ? Il était complètement fou, cet homme ? Qu’est-ce qu’on pouvait bien faire avec tout ça ? Et une âme ça s’achète comment ? Ohhhh le vilain, ça sentait le kidnapping. « Vous avez une victime ? » Je me tus avant d’en rajouter. Pas ici. Pas devant tout le monde. Mon idée était trop bonne. Je partis vivement, sans attendre l’homme, déduisant qu’il me suivrait, puisque j’avais toujours sa liste de courses en ma possession. Voilà ce que je voulais faire aujourd’hui, aider à un kidnapping et en prévoir un prochain. Cendrillon, tu n’as qu’à bien te tenir.

Je marchai vite. Maman me tuerai si je courrais en public. Je bousculais les gens, mais qu’importe. Je voulais trouver un endroit plus ou moins tranquille, ce qui me semblait tellement impossible. Alors que je passais devant le petit endroit appeler « Halte-Bouffe » une forte odeur me vint du côté d’un petit couloir. Il menait aux toilettes. Le voilà mon endroit tranquille ! Je marchai vivement en direction de celle des femmes. Je n’allais tout de même pas entrer dans celle des hommes, quelle idée ! Je poussai deux ou trois petites fillettes barbouillées de rouge et de mascara, vraiment hideuses, dehors, en hurlant pour qu’elles se dépêchent. J’attendis en faisant les cent pas devant l’assemblage de robinets, espérant que le brutal inconnu et surtout, qui paraissait complètement détraqué et mal élevé, m’ait suivi.

« Marché noir de gens » Javotte de Trémaine & Hadès D. Alexander

Pourquoi verrouillait-il la porte ? Il avait peur que je m'enfuis ? C'était moi qui l'avait attiré dans ce trou puant. Il y avait peut-être une autre idée en tête ? Beurk... Devrais-je crier au viol ou à l'aide ? Non, non. J'allais me ressaisir, j'avais quelques questions à lui poser qui ne savaient attendre, pour satisfaire ma curiosité et mon besoin grandissant de vengeance.

Les gens de ce monde commençaient sérieusement à me pomper l'air. Pourquoi me prenait-il toujours pour quelqu'un que je n'étais pas ? « Petite, à quoi tu joue? parce que là tu semble vraiment vouloir jouer avec le feu en me prenant ma liste... Qu'est-ce que tu veux? » Petite. Il voulait vraiment que je lui colle ma main sur la joue ou quoi ? Et c'est moi qui avait un problème après ça ? Va t'acheter des lunettes, mon vieux, si tu ne vois pas que je suis plus grande que la moyenne des femmes de ce foutu village DONT JE NE CONNAIS TOUJOURS PAS LE NOM. Je ne connais d'ailleurs pas le nom du mien, mais il est certain que je ne suis pas chez moi. Sinon, j'aurais trouvé Maman, Anastasie, bien que cette greluche qui me serve de soeur soit une nouille molle et qu'elle ne serve à rien, ou, bien que je n'en avais pas particulièrement envie, Cendrillon. « Megara, si c'est toi et que tu me cherches, tu va me trouver... »S'il continuait de m'insulter, j'allais me fâcher.

« Ça va là, arrêtez de me prendre pour n'importe qui ou n'importe quoi, ça devient insultant. Pour corriger vos erreurs, je ne suis pas petite, au contraire. C'est de famille, nous sommes grandes. Et moi, c'est Javotte de Trémaine, pas Megara ou quoi que ce soit d'autre comme nom bizarre. » C'était dit. « Je repose ma question : avez-vous une victime ? Ne faites pas à croire que vous voulez capturer un poisson avec une corde, un gros sac et un ruban adhésif ! Si c'est le cas, vous êtes vraiment stupide. Si non, c'est bien un humain que vous voulez attraper ? Un kidnapping !? Je ne veux pas me porter volontaire pour vous aider, je n'aime pas me salir mes mains, mais je serai ravie de vous offrir une seconde victime. Et si, par un quelconque moyen que je ne désire pas particulièrement connaître, vous voudriez prendre son âme, elle sera à vous sans remords ! »

Je le laissai digérer mon offre. Je devais d'avoir retrouvé la dite femme en question, mais cela ne saurait tardé. Le temps n'était qu'un détail anodin. L'important était que j'avais besoin d'une vengeance grandiose et quoi de mieux que la voir perdre son âme au profit d'un dérangé qui nous avait enfermé dans le local des toilettes. Je m'approchai du comptoir et me regardai dans la glace, replaçai mon ruban serre-tête. Je croisai alors son regard dans le miroir, sans me retourner. « Alors ? »

« Marché noir de gens » Javotte de Trémaine & Hadès D. Alexander

« Parce que tu crois que je kidnappe des gens que pour m'amuser? Bien sur que j'ai une victime, une affaire à régler... Et je ne joue pas les valets, si tu veux que je règle son compte à quelqu'un, il faut me payer, alors qu,est-ce que j'y gagnerais moi?. Et pour finir, ici, les âmes, ça ne me sert plus à rien... c'est aussi utile que de l'eau en enfer... » De l'eau en enfer. Il était vraiment bizarre, tout comme les expressions qu'il employait. Mais ce qui m'agaçait vraiment, c'était son truc d'âmes. Il avait un probable mental ou c'était que passager ? Pourquoi marquer un tel mot sur sa liste. Et surtout, à la base, n'était-ce pas inutile à la base. « Je ne dis pas un non catégorique, mais je veux plus que de la simple reconnaissance, quoique ça semble pas être trop ton truc... »Il allait devoir céder. Même si le non n'était pas catégorique, je n'en accepterai pas moins qu'un oui ferme. Je déteste me faire dire non.

« Pourquoi l'avoir marqué sur votre bout de papier si ce n'est pas pour vous en procurer ? Il faut être logique. » Je secouai la tête comme s'il était le dernier des imbéciles, et il n'était pas loin de s'approprier le titre à mon avis, me retournai pour lui faire vraiment face. « Ce pourrait être un échange de services. Je vous aide avec votre victime, et vous m'aidez avec la mienne. »

J'haussai les épaules. C'était à prendre ou à laisser. J'étais prête à me salir les mains, OUI VOUS AVEZ BIEN LU, pour lui filer un coup de main si c'était pour qu'il accepte mon offre. J'avais besoin d'aide pour Cendrillon. Il s'avérait qu'à chaque fois que nous avions intenté quelque chose contre elle, malgré la solidité de nos plans, ils tournaient tous en sa faveur. Cette fois-ci, j'étais décidé à ce qu'elle n'ait pas cette chance. Alors si quelqu'un d'autre était assez fou et cruel pour me prêter main forte, j'étais preneuse. Surtout si je pouvais avoir mon mot à dire et l'innocence en même temps dans cette affaire. Lorsqu'on crache en l'air, ça nous retombe toujours dessus. Bien que je ne l'ai jamais vu cracher, cette image n'est pas si mal. Le simple portrait de cette chère bonniche avec de la bave dans la figure était hilarant.

Soudain, dans ma tête de rusée, une idée germa. C'était peut-être l'occasion de s'associer, de créer une petite entreprise en dessous de la table, effectuant quelques méfaits sournoisement pour d'autres personnes trop occupées ou apeurées des conséquences pour les faire elles-mêmes. La clé était de s'entourer de fous, de sbires. La voilà l'idée !! Sous l'impact de l'illumination dans mon esprit, j'effectuai un petit mouvement de bras et fis un pas de trop. Fausse manoeuvre, mon talon glissa sur parquet glissant et légèrement mouillé de la salle des toilettes. Pour la seconde fois en trop peu de temps, je me retrouvai les fesses sur le sol, et cette fois, assise dans cette flaque d'eau meurtrière. Je poussai un grognement furieux alors que je me relevai en furie, déchirée entre réagir d'abord à mon éclair de génie ou à cette fâcheuse situation dans laquelle je m'étais vautrée grâce à ces stupides talons. Non, ce n'était pas ma faute. « Et si je vous disais, que ni vous ni moi n'aurais à faire le travail ? Qu'il nous suffirait de recruter... Et puis, cela pourrait se développer, devenir une petite entreprise... Et vous et moi auraient à gagner beaucoup plus que de la vengeance, bien que ce soit délicieux. »

Le laissant réfléchir, je me dirigeai vers la porte, enlevant le verrou pour l'ouvrir et simplement passer ma tête dans l'embrasure. « IL N'Y A PERSONNE QUI FAIT SON BOULOT CORRECTEMENT DANS LE COIN ? J'AI BESOIN D'UNE FEMME SERPILLIÈRE... TOUT DE SUITE. » Je refermai la porte et remis le verrou. Elle n'aura qu'à frapper. Et cela laissait un court laps de temps à mon peut-être-sûrement-il-était-mieux-de-dire-oui-futur associé de prendre la bonne décision et de me répondre ce que je voulais entendre.