Archimède se leva vers les neuf heures dans sa bibliothèque. Bien qu'ayant obtenu en début de semaine un appartement en colocation avec Clochette et Calvin, l'ancien hibou logeait encore dans sa bibliothèque. L'emménagement n'était prévu qu'en fin de semaine. Cela n'était pas le cas pour l'emploi de Clochette. Archimède l'avait engagée et convoquée pour dix heures. Il devenait urgent de réparer la bibliothèque. Certaines étagères étaient clairement prêtes à s'écrouler, la tuyauterie était à refaire, certaines tables et lattes méritaient également de l'attention. Il faut dire qu'Archimède avait acquis cette bibliothèque qui était à l'abandon, pas encore à l'état de ruine, mais si aucun travaux n'était fait, c'est ce qui risquait d'arriver. Grâce à son ancien emploi de précepteur dans une riche famille londonienne, l'ancien hibou s'était fait un joli capital, qu'il avait pu investir dans l'acquisition de la bibliothèque. Beaucoup de ses économies y étaient passées. Ensuite, il avait fallu mettre en état la bibliothèque. Non bricoleur, l'ancien oiseau avait fait ce qu'il avait pu pour la rendre présentable sans toucher aux gros œuvres. Il n'avait donc pas pu se chercher un logement. Ainsi, il avait simplement fait passer une annonce dans un journal local et une dans un journal londonien. En effet, sa bibliothèque se situait en dehors de Londres, près de la Medway, non loin d'Aylesford, à Aveley. C'était finalement celui londonien qui lui avait permis de décrocher la colocation avec Clochette et Calvin, à Londres.

Pour en revenir à la bibliothèque, elle dominait le carrefour, tant par sa magnificence que par sa localisation. Elle était située à l'angle d'une rue. On pouvait difficilement la manquer, surtout par sa taille et son style ancien. La façade en bois soulignait bien ce côté ancien, qui donnait son charme et le caractère de la bibliothèque. L'intérieur n'était pas non plus en reste. Après avoir pénétré ce lieu de savoir par l'immense porte en bois, le visiteur pouvait s'extasier devant ce lieu spacieux tant en hauteur qu'en largeur et en profondeur. Après tout, il fallait de l'espace pour entreposer les étagères en bois vernis, qui contenaient une multitude d'ouvrage récent ou non, qui renfermaient chacun une partie d'un savoir rédigé. D'ailleurs, chaque livre était regroupé par thème, organisé en zones et en étage. Un escalier en colimaçon vernis permettait d’accéder à l'étage. Il y avait un escalier par zone. Chaque zone, contenant des tables en bois avec des chaises et des fauteuils en velours, était séparée par une arcade, sachant que tout l'espace était ouvert, sans porte. Les seules portes visibles étaient celles portant l'indication « private » et « toilet ». D'autres existaient comme celles séparant les toilettes des hommes et des femmes après avoir franchi celle des toilettes. D'autres permettait, après avoir franchi celle avec la mention « private » d'accéder à l'arrière-boutique -là où Archimède dormait- et à la remise. Archimède avait ouvert cet endroit de connaissance et y donnait des cours du soir. C'était plus un plaisir qu'un complément de la bibliothèque. L'ancien hibou adorait enseigner et partager son savoir. Le savoir était sa vie. Ce n'était pas pour rien que le métier de professeur lui allait si bien.

Lorsque Clochette arriva, Archimède se tenait au bureau d'accueil, situé à droite de l'entrée. Il était vêtu de ce qu'il avait l'habitude de porter lorsqu'il ouvrait la bibliothèque, c'est-à-dire son costume. Il en portait un léger vu la chaleur. Il avait également mis ses lunettes, mais il n'avait pas pris la peine de revêtir une cravate ou un noeud papillon, sachant qu'il avait fermé la bibliothèque pour cause de travaux.
L'ancien hibou sourit lorsque sa nouvelle colocataire s'extasia devant la beauté des lieux. Il lui fit ensuite visiter les lieux, lui expliquant par la même occasion comment étaient classés les livres, l'utilité de chaque zone, le système de classification générale, la façon dont l'utilisateur pouvait trouver un livre, etc. Il conclut en lui parlant des cours du soir. Clochette avait l'air intéressé par le renfoncement à gauche de l'entrée, où se trouvait une large pièce réservée exclusivement aux enfants. Durant la visite, il exposa les problèmes et les travaux qu'il y avait à faire, comme la tuyauterie qui fuyait par exemple. Il y avait également certaines lattes du plancher à refaire, ainsi que certaines étagères à refaire. De plus la zone « Sciences » n'était pas terminée. Beaucoup de travaux en perspectives. Archimède n'avait pas assez d'économies pour les faire effectuer par des professionnels, il en avait cependant assez pour Clochette. Elle était moins chère que les professionnels, mais semblait néanmoins avoir le savoir-faire. D'ailleurs, c'est avec entrain qu'elle se mit au travail. Cela fit plaisir à l'ancien hibou.

« Eh bien, c'est parfait, Clochette. Si vous avez un problème, je serais dans la remise. »

Archimède prit alors la direction indiquée. Il avait reçu de nouveaux livres. Il fallait qu'il les déballe et les référence dans son inventaire. N'aimant pas les technologies humaines et donc par conséquent refusant l'informatique, il référença manuellement les nouveaux livres dans un immense registre. Cela prenait du temps, mais ça l'occupait et il aimait le faire. Peut-être que Clochette lui installerait l'informatique, surtout que certains clients trouvaient cela plus pratique, tout comme certains employés. Enfin, cet hibou têtu n'était pas facile à convaincre surtout avec ce qui se rapportait aux humains. C'est ainsi qu'Archimède était en train d'inscrire un livre d'astronomie à son registre, quand tout un coup sans crier gare, l'ancien oiseau vit ses bras se transformer en ailes. Qu'est-ce que c'était que cette folie ? L'ancien animal regarda aux alentours, Clochette n'était pas en vue, puis soulagé il jubila. Il allait enfin redevenir un hibou ! Il ne serait plus un vulgaire humain ! Enfin, c'est ce qu'espérait Archimède.

Archimède inscrivit minutieusement et avec soin les références du livre. De sa belle écriture stylisée, il nota dans son registre, le nom, le volume, l'auteur, la collection du livre d'astronomie. Il inscrivit également le numéro d'identification, afin de pouvoir le retrouver au sein de sa bibliothèque. Il venait de le recevoir et il s'agissait de le répertorier correctement avant de le rendre accessible à ses clients. L'ancien hibou était ainsi confortablement installé à son bureau, concentré sur sa tâche. Il était en train d'écrire soigneusement quand son bras se transforma sans crier gare en une grande aile plumée brune. Le deuxième bras subit rapidement la même transformation. Que lui arrivait-il ? Redevait-il l'hibou qu'il était ? Archimède l'espérait. D'ailleurs, il commençait à s'enthousiasmer de retrouver ses ailes. Il cria de bonheur. Archimède les déploya et commença à les agiter. Elles étaient plus grandes que dans son souvenir. Elles étaient adaptées à sa taille. Ce détail ne choqua pas Archimède, trop heureux de retrouver ses fidèles membres volants. Il les battit et il commença à quitter doucement le sol. Il sourit, jubila. Ce qu'il était heureux. Il avait enfin ses ailes. Ses précieuses ailes d'hibou étaient revenues. L'hibou grincheux venait de retrouver sa bonne humeur. Celle-ci ne la quitta plus, lorsqu'il s'envola dans les airs et commença à s'envoler. Cette sensation lui avait manqué, ce plaisir de voler, de sentir l'air être brassé par le mouvement de ses ailes, cette sensation de ne plus être relié à la terre ferme, le plaisir du vol, tout simplement.

Archimède virevoltait avec allégresse dans sa bibliothèque, libéré de sa condition de simple humain. Enfin, libéré était un bien grand mot, puisqu'Archimède ne possédait que ses ailes d'oiseau, le reste de son corps demeurait humain. L'hibou grincheux espérait que ça allait changer. C'est sur cet espoir, qu'il passa non loin d'où Clochette se trouvait, pour les travaux. Il vit une lumière, qui filtrait à travers la porte, il s'en approcha et à l'aide de ses jambes, il ouvrit la porte, ses bras étant maintenant des ailes, qui le maintenaient dans les airs. Quelle ne fut sa surprise de constater que Clochette possédait des ailes ! De magnifiques ailes de fée ! Vivant avec un enchanteur, l'hibou s'y connaissait en magie et être magique.

« Parle barbe de Merlin ! Vous êtes une fée ! C'est merveilleux ! Moi, qui pensais que vous n'étiez qu'une banale humaine ! Si Merlin vous voyez ! »

Archimède était heureux de découvrir que sa colocataire était en réalité une fée et pas une humaine. Bien qu'il avait été transformé par il ne savait quelle malédiction ou sortilège, il détestait toujours autant les humains. Cette aversion ne l'avait pas quittée, malgré qu'il en soit un. Après cette constatation sur l'état de Clochette, Archimède s'écarta de la porte pour laisser la fée sortir de la pièce et tous les deux, ensemble, ils volèrent dans la bibliothèque, heureux d'avoir retrouvé une partie d'eux.