Je détale dans les couloirs, profitant de ma nouvelle nature de cheval pour aller au galop, même si je dois ralentir de temps en temps pour ne pas trop distancer mes compagnons. Je crois que j’entends le lion se remettre un peu de son état de choc dans la pièce où nous sommes arrivés, ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’il nous rattrape. Finalement, alors qu’on arrive dans une nouvelle pièce, Peter nous interpelle et désigne une vitrine derrière laquelle se trouve un objet bien brillant. Je constate, un grand sourire aux lèvres, qu’il s’agit du dernier fragment. Enfin ! On est vraiment proches du but, maintenant. Tout ce qu’il nous reste à faire, c’est de le prendre. Mais comme dit Peter, ça risque d’être compliqué de le faire sans se faire prendre. Il y a un petit autocollant sur la vitre qui annonce qu’elle est sous alarme. Evidemment, parce que si c’était simple, ce ne serait pas drôle. Bon, mais cela dit, au point où on en est…

« Quoi qu’il arrive, on se fait prendre, non ? Le conservateur n’avait pas l’air très content de nous voir arriver par la fenêtre. Je propose qu’on casse la vitre, qu’on prenne le fragment et qu’on décampe vite. Pas d’objection ? »

Déjà, je commence à entendre des bruits de course dans le couloir. Le lion ne sait peut-être pas encore exactement où on se trouve, mais ça ne tardera pas. Or ce morceau de portail est la dernière chose qui nous manque pour rentrer chez nous. Je n’ai pas l’intention de laisser notre chance passer ; c’est maintenant ou jamais. Alors, ignorant l’autocollant sur la vitrine, je lève mon sabot et envoie un grand coup de patte dessus pour qu’elle explose en morceaux. Une sonnerie immonde et stridente retentit alors dans tout le musée, me brisant les tympans par la même occasion. Si on voulait être discrets, c’est fichu maintenant. Mais au moins, le fragment est à notre portée. Je le saisis en le coinçant entre mes sabots et c’est à ce moment là que je réalise quelque chose… Je crie par-dessus l’alarme pour demander aux deux autres :

« Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait des fragments ? »

C’est vrai, il est bien marrant avec son histoire de quête aux fragments, Louis, mais comment est-ce qu’on est supposés reformer le portail, maintenant ? J’avais supposé que la réponse viendrait une fois qu’on aurait récupéré le troisième morceau, mais ce n’est visiblement pas si évident. Est-ce qu’on doit les réunir, ou les assembler d’une certaine manière ? Si c’est le cas, on risque de se faire attraper entre-temps, l’alarme a dû avertir beaucoup de monde, il vaut mieux trouver un moyen de sortir d’ici au plus vite avant que l’on nous encercle.

Je fixe le morceau de portail que je viens de récupérer avec beaucoup d’intensité, espérant y trouver un indice, quelque chose me permettant de comprendre comment l’utiliser pour créer le portail. Dans certainement moins d’une minute, quelqu’un viendrait nous trouver dans cette pièce, et si nous n’avons pas disparu d’ici là, nous sommes bons pour la case prison. Or, j’aime autant vous dire que je n’ai absolument pas envie de rester coincé derrière des barreaux dans un monde rempli d’animaux, surtout après avoir été aussi près du but. Puisque finalement, je ne vois rien sur le fragment qui puisse nous aider, je commence à me préparer à prendre la poudre d’escampette, quand j’entends Peter au-dessus de la sonnette d’alarme qui nous propose d’assembler les trois morceaux que nous avons récupérés au cours de l’aventure. Ça, c’est une bonne idée ! J’avance expressément mon fragment vers le crocodile et l’écureuil, qui sortent tour à tour le leur. Immédiatement, mon cristal fuit mes sabots pour venir se coller aux deux autres et je les regarde avec émerveillement fusionner ensemble. Comme par magie, un portail apparaît à l’endroit où ils étaient. On a réussi ! On va enfin pouvoir rentrer chez nous. Quelle aventure ! Alors que le portail termine de se former, je salue mes compagnons d’aventure :

« Il n’y a pas de temps à perdre, au revoir chers amis, au plaisir de se retrouver un jour prochain ! Tant que j’y pense, mon numéro est le 555- »

Je n’ai pas le temps de finir de citer les chiffres de mon numéro de téléphone, car je me sens emporté de force vers le portail magiquement créé, aspiré comme une poussière dans un aspirateur. J’ai seulement le temps de voir le lion apparaître dans l’encadrement de la porte de la pièce du musée avant que tout change autour de moi. La galerie disparaît pour laisser place au sous-sol bien connu du bar de Timon. Surpris, ne m’étant certainement pas attendu à traverser le portail de force sans prévenir, je regarde par réflexe autour de moi pour vérifier que mes deux amis ont suivi, mais je constate avec dépit que je suis tout seul. Sans doute ont-ils été envoyés autre part, probablement à Londres et à Paris, d’où ils sont venus. Je suis un peu déçu, mais j’espère qu’on se reverra un jour. Ce n’est vraiment pas de chance de ne même pas avoir pu s’échanger nos numéros de téléphone. Enfin, au moins, je suis de retour à New York, et bien humain, il faut voir le côté positif des choses ! C’était quand même une sacrée aventure, j’ai hâte de la raconter à tous ceux que je croise, puisque tout le monde raffole généralement de mes histoires. Un nouveau sourire aux lèvres, je bombe le torse et monte l’escalier du bar, fier de moi. Tant qu’à faire, je me prendrais bien une bonne pinte de bière, pour fêter ça.