Depuis sa résolution, Achille s'évertue à être un bon élève, un garçon travailleur qui se donne la peine de réussir. Cela a créé chez le garçon une curiosité pour le monde qu'il ne lit qu'à travers les livres. Car en effet, malgré sa curiosité, Achille n'aime pas bouger de chez lui, il n'a plus envie de vivre des aventures préférant se rassurant en pensant qu'il reverrait les mêmes recoins durant le restant de ses jours. Quand il était à l'école, il était même le fayot qui n'hésitait pas à s'opposer aux perturbateurs qui essayaient d'entraîner avec eux les plus faibles. Cela a fait naître en lui cette envie de défendre les plus démunis face au monde qui les entoure. Travailleur acharné, il ne souhaite jamais bâclé ne s'arrêtant pas tant qu'il n'est pas essoufflé par son travail. Il dort peu, ne prend pas soin de lui, ne se préoccupe pas du plaisir, son seul souhait est de rendre fier ceux qu'il considère soit son père, son professeur et enfin l'antiquaire pour qui il travail. Autrement, il regarde tout inconnu avec un regard méfiant et il n'hésite pas à se montrer sec envers ceux qui l'abordent. Il se sait peu observateur, il n'a pas confiance en son jugement donc même s'il perçoit de la sympathie chez un homme, il évite de faire durer les conversations pour éviter de nouveaux problèmes. Il n'y a pas à dire, Achille n'est pas le pinocchio dont les aventures sont narrées, il en est sorti transformé, il n'est plus aussi naïf, il n'est plus autant enfantin que le pantin qui s'est retrouvé dans l'estomac de la baleine. Il est à présent terre à terre, pessimiste, réfléchi et prudent, il s'est promis qu'on ne l'y reprendra pas une seconde fois surtout dans une ville où l'on boit autant d'alcool. Enfin, en accumulant le stress et la fatigue, Achille s'est imaginé la capacité de parler aux pantins qu'il déteste puis s'est imaginé un narrateur qui décrit ses moindres actions et pensées à la troisième personne. Celui-ci, il a tendance à l'agacer.

Tout le monde connaît l'histoire du pantin devenu un garçon. Cependant tout le monde ignore la suite des aventures du héros. Pour la simple et bonne raison que ce dernier n'en a plus jamais eu. Il faut le dire, suivre deux inconnus, devenir le pantin d'un artiste raté, se transformer en âne dans une fête foraine flippante avant d'être avaler par une baleine n'a pas laissé de bons souvenirs. Le jeune garçon s'est donc appliqué à suivre les bonne résolutions qui a conclu son histoire c'est à dire rendre fier son papa. Il commença alors par l'école, il était devenu un bon élève à la fois appliqué et passionné par les cours. Toujours le premier assis sur les bancs de l'école, le dernier à quitter la salle quand la cloche sonne, Pinocchio était le chouchou des profs. L'un deux avait même fait marcher ses contacts pour lui trouver une place dans une université où il pourrait suivre le droit. Cependant à côté de ses études, Pinocchio s'est évertué à faire fonctionner la boutique de son père. Ce dernier travaillait comme un forçat pour lui payer des affaires neuves dès qu'il grandissait alors Pinocchio voulait le soulager de certaines tâches. Chose imprévue, il était un bien meilleur ébéniste que son père. Ce don incroyable attira bientôt les foules qui venaient acheter les meubles de l'ancien pantin. Ce dernier d'ailleurs refusait de créer d'autres marionnettes, celles-ci lui rappelant son aventure désastreuse. Alors un choix cornélien s'adressa au jeune garçon : Devait-il aller à l'université pour rendre fier son père qui souhaitait le voir continuer ses études ou devait-il rester pour aider ce dernier qui, avec l'âge avait plus de mal à mener certaines tâches à bien. Après mure réflexion qui dura plusieurs mois, Pinocchio décida de rester chez lui. Il en profitait pour faire perdurer le commerce familial tout en donnant des cours aux enfants de l'orphelinat car la dernière chose qu'il souhaitait c'était de voir l'un d'eux partir pour l'île du plaisir qui malgré tout persistait. Un an plus tard, son père mourût. Un drame pour Pinocchio qui enchaînait les heures pour tenir son commerce tout en donnant des cours. Fatigué, le garçon ne s'offrait aucune pause. Pas même pour sortir dans la rue les jours de fêtes, encore plus qu'il savait que l'alcool coulait à flot ces jours-là. Depuis son excursion dans l'île des plaisirs, courte mais intense, Pinocchio luttait contre son envie de boire une nouvelle goutte d'alcool, sans doute la peur de se voir de nouveau transformé en âne.
Les longues journées continuaient pendant encore trois ans pour Pinocchio qui un jour, après une courte nuit se réveilla dans une ville qui lui était inconnue.

Sa nouvelle était des plus désagréables pour l'ancien pantin. Prenant le nom d'Achille Lupi en l'honneur à son professeur, il devait sans cesse lutter contre les plaisirs qui s'offraient à lui notamment l'alcool qui coulait à flot partout où il regardait. Sans oublier ces inconnus dont il s'inquiétait sans cesse, peut-être l'un d'eux pourrait l'enlever ou peut-être le persuaderait-il de le suivre. Par chance, il avait fait la rencontre d'un vieil homme qui lui rappela aussitôt son père. Ce dernier ayant apprécié leur rencontre l'embaucha pour travailler dans son commerce d'antiquaire. Voyant que le jeune Lupi se débrouillait bien avec le bois, il lui assigna la réparation de vieux objets qui commençaient à tomber en friche. Une aubaine pour le nouvel arrivant qui pouvait passer le temps qu'il souhaitait à travailler dans la boutique. Il arrivait tôt et repartait après les premiers tintements de minuit, s'offrant à de rares occasions des pauses pour aller manger ou pour fumer. Parce que oui, le stress et la fatigue se combinant, le brun n'avait rien trouvé d'autre que les cigarettes qui pourtant le répugnaient presque autant que l'alcool. Malgré tout rien n'y faisait, la fatigue et le stress le poussèrent vers la folie. Cela avait commencé lorsqu'il réparait un pantin. Cela l'effrayait mais il n'avait pas d'autres choix. Il venait à peine de la terminer quand il entendit un "merci". Inquiet qu'un inconnu soit rentré dans le magasin, il avait cherché partout pour voir qui était son mystérieux interlocuteur. Personne. Se tournant vers le pantin, il s'est agenouillé pour le regarder dans les yeux, ce dernier le fixait bêtement.
_C'est toi qui m'a parlé, lui demanda-t-il sans conviction.
_Oui, avait simplement répondu le pantin.
Dès lors, il lui semblait sûr qu'il pouvait parler aux pantins. Plus tard, s'enfonçant d'avantage dans la folie, il accepta le fait qu'il pouvait également parler à son narrateur qui l'agaçait sérieusement.