Madeline était contrariée. Au fond d’elle, elle espérait qu’en se réveillant ce matin-là elle serait de retour dans son monde, ou à Canardville. Stupide magie qu’elle ne contrôlait pas. C’était quand même incroyable, en tant que plus grande magicienne et sorcière qui existe, on pourrait croire qu’elle serait immunisée envers tous les sortilèges du type, mais non, ça ne faisait pas une, ni deux, mais trois fois qu’elle voyageait dans un autre royaume contre son gré ! Elle regrettait de ne pas avoir étudié ce type de magie avec Magica. A elles deux elles auraient sûrement pu le maîtriser et ne se seraient pas retrouvées dans cette situation. Le souci étant que, quand elles ont arrêté de se battre assez longtemps pour collaborer, Mad n’avait plus aucune envie de quitter son vilain petit canard.

Bref. La merveilleuse Madame Mim n’avait aucune envie de ressasser ce genre de pensées. Elle était déjà assez contrariée comme ça. En plus, un grand soleil brillait dehors et ça aussi, ça avait le don de l’énerver. Vraiment, rien n’allait dans son sens aujourd’hui. Cependant, elle avait bon espoir de pouvoir changer ça. Elle avait harcelé sa nouvelle connaissance de question. Maui n’avait cependant pas été d’une grande aide pour être honnête. Il ne savait même pas où trouver l’herboriste le plus proche ! Et ce n’était pas la peine d’essayer de récolter des ingrédients sois même, c’était sûrement comme chez les canards où il n’y avait pas de forêt aux alentours.

La sorcière n’était pas sûre d’apprécier le demi-dieu, c’était un homme pour commencer, ce qui est un défaut, mais en plus son utilité était plutôt limitée. Certes, il lui avait fourni un lieu où dormir, mais ses réponses à ses questions étaient désespérantes. Il ne lui était d’aucune aide ! Mais Madeline devait s'efforcer de rester calme, sa situation était trop délicate pour risquer de brûler cette carte. Elle était sûre de pouvoir se débrouiller sans lui, mais quelque chose lui donnait l’impression qu’elle loupait quelque chose et voulait savoir pourquoi. Sans compter qu’il y avait la jeune fille avec qui elle partageait sa chambre. Madeline l’appréciait, elle avait l’air triste. Elle espérait la voir pleurer. Mais ce n’est pas le sujet, Maui n’était pas complètement inutile, il lui avait donné la direction d’un “ bar “ où se rendre. Il ne lui avait pas dit pourquoi, mais lui avait donné une espèce de code secret… “ Yolo “.

Du moins, Madeline supposait que c’était ça. Mais qu’est-ce que ça pouvait être d’autre ? C’était forcément un mot de passe. Ca aurait pu être une incantation quelconque, mais elle ne la connaissait pas et elle doutait qu’il connaisse la magie. Les hommes faisaient de très mauvais magiciens de toute façon. Bon, pour l’instant, Madame Mim ne contrôlait pas sa magie non plus, elle avait à peine réussi à transformer son visage après plusieurs essais devant un miroir, mais ça n’avait rien à voir. Rien à voir du tout. Non. Bref. Elle était arrivée devant le bar de toute façon, et y pénétra sans hésiter.

Quel endroit déplaisant. Mad comprit que c’était supposée être une taverne, mais c’était une taverne très… Étrange. Pas du tout à son goût. Mais elle n'eut pas vraiment le temps d’observer la décoration avant que son attention soit attirée par le serveur qui se cacha sous le bar avec précipitation. La vieille femme haussa un sourcil, qu’est ce qu’il était en train de faire celui-là ? Étais-ce à lui qu’elle devait donner le mot de passe ? Il faudrait qu’il sorte de là avant elle n’allait pas non plus aller le chercher. Le tavernier se redressa, et l'intérêt de Mad s’enflamma instantanément : Il avait l’air nerveux. Peut-être même… Effrayée ? Elle n’était pas sûre d’elle, mais elle savait que c’était prometteur. C’était pile ce dont elle avait besoin : une proie facile. Le regard brillant, elle se mordit la lèvre, jubilant d’avance l’espace d’une seconde.

Mais, assez vite, elle se reprit. Non, elle devait rester calme et la jouer fine. Si elle était censée lui donner un code secret, c’est qu’il avait certainement son importance. Et on ne casse pas ses jouets avant d’en avoir pleinement tiré profit. De toute façon, l’entendre l’appeler “ Mademoiselle “ avait amoindri sa nouvelle bonne humeur. Comment ça Mademoiselle ? Elle avait clairement passé l’âge de se faire infantiliser de la sorte ! Non mais franchement. Elle ne put s’empêcher de le corriger.

« - Madame. »

Elle s’approcha de lui d’un pas léger mais déterminé, tel un chat s’approchant d’une souris avant de s’asseoir sur un des tabourets devant le comptoir. Elle passa la main dans ses cheveux avant de sourire au tavernier, sûrement d’une façon plus menaçante que ce qu’elle espérait. Elle n’arrivait pas à s’en empêcher, elle était trop excitée à l’idée de lui faire peur dès maintenant, même si elle savait que ce n’était pas la bonne chose à faire. D’un air nonchalant, elle prit la parole.

« Je vais vous prendre un… Yolo. À mettre sur l’ardoise de Maui s’il vous plait. »

Elle était très sûre d’elle, et impatiente de voir ce que ce mot magique allait débloquer pour elle.

Mim ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. Nianiania, on n’utilise plus l’ardoise depuis bien longtemps, blablabla. Ah, les jeunes et leur pseudo progrès ! Ce genre de situation lui était souvent arrivé chez les canards, elle pouvait presque dire qu’elle avait l’habitude de se retrouver dans des endroits où les us et coutumes lui étaient inconnus, mais tout de même, ça ne manquait jamais de l’agacer. Il pouvait tout de même faire un effort, il avait visiblement compris de quoi elle parlait ! Quel besoin y avait-il à la contrarier de la sorte ? Aucun. L’impolitesse des nouvelles générations, franchement…

Et puis évidemment qu’elle n’était pas d’ici, sinon elle ne se serait pas retrouvé dans cet endroit parfaitement… Elle n’avait même pas les mots. Mais elle était persuadée qu’elle aurait trouvé de bien meilleures adresses, ou au moins un bar moins nul que celui-là ! Et toc ! Bref, ce n’était pas le moment d’être puéril, mais d’écouter ce que lui disait l’homme en face d’elle. Comment ça, yolo n’était pas un code secret ?! Les ongles de Mad raclèrent le comptoir pendant que sa main se crispait en un poing. Imbécile de Maui. Elle était passée pour une idiote. Et elle détestait passer pour une idiote. Son regard se fit plus vicieux alors que l’idée de casser toutes les bouteilles derrière l’homme lui traversa l’esprit.

Ce serait facile, rapide. Le tavernier ne lui poserait sûrement pas trop de soucis, il avait l’air faible. Et elle n’oubliait pas la façon dont il s’était caché derrière le bar lorsqu’elle était entrée. Ce serait majestueux, elle pouvait déjà imaginer le feu d’artifice de verre et de liquide que ça serait. Elle pourrait même y ajouter un sortilège ou deux, le transformer en crapaud, et Maui aussi, au passage ! Ils seraient tous les deux bien plus mignons comme ça. S’ils étaient sages, elles les récupéreraient même pour s’en occuper, plutôt que de les laisser à leur sort ou de les dévorer… Après tout, Maui l’avait tout de même hébergé, ça serait sa façon de le remercier. Oui, c’était vraiment une bonne idée. Si ce n'est pour un tout petit détail…

Elle ne contrôlait plus vraiment sa magie. Et ça, ça rendait les choses plus compliquées. En plus, elle n’avait toujours rien appris sur ce monde, et visiblement, cet homme avait des réponses à lui donner. Enfin remarque, elle n’était pas sûre de toujours faire confiance au jugement de Maui… Surtout après qu’il l’ai envoyé se ridiculiser de la sorte ! Mais elle n’avait pas vraiment de meilleure piste à l’instant présent. Mh… Comment l'amener à parler ? Mad n’en avait aucune idée. Au final, elle n’était pas si douée que ça pour manipuler les gens, elle manquait cruellement de subtilité. Alors, certes, elle était arrivée à ses fins plusieurs fois en employant des moyens outrageux, mais c’était uniquement parce que certains hommes sont prêts à tout à la vue d’un joli décolleté.

Mais là, elle n’avait même pas surpris un petit regard furtif sur son corps. Soit il n’aimait pas les femmes, soit il était plus intelligent que la plupart de ses confrères. Dans tous les cas, c’était quelque chose que Mim pouvait respecter. Mais ça ne l’aidait pas à résoudre son problème, au contraire. Et il fallait qu’elle dise quelque chose avant qu’un silence gênant ne s’installe. Elle cligna des yeux avant de reprendre son plus beau sourire et se pencha vers lui. Puisque la réflexion ne lui était d’aucune aide, elle décida de simplement répondre ce qui lui passait par la tête.

« Je ne suis pas d’ici non, je viens du royaume de Bretagne ! Mais j’ai aussi fait un séjour à Canardville, vous connaissez ? Non, bien sûr que non, je doute qu’un endroit comme celui-ci connaisse Canardville… Mais soit. Tant pis pour vous ! Ou pour moi… »

Elle n’était pas vraiment sûre de qui était le plus à plaindre dans cette histoire, en effet.

« Je vais vous prendre une cervoise dans ce cas. Oh, et votre nom aussi ! Maui n’a pas semblé utile de me dire à qui je devais m’adresser… Si ça se trouve, ce n’est même pas à vous ! »

Avant même de lui laisser le temps de répondre, elle décida de se présenter elle-même. Et comme elle estimait que le faire simplement depuis son tabouret n’était pas assez grandiose, elle décida de grimper sur le comptoir pour faire son habituelle révérence.

« Pour ma part, vous pouvez m’appeler la merveilleuse où l’incroyable Madame Mim ! »

Elle avait peut-être perdu sa magie, mais certainement pas son sens du spectacle.

Mais quel rabat-joie. Mim fit la moue tout en plissant des yeux. La moindre des choses, quand quelqu’un vous faisait une spectacle, c’était d’apprécier ! Est ce que c’était trop demander que de vouloir au moins quelques applaudissements ? Mais non, au lieu de ça, ce “ Timon “ - qu’est ce que c’était que ça pour un nom - l'interrompit et lui demanda de descendre du bar ! Quel malotru, vraiment. Il mériterait qu’elle mette un coup de pied dans le verre qu’il venait de lui servir. Surtout que ce n’était même pas ce qu’elle avait commandé ! Gniagniagnia la descendante de la cervoise, bah non ! Une cervoise, c’est une cervoise et une “ bière “, c’est une bière ! Non mais et puis quoi encore. Ah la la, les jeunes…

Mais Madeline était quelqu’un de polie, elle. Alors, au lieu de s’énerver, elle s’inclina et descendit en sautant, avec assez peu de grâce, mais beaucoup d’énergie, du bar. Voilà, ce n’était pas compliqué d’être un peu conciliant. Il pourrait faire un effort ! Ah la la, c’était toujours à elle d’être l’adulte de la situation. Tss. Les hommes. En plus, il partit, sous prétexte qu’il avait faim ! Vraiment, Mad trouvait ses manières déplorables. On abandonne pas son poste comme ça ! N’importe qui pourrait piller le coffre ou tout casser pendant son absence !

Heureusement que la sorcière n’était pas comme ça… Non, vraiment, elle n’était pas comme ça. Même si ce n’était pas l’envie qui manquait, elle resta sagement assise sur son tabouret. Elle attrapa son verre et le renifla d’un air suspicieux. Déjà, c’était servi dans un verre, et même pas dans une chope. Comme les boissons chez les canards… Décidément, tout dans ce monde lui rappelait son passage à Canardville et Magi… Non, rien. Elle décida instantanément de penser à autre chose et ce fut la motivation qu’il lui fallait pour avaler une grande gorgée de sa boisson.

C’était… Désagréable. Pas parce que la boisson était mauvaise, non, au contraire. Elle était meilleure que les cervoises dont elle avait l’habitude, c’était désagréable parce que du coup, Mad n’avait aucune raison de raler. Pire, elle avait même eu tort de protester contre ce changement de boisson plus tôt, puisque c’était clairement à son avantage… Qu'à cela ne tienne, ce n’était pas son problème. Les gens n’avaient pas besoin de le savoir ça. Elle décida que si on lui posait la question, elle râlerait tout de même et prétendrait que cette boisson était vraiment imbuvable. Bien sûr, elle comptait tout de même finir son verre…

La magnifique Madame Mim releva la tête quand elle entendit Timon arriver avec… Quelque chose d’absolument dégoûtant. Ewh, qu’est ce que c’était que ça ? Ça ressemblait à des oeufs, mais dans quoi ? Elle n’en avait aucune idée, en tout cas, ça avait l’air répugnant et elle refusait d’y toucher. Et pourtant, elle adorait les choses répugnantes. Elle devait avouer qu’elle avait un petit faible pour ce qui était dégoûtant, qui ne faisait pas envie, mais là… Même pour elle, c’était trop. Dans une potion pourquoi pas, mais là comme ça… L’homme en face d’elle remontait dans son estime, il ne devait craindre rien ni personne s’il avalait ça, finalement. Ca changeait de son comportement plus tôt…


-Servez-vous si vous en voulez. Alors Madame Min, vous êtes ici depuis longtemps ? Maui voulait que vous me parliez, mais il vous a dit pourquoi? Ou peut-être que le connaissant, je devrais plutôt vous demander ce qu’il vous a appris jusqu’à maintenant ?

Mad se crispa.

« - Mim. L’incroyable Madame Mim. Allez-y, réessayez, je suis sure que vous pouvez réussir ! »


Les lèvres de Mim se fendirent d'un sourire quelque peu menançant mais elle n’attendit pas qu’il se corrige pour continuer, elle avait déjà oublié cet affront et semblait plus détendue. On parlait d’elle, ça l’intéressait. En plus, c’était une question à laquelle il était plutôt simple de répondre.


« Quand à ce que Maui m’a dit… Et bien pas grand chose, je dois l’avouer. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir posé des questions ! Mais il s’est contenté de m’ignorer, entre vous et moi, je me demande s’il n’est pas un peu simplet. La plupart des choses que je lui ai demandées étaient simples… Mais non, depuis que je suis arrivée hier, il ne m’a rien dit d’utile ! Mis à part que je pouvais vous trouver ici, bien sûr. Je suppose que vous devez être quelqu'un de très important, vu la façon dont il m'a parlé de vous !»

Un peu de flatterie ne pouvait pas faire de mal, c'était un homme après tout.

C’était… Beaucoup d’informations.

L’esprit de Mad filait à toute vitesse, elle essayait donc de se faire une liste mentale de tout ce que le tavernier venait de lui dire. Se réveiller dans un monde inconnu arrivait donc à beaucoup de gens, pas seulement à elle… Lui ça lui était arrivé il y a 8 ans… Est ce que ça coïncidait avec l’époque où elle s’était réveillée à Canardville ? Elle n’en avait aucune idée, Madame Mim avait une très, très mauvaise notion du temps. Elle était incapable de dire si elle était retournée en Bretagne il y a un an ou deux mois par exemple, c’était sûrement dû à son grand âge ! Au moins, elle s’en sortait mieux à court terme, elle savait qu’elle était arrivée à New York hier. … Où était-ce avant-hier ? Merde.

Bref, ce n’était pas le moment de se laisser distraire. Il fallait qu’elle se concentre sur cette histoire de magie. C’était donc pour ça qu’elle n’arrivait plus à maîtriser la sienne comme avant, c’était à cause de ce monde… Décidément, tout était nul ici ! Il fallait absolument reconstituer ce livre ! Comme ça, elle pourrait utiliser sa magie, apprendre celle du voyage entre les mondes, aller chercher Magica et vivre des tas d’aventures entre les mondes ! Oui, c’était un très bon plan.

Elle n’était pas très préoccupée par cette histoire de chasseurs, ce n’était que des hommes après tout. Elle était sûre qu’ils ne poseraient pas trop de problèmes, elle n’avait pas peur. Certes, elle avait remarqué la tristesse sur le visage du jeune homme en face d’elle, mais la sorcière était trop égoïste pour s’en préoccuper. Elle était trop sûre d’elle pour avoir peur, et de toute façon, elle n’avait pas spécialement de vie à briser. C’était l’un des avantages à être seule, elle n’avait pas grand chose à perdre. Surtout maintenant qu’elle était arrivée dans un autre monde sans rien d’autre que les vêtements qu’elle portait.

Mais sans sa magie… Ça restait tout de même compliqué, même si elle ne voulait pas se l’avouer. Mais il lui restait tout de même ses connaissances ! Peut-être qu’elle pourrait réussir à détourner la magie de ces portails pour pouvoir rentrer chez elle ! Bien sûr qu’en 8 ans des gens avaient déjà essayés de faire ça, mais ce n’était pas important. S'ils avaient échoué, ce ne serait pas son cas, après tout, elle était la meilleure sorcière de tous les temps ! Mais ce serait plus simple avec sa magie… Bon, et bien il suffisait d’aller la récupérer !

Un afflux d’énergie envahis le corps de Mim, qui avala sa bière d’une traite - vraiment, c’était meilleure que la cervoise - et retroussa ses manches avant de grimper une nouvelle fois sur le bar, même si cette fois elle se contenta d’y rester à genoux pour se pencher vers son interlocuteur.

« Et on la trouve où cette Narissa ? Moi les sorcières, j’en fais mon affaire ! Ne vous en faites pas, grâce à moi, tous vos soucis seront réglés, la grande Madame Mim est arrivée ! »

Elle fit une nouvelle courbette après s’être présentée pour la, à peux prêt, 48ème fois, elle attrapa quelques cubes de fromages pour les manger.

« Normalement je ne travaille pas avec les hommes, mais pour une fois je peux faire une exception, vous pourriez m’être utile. »

Un appât, c’était toujours bon à prendre.

« C’est loin ? En temps normal, j’aurais pu nous y emmener en volant, mais là, j’ai bien peur qu'il va nous falloir marcher. Oh, sauf si vous avez l’un de ces trucs qui volent, comme chez les canards ! »

« -Vous êtes pas bien?!  »

Mad se figea, reportant toute son attention sur l’homme en face d’elle. Son cri eu le mérite de l’interpeller. C’est qu’il reprenait du poil de la bête ! Il n’avait presque plus l’air de la souris apeurée de quand elle était arrivée. Si la sorcière n’était pas aussi interloquée par ces histoires de magies, portails et rivales, elle en aurait presque été déçue. Comment ça, elle, elle aurait tout ses pouvoirs ?! Il venait juste de lui dire qu’il n’y avait plus de magie ! C’est injuste ! Depuis qu’elle était ici Mag avait à peine réussi à faire faner une pauvre petite fleur et l’autre grognasse avait eu le droit de garder tous ces pouvoirs ? Non, ce n’était pas juste. Madame Mim voulait parler à la personne en charge de tout ce bazar !

Mais pour le moment, elle n’avait pas mieux que Timon pour occuper ce rôle, alors elle se contenta de sagement l’écouter la décourager. Les genoux douloureux, elle décida de plutôt s’asseoir en tailleur, toujours sur le bar, en grignotant des cubes de fromage. Tout ce charabia sur les avions, les visas, tous ces mots qu’elle ne connaissait pas commençait à l’agacer sérieusement. Pourquoi est ce que les hommes se sentent obligés de toujours tout compliquer ? Sa solution à elle était bien plus simple ! Si un de ces avions était trop cher, ils n’avaient qu’à en voler un ! Ca ne devait pas être bien dur. Magica et elle l’avaient déjà fait ! Et ça c’était très bien passé.

La confiance en elle n’était clairement pas quelque chose qui faisait défaut à la sorcière, surtout après avoir bu son verre d’une traite. Certes, ce n’était pas très fort, mais elle était sûrement en train de sous-estimer la résistance à l’alcool de sa nouvelle corpulence. Mais que cela ne tienne, elle était déjà en train d’attraper une nouvelle bouteille située derrière le bar. Mim ne se préoccupait très clairement pas des politesses d’usages. Par contre, elle se préoccupait de comment elle allait ouvrir cette chose. Le petit bout de métal était bien accroché à la bouteille, elle se coupa même légèrement la main en essayant de le retirer.

Pas grave, il y avait plus important. Comme ce qu’était un hôpital psychiatrique ? Elle n’en avait aucune idée. Par contre, la prison et l’enfermement, ça, ça lui parlait. Et par déduction, ça n’augurait rien de bon. Pour un homme, il était plutôt malin. C’est vrai que ce n’était pas dans son intérêt de se faire emprisonner… Elle ne pourrait pas s’échapper si facilement. Oh, elle pourrait sûrement séduire le geôlier, mais c’était beaucoup de travail… Elle n’avait pas très très envie de faire ça si elle pouvait l’éviter. Et puis bon, c’était une fierté de la vieille femme de ne jamais avoir été en prison, elle comptait bien que ça reste comme ça ! Madeline soupira et grimaça.

« D’accord, mais qu’est ce qu’on fait dans ce cas ? Ne vous méprenez pas, ce n’est pas mon genre de demander à un homme ce que je dois faire, mais là, je suis à court d’idées ! Vous ne savez pas où ils sont, même si vous le saviez, ce serait trop loin ou trop cher - Même si, vous savez, je trouve que ça, c’est une très mauvaise excuse, de l’or ça ne se trouve pas si difficilement ! Qu’est-ce que je disais ? Oui, donc, vous cherchez des excuses, vous avez juste peur en fait ! »

Madeline agita sa bouteille devant le tavernier.

« Comment j’ouvre ça ? Et qu’est-ce qu’ils vous ont fait de si terrible pour vous en ayez aussi peur, hein ? Quelque chose d’horrible ? Racontez-moi, j’espère qu’il y a de la torture dans votre histoire ! »

Elle se pencha vers lui, sincèrement impatiente d’entendre ce qu’il pourrait bien lui raconter. Bien sûr, à aucun moment, ça ne lui était venu à l’esprit que si des choses horribles lui étaient arrivées, il n’allait pas forcément se confier à la première venue. Mais qui ne tente rien n’a rien ! Elle mourrait d’envie d’entendre une histoire sordide.

Une chose est sûre au sujet de Madame Mim, la patience n’est pas son fort. Alors, quand le tavernier lui annonça que son plan c’était d’attendre, d’apprendre et de se renseigner, ce n’était clairement pas une réponse qui la satisfaisait. Il était obsédé par la prison en plus celui là ! Et puis par l’argent aussi. Comment ça ils ne fonctionnaient pas avec de l’or ?! La sorcière se demanda s’ils étaient retournés au système de troc, mais vraiment, ça lui semblait très peu commode et compliqué pour rien. C’était si arriéré ! Certes, ça pouvait dépanner de temps à autre, mais sur le long terme... Vraiment, les pièces d'or c’était bien plus pratique et civilisé.
Par contre, nettoyer sa coupure ce n’était effectivement pas bête. Elle avait déjà vu des gens mourir d’une vilaine coupure ! Instinctivement, Mad marmonna un petit « Zim Zalam Zim » avant de se lecher la main sans retenue. Ce qui n’ammena à… Rien. Bien évidemment. Pas de magie, c’est vrai. Elle soupira, levant les yeux aux ciel et s'apprêtait à se laisser tomber en arrière de façon théâtrale - sans se préoccuper du fait qu’elle allait tout bonnement tomber par terre, si elle faisait ça - mais faut interpeller par la phrase du tavernier.

« - Oui. Il y a de la torture. »

La sorcière écarquilla les yeux et se pencha vers l’homme, tapant dans ses mains de joie, attentive. Une histoire avec de la torture, c’en est toujours une bonne ! Elle était impatiente de l’écouter ! Bon, un début un peu banal et ennuyeux, des disparitions, des chevaliers qui vont secourir les victimes, blablabla… Ah, enfin, la torture ! Là, ça devenait intéressant ! Au nom de la science ? Bon, finalement rien de nouveau, dans son monde aussi, on torturait au nom de la science, on appelait ça de la médecine… Peut-être que ce monde n’était pas aussi avancé qu’il prétendait l’être…

Mad grimaça lorsqu’il évoqua l’idée que ce soit elle qui soit torturée. Elle regarda, un peu piteuse, sa main toujours ensanglantée. C’est vrai qu’elle ne pouvait pas vraiment se défendre dans cet état-là… La sorcière n’aimait plus vraiment cette histoire, finalement. La mention d’une famille qui part la fit se mordre la lèvre. Ce qui se rapprochait le plus d’une famille pour elle c’était sûrement Magica et son stupide corbeau de frère, et elle donnerait tout pour les retrouver. Vraiment nulle, cette histoire…

Madame Mim pivota sur le bar pour mieux s’allonger dessus, les jambes toujours croisées, posant en équilibre sa bouteille de bière sur son front. Elle soupira, ne sachant même pas comment continuer la conversation, ce qui ne fit que la frustrer. Même si elle trouvait plaisir et réconfort dans les choses horribles qui arrivent aux autres, c’était bien plus facile quand c’était elle qui les infligeait aux autres ! Là, alors que c’était elle qui était dans une situation à risque, ça ne l’amusait plus du tout…

« Moui, j’ai déjà entendu de meilleures histoires… »

La sorcière récupéra sa bière et se redressa pour l’avaler d’une traite. Elle fit face à l’homme en face d’elle.


« Okay, donc aller se battre contre l’autre sorcière ou des chasseurs c’est non, j’ai bien compris… Mais du coup, on fait quoi pour s’amuser dans ce monde ? Parce que là mon vieux, t’as l’air d’en avoir encore plus besoin que moi. »

Changement radical de sujet, oui. Mais elle avait oublié toutes les autres questions qu’elle voulait lui poser et ne voyait plus aucun intérêt à continuer dans ce sens-là. Même lui faire peur ne semblait plus si attrayant que ça, il avait déjà l’air si misérable. Elle n’aimait pas taper les hommes à terre. Peut être qu’une fois que son moral serait remonté, par contre… Il fallait avouer que la sorcière changeait très rapidemment d'avis, surtout avec l'alcool qui commençait à lui chauffer les joues.

Madeline soupira lourdement, mais envisagea d’obtempérer. Elle commençait à comprendre que sans sa magie, il y avait quelques habitudes qu’elle allait devoir changer. Se laver les mains ne serait sûrement pas une si mauvaise idée… Mais tout de même, c’était bien un truc de mauviette, ça. Magica et les autres canards insistaient beaucoup sur l’hygiène, alors que dans sa Bretagne, on ne s’en préoccupait pas tant que ça… Oui, elle prenait des bains de temps en temps, mais de là à le faire tous les jours et à se laver les mains… Très peu pour elle, elle préférait rester là sur son bar.

Elle était bien plus intéressée par l’idée de s’amuser, comme toujours. Boire, ça, elle connaissait. Avec des gens, un peu moins… Mais son attention fut très vite attirée par la télévision sur le mur. Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait ça, il y en avait une chez Maui. Madame Mim trouvait ça… Fascinant. Elle ne pouvait pas s’empêcher de la regarder, aspirée par l’histoire qui s’y déroulait. En entendant que cette histoire était plutôt destinée aux vieilles personnes, elle trouva ça plutôt approprié. Après tout, la sorcière n’était plus exactement dans la fleur de l’âge, et ça lui allait très bien comme ça.

Mais son coeur se brisa lorsqu’elle l’entendit dire qu’il ne savait plus comment s’amuser. Ça, c’était intolérable ! Normalement, ça amuserait plutôt la vieille pie qui adore se délecter du malheur des autres, mais là, elle voyait un intérêt à ne pas martyriser le tavernier. Visiblement, il contrôlait la magie des portails, si elle voulait les exploiter, voir peut être les étudier pour pouvoir retrouver Magica, elle allait devoir y mettre du sien. Ce qui, en l'occurrence, ne devrait pas être trop compliqué, elle lui faire retrouver son Papuma Ratata.

En plus, il n’était pas humain avant ! Il venait sûrement de Canardville alors, ils avaient donc un point commun ! Parfait. La sorcière sauta du bar et l’attrapa par le bras, pointant du doigt la sortie.

« Et bien dans ce cas-là, allons trouver ton Rakoula Palala ! De toute façon, ta taverne, elle est vide, elle peut se passer de toi pour l’instant, allez hop ! »

Elle tourna la tête vers lui.

« Moi les canards, ça me connaît bien, tu sais, j’ai vécu un moment dans votre ville, et je suis sûre que la vie là-bas n’y était pas si différente ! Tu faisais quoi toi, à l’époque ? Tu as p’tet oublié comment faire, mais je suis sûre que tu peux te rappeler. Moi par exemple, j'adore faire pleurer des enfants, en leur volant leurs gouter par exemple ! Mais je suis ouverte à plein d'autre idée t'en fais pas. »