Bonjour ! Je suis Adam de la Halle, un humble ménestrel. J’ai raconté bon nombre d’histoires au cours de ma carrière… Mais celle de Robin des bois reste le plus grand mystère. Une légende à Nottingham, je vais vous raconter comment, du jour au lendemain, il disparut de la circulation.

C'était un jour clair et dégagé, l'un de ceux qu'on apprécie particulièrement lorsque l'on mène une vie calme et paisible - enfin, pas tout à fait ! Ces jeunes gens n’étaient jamais vraiment tranquilles, avec tous ces avis de recherches, ces arrestations hasardeuses, ces taxes toujours plus excessives pour les habitants du comté, et, surtout, les guerres et les croisades qui plongeaient le pays dans une incertitude constante. Depuis le départ de notre cher monarque, le prince Jean avait repris les rênes - et il n’était pas très populaire parmi le peuple. Et toutes ces histoires de politiques amenaient toujours plus d’injustices. Mais, pour Robin des Bois et ses compagnons, la vie était trop courte pour ne pas être pleinement vécue. Et quoi de plus important que la liberté pour laquelle ils se battaient sans cesse ? Plus malins que tous, ils n’avaient rien à craindre : aucun homme du shérif n’avait jamais trouvé leur cachette.

Les mains dans les poches, Robin des Bois avançait avec Petit Jean dans la forêt de Sherwood. Ils n’avaient aujourd’hui aucun projet et voulaient seulement profiter des beaux jours : ils étaient si rares, en Angleterre. Avec amusement, Robin des Bois donna un coup de coude à Petit Jean :

« Hé, Petit Jean, tu te souviens de notre rencontre ? »
Petit Jean se mit alors à rire.
« Comment, si je me souviens ! Je n’ai jamais rencontré un jeune renard plus téméraire que toi, ami Robin ! »


Robin éclata d’un rire franc et attrapa une branche en guise de fausse épée. Il la pointa en direction de son camarade.

« Les légendes déformeront sans doute toutes ces histoires de cap et d’épées, mais nous nous souviendrons toujours de l’alliance de Petit Jean et de Robin des Bois ! »
« Ha-ha ! Je te rappelle que tu as failli perdre ton combat contre moi, il n’y a pas de quoi se vanter ! »
« Mais j’ai gagné, n’est-ce pas là le principal ? »
« Ah, je ne sais pas, Robin… Parfois la victoire a un prix… »
« Oh, allons donc, te voilà philosophe ! Attention, la sagesse pourrait bien finir par te rendre ennuyeux, mon cher ami… » Lui dit-il avec malice. « En garde ! »

Robin, armé de sa branche, bondit en direction de son ami qui finit par obtempérer et se prêter au jeu. Il ramassa à son tour un bâton et, l’un contre l’autre, ils commencèrent à se chamailler, ponctuant leurs frappes d’éclats de rire.

Il vous faut savoir que leur rencontre avait eu lieu ici même, dans la forêt de Sherwood. A l’époque, ils étaient alors comme deux jeunes coqs de basse cours ; Petit Jean était le chef des Joyeux Compagnons et avait rencontré Robin alors que ce dernier souhaitait traverser le pont qui délimitait leur territoire, dans la forêt. Après un combat épique et mémorable, Robin avait fait mes preuves et gagné sa place parmi ceux qui, plus tard, deviendraient sa famille et son propre clan.


Le claquement de leurs fausses épées les conduisirent près d’une rivière dans laquelle Robin poussa son ami sans ménagement mais, entraîné par le jeu, il tomba dans l’eau à son tour et tous les deux se retrouvèrent face à face, trempés jusqu’aux os.

« Nous avons tous les deux perdu, cette fois ! » commenta Petit Jean avec malice en l’éclaboussant.
« D’accord, d’accord, je rends les armes contre toi ! »

Alors que les deux amis barbotaient dans l’eau et que Robin en profitait pour rincer son pelage roux, le sifflement d’une flèche retentit à leurs oreilles. Derrière les fourrets, se tenaient les hommes du shérif. D’un geste de la main, Robin fit signe à Petit Jean et tous deux filèrent parmi les arbres.

Cette course poursuite n’était pas solitaire. Tel était leur lot quotidien, une vie où ils risquaient sans cesse de se faire jeter en prison et pendus pour trahison envers la couronne. Robin n’était pas étranger aux fuites et aux dissimulation. Depuis son plus jeune âge, il avait appris à survivre de la sorte. Il en était allé de même lorsqu’il s’était épris de la nièce du Prince Jean : Belle Marianne. A l’époque, il n’était encore qu’un adolescent en proie aux émois de l’amour et de la passion. Combien de fois lui avait-il rendu visite en secret, se faufilant derrière la grille du château pour la courtiser ? Une histoire d’amour trop vite éteinte lorsque la Dame partit à Londres durant de très longues années.


Ils connaissaient l’endroit par cœur et savaient où et comment se diriger. Pendant un long moment ils tournèrent en rond pour semer la confusion dans l’esprit de leurs assaillants avant de grimper dans un chêne, ne laissant aucune trace de leur passage. Assis sur la plus grosse branche de l’arbre, Robin s’adossa contre le tronc de l’arbre. Son couvre-chef était transpercé d’une flèche qu’il retira, plus désolé pour l’état du tissu que pour le risque encouru pour sa vie.

La journée ne fut guère banale puisqu’ils détroussèrent par la suite le Prince Jean en personne, de sortie pour collecter les taxes mensuelles dans les environs. Un jeu de duperie et de tromperie habilement mené par les deux compères déguisés en innocentes voyantes. Le soir-même, ils riaient encore de leur bonne farce et, dès le lendemain, Robin commença à distribuer les sous volés aux habitants de Nottingham qui mourraient de faim, étouffés par la guerre et les taxes qui ne cessaient de grimper.

C’est à cette période que Robin des Bois disparut du jour au lendemain, ne laissant derrière lui aucune trace, sinon un espoir peu à peu disloqué… Ce qu’il est devenu ? Nul ne le sait. Mais une chose est sûre : l’attente du héros ronge ici tout le monde. Ses compagnons eurent beau le chercher partout et fouiller toutes les geôles du pays, nulle trace de Robin des Bois n’est, pour l’instant, réapparue …


« Et qu’est-ce que je vous serre ? » le jeune homme qui me fait face me regarde avec une forme de mépris et me commande un cocktail. Je ne dois pas correspondre au standing du service auquel il est habitué. Loin de me vexer, je lui adresse un sourire charmeur - l’un de mes petits secrets. Je dépose le verre devant lui et lui dresse un clin d’oeil. Il me paye et ne laisse, bien entendu, aucun pourboire. Peu importe, je me suis déjà servi dans son portefeuille sans même qu’il ne s’en rende compte - l’abruti. Mr. Stew, le sans-abris près de mon appartement temporaire, en aura, de toute façon, meilleure utilité que lui.

Cela fait maintenant un mois ou deux que je me suis réveillé ici. Je suis quelqu’un qui s’adapte très rapidement à son environnement mais… Je dois dire que j’ai tout d’abord eu du mal à m’y faire. Tout d’abord mon apparence très différente, humaine. Des gestes plus lourds et moins précis, un poids plus conséquent et une carrure changée. Il y a de quoi perturber le plus aguerri de tous les sages, croyez-moi ! Ensuite, cet endroit. Nous sommes à Londres, mais cette ville est loin de celle que j’ai un jour visitée, dans ma jeunesse. Elle a évolué en tous points, et je ne comprends pas encore tout. La liberté est plus restreinte, et tout s’enchaîne à une vitesse de damné.

Après de longues semaines à errer, j’ai pu en apprendre davantage et essaye maintenant de gagner quelques sous pour survivre et en apprendre plus. J’ai besoin de savoir ce qu’il se passe exactement, où sont passés mes compagnons, et comment revenir de là d’où je viens. Bien entendu, cet endroit semble aussi avoir son lot de difficultés. J’imagine que je pourrais rester un peu, ne serait-ce que pour filer un coup de patte - heu, de main.

Je compte bientôt aller faire un tour au port, et espère trouver de quoi embarquer ailleurs. C’est auprès des marins qu’on a souvent le plus d’informations, non ? Enfin, je ne me fais pas trop de soucis : je saurais m’en sortir. Ce n’est pas pour moi que je m’inquiète, mais pour ceux que j’ai laissé derrière… Foutu complexe du héros, hein ? Je ne voudrais pas qu'ils pensent que je les ai lâchement abandonnés.