Wendy adorait travailler à La Plume Magique. Parcourir les rayons de la bibliothèque, vérifier la bonne disposition des livres, recevoir de nouvelles commandes, répertorier les ouvrages, passer la journée entourée de manuels et de romans de toute sorte, là était son véritable bonheur. Mais ce n’était pas tout, puisqu’il s’agissait également d’un lieu très spécial, cachant dans la pièce secrète du fond un portail dont très peu de monde avait connaissance. Son rôle était de le protéger, de faire en sorte qu’il ne soit pas emprunté par les mauvaises personnes, mais aussi d’accueillir les personnages perdus qui arrivaient dans ce monde pour la première fois. La jeune femme prenait cette responsabilité à coeur et c’était pourquoi elle se levait chaque matin avec un grand sourire aux lèvres, heureuse à l’idée de débuter une nouvelle journée prometteuse et espérant pouvoir se rendre utile du mieux qu’elle le pouvait.

Ce jour-là, donc, elle était tranquillement en train de ranger de nouveaux livres dans les rayons lorsqu’elle entendit le bruit de quelque chose qui tombait au sol non loin de là. Rien d’inquiétant jusque là, elle savait qu’elle n’était pas seule puisqu’elle avait vu la porte d’entrée s’ouvrir à quelques reprises déjà depuis ce matin. Seulement, en tournant la tête vers la source du bruit, elle vit une dame s’enfuir en panique dans la direction opposée, ce qui était manifestement étrange. Se sentait-elle menacée ? Par une quelconque présence dans la bibliothèque ? Immédiatement, Wendy se tint sur ses gardes. La plupart des clients de la Plume Magique étaient des personnages Disney qui venaient ici pour se sentir rassurés et être certain d’être dans un lieu protégé où personne ne viendrait leur faire de mal. Si cette femme en était une et qu’elle avait été effrayée par quelqu’un ou quelque chose dans les parages, la jeune bibliothécaire n’allait certainement pas l’abandonner seule à sa panique et avait bien l’intention de régler cette histoire. Et s’il y avait réellement quelqu’un de mal intentionné ici, elle n’allait pas se laisser faire.

Sa priorité étant donc la protection de la dame qui venait de fuir, elle ignora le livre à terre et regarda dans les environs s’il y avait une quelconque menace, n’importe quoi qui aurait pu provoquer l’effroi de sa cliente. Ne voyant rien, elle se dirigea en courant vers l’endroit où était partie cette dernière, pensant la retrouver et lui demander ce qu’elle avait vu ou cru voir. Elle ne s’attendait pas à la trouver si vite que prévu, fonçant sur elle de plein fouet. Wendy ressentit une vive douleur au nez, mais se soucia d’abord de la femme et tentant de la prendre par les épaules pour retenir sa chute et tenter de la rassurer, mais ceci ne faisant qu’empirer sa frayeur, elle la relâcha bien vite.

« Désolée ! Je suis navrée, je ne voulais pas vous faire peur ! »

Mais la dame ne l’écoutait pas et lui criait des propos incompréhensibles, lui demandant si elle avait kidnappé l’ancienne responsable de la bibliothèque pour lui voler sa vie. Ça alors, c’était vraiment la première fois qu’on lui sortait un truc pareil ! Wendy aurait pu rire de la situation si la femme ne semblait pas si en détresse et si elle n’était pas en train de la menacer en brandissant un gros livre devant elle. Bon, il allait falloir qu’elle trouve les mots justes pour réussir à la calmer un peu et se faire comprendre.

« N’ayez crainte, je ne vous veux aucun mal, je vous le promets. Regardez, je ne vous touche plus. » Elle leva les mains devant elle bien en évidence pour prouver qu’elle n'avait pas l'intention de l’attaquer, puis continua : « Votre amie va bien, elle a simplement souhaité se départir de ses fonctions et je l’ai remplacée. »

Elle n’osa pas entrer plus dans les détails, ne sachant pas encore précisément qui était cette personne et si elle pouvait se permettre de lui donner toutes les informations. Elle supposa que c’était tout ce qu’il y avait à savoir pour le moment, elle pourrait lui en dire plus lorsqu’elle saurait que c’était sans crainte. En parlant de crainte, elle demanda en baissant la voix, sur un ton plus soucieux :

« Est-ce que c’est moi qui vous ai fait peur, tout à l’heure, quand vous avez fui ? Ou est-ce que vous avez vu autre chose ? »

Elle voulait être certaine que tout le monde puisse se sentir en sécurité ici, alors il valait mieux demander afin de ne pas prendre le risque de laisser une potentielle menace dans la bibliothèque. Elle prenait son rôle de gardienne très au sérieux et s’en voudrait beaucoup s’il arrivait quelque chose à l’un de ses protégés alors qu’elle était à son poste.

Wendy eut beau tenter de la calmer, la femme restait toujours méfiante à son égard. D’un côté, c’était un peu vexant ; de l’autre, cela voulait tout de même dire qu’il n’y avait pas d’autre menace qu’elle-même dans la bibliothèque et c’était plutôt rassurant. Tout allait bien, donc. Il fallait simplement qu’elle parvienne à faire comprendre à cette dame qu’elle n’avait enlevé personne. La jeune femme hocha la tête d’un air compatissant quand celle-ci lui affirma qu’elle avait été dérangée par le fait de la trouver là à la place de son amie. C’était une réaction quelque peu violente par rapport à ce qu’il en était vraiment, mais Wendy décida de se ranger du côté de la blonde.

« Oui, bien sûr. Je comprends tout-à-fait. Mais ne vous en faites pas, il n’est rien arrivé à votre amie, j’ai simplement repris son poste. Je suis sûre que je peux vous trouver son contact quelque part, si vous souhaitez la joindre. »

Peut-être qu’en parlant elle-même à l’ancienne propriétaire, la femme serait un peu moins inquiétée de la présence de Wendy. Elle devait bien avoir son numéro quelque part, sûrement parmi la paperasse qui se trouvait dans la salle à l’arrière - là où personne ne pouvait se rendre sans l’autorisation de l’une des gardiennes. Cependant, son interlocutrice n’avait pas l’air plus apaisée. Elle l’interrogeait maintenant sur ses qualifications. Eh bien, pour être honnête, Wendy ne pensait pas qu’elle aurait besoin de passer un nouvel entretien d’embauche. L’idée la fit sourire un peu, mais quelque part, elle se sentait un peu triste de la paranoïa de la femme. Elle avait dû vivre quelques trahisons par le passé, sûrement, pour avoir tant de mal à accorder sa confiance à une simple bibliothécaire. Elle décida donc d’être la plus honnête possible, pour lui faire comprendre qu’elle n’avait rien à lui cacher.

« Je travaille ici depuis une petite année, depuis la fin de l’été dernier. Quant à mes qualifications, et bien, j’ai un master en littérature anglaise et une petite expérience dans le service. Même si, bien entendu, mes fonctions ne se limitent pas seulement à la bibliothèque. »

Elle n’en ajouta pas plus, ne souhaitant pas mentionner les portails pour le moment. Ceux-ci ne devaient être utilisés que par les personnages Disney et elle ne pouvait donc pas décemment en parler à n’importe qui. Mais peut-être que la femme en face comprendrait à quoi elle faisait allusion et cela lui suffirait à comprendre qu’elle était bien la personne qu’elle prétendait être. Ce n’est que lorsque celle-ci prononça le nom de Timon que Wendy eut la certitude qu’elle avait connaissance de l’existence des portails : après tout, seul un personnage ayant emprunté celui qui reliait Londres à New York pouvait faire le lien entre Timon et elle. Souriante, heureuse d’avoir enfin quelque chose qui pourrait l’aider à prouver qu’elle était digne de confiance, elle répondit avec enthousiasme :

« Bien sûr ! Tous les gardiens se connaissent entre eux et je n'ai rien à cacher. Vous pourriez même parler de moi à Lady, à l’Hôtel, si vous n’êtes toujours pas convaincue. Mon nom est Wendy Darling. »

La femme semblait toujours un peu méfiante, mais elle lâcha néanmoins son dictionnaire pour se présenter en retour, sous le nom de Dory. Ce n’était pas encore assez d’informations pour affirmer avec certitude qu’elle provenait d’un film d’animation, mais Wendy était quasiment certaine qu’elle en était une. Elle n’osa pas cependant l’assommer de questions sur son identité, au vu de la confiance qu’elle lui portait pour le moment. Elle préféra donc répondre avec le même sourire :

« Enchantée, Dory ! Et encore navrée de vous avoir fait peur, tout à l’heure. N’hésitez absolument pas si vous avez d’autres questions, si vous souhaitez des conseils sur un livre ou si vous avez besoin d’utiliser la salle à l’arrière. »

Elle avait prononcé cette dernière option sur un ton un peu plus bas, à l’abri des oreilles indiscrètes. Il n’y avait pas beaucoup de monde autour d’elles et elle doutait que quelqu’un les espionne, mais elle préférait encore être prudente ; il ne faudrait pas qu’un inconnu ne se mette à lui poser des questions sur cette fameuse arrière-salle, encore moins un chasseur ou autre personne malveillante.

Dory lui expliqua qu’elle était un poisson autrefois. C’était toujours étonnant de croiser des personnages qui n’étaient pas humains dans leur monde, non seulement ils avaient dû se faire à une nouvelle vie loin de chez eux, mais ils avaient également dû s’habituer à un corps bien différent de celui avec lequel ils étaient nés. Pour un poisson, le changement avait sûrement été encore plus radical que pour un animal terrestre. Il fallait apprendre à marcher sur la terre ferme et même la respiration ne s’effectuait pas de la même manière. Heureusement, Dory avait l’air de maîtriser ses bras et ses jambes sans problème, elle était sûrement arrivée ici depuis déjà un petit moment. Celle-ci lui demanda si elle était un personnage, elle aussi. Wendy aurait préféré qu’elle soit un peu plus discrète avec ce genre de questions, après tout la bibliothèque était un endroit public dans lequel n’importe qui pouvait se rendre, mais heureusement elles étaient seules pour le moment. Elle vérifia doublement pour s’en assurer avant de répondre :

« Oui, je viens d’une histoire aussi. » Même encore aujourd’hui, ça sonnait un peu bizarre de l’admettre. « Mais j’étais humaine également et j’habitais Londres, simplement je viens d’une époque bien différente. Mais ce monde n’est pas si mal, il y a toujours une aventure dans laquelle s’embarquer, si l’on sait où chercher. »

Être gardienne du portail était déjà une aventure en soi. Il y avait toujours quelque chose à faire et elle ne s’ennuyait jamais. Mais quand elle avait vraiment envie de passer une journée exceptionnelle, elle savait qu’elle pouvait toujours compter sur Peter. Avec lui, c’était comme si elle avait de nouveau douze ans et qu’elle s’envolait pour le Pays Imaginaire. Peut-être que Dory aurait besoin de quelqu’un comme ça, elle aussi. Alors elle verrait sans doute le monde sous une nouvelle lumière et elle ne le trouverait plus si décevant.

La femme se plaignit de rester debout et lui demanda si elles ne pouvaient pas continuer à discuter tranquillement autour d’une boisson chaude. Wendy jeta un regard vers le fond de la salle d’un air gêné. Il n’y avait peut-être pas grand monde aujourd’hui, mais elle ne désirait pas quitter son poste pour autant au cas où quelqu’un viendrait pendant son absence, et Poppy n’était pas censée arriver avant une bonne heure. Elle ne voulait pas fermer la bibliothèque si tôt et empêcher des personnages Disney de venir demander de l’aide. Ce ne serait pas raisonnable et irresponsable par rapport à ses obligations de gardienne.

« Oh, et bien, malheureusement je n’ai pas de boisson chaude à vous offrir et je ne peux pas quitter mon poste, mais je peux peut-être vous proposer un verre d’eau, si vous le souhaitez. Suivez-moi donc à l’étage, il y a un petit coin de lecture tout-à-fait charmant, on y sera parfaitement à l’aise. »

Elle guida Dory jusqu’à celui-ci et partit servir deux grands verres d’eau tandis que celle-ci s’installait confortablement sur l’un des petits fauteuils. Wendy lui tendit son verre et s’assit à son tour en face d’elle. Elle aimait beaucoup venir ici lors de journées tranquilles pour lire un peu et laisser son imagination s’envoler vers de nouvelles histoires fantastiques. Elle but une gorgée de son eau et s’apprêtait à poser de nouvelles questions à Dory pour relancer la conversation quand celle-ci se mit à lui demander ce qu’elle faisait là. Wendy s’étonna de cette question, est-ce qu’elle avait vraiment oublié ce qu’elle était venue faire à la bibliothèque ou est-ce qu’elle se moquait d’elle ?

« Désolée, à vrai dire vous ne m’aviez pas donné la raison de votre venue mais peut-être cherchiez vous un livre ? Ou peut-être étiez-vous simplement venue voir votre amie ? »

Elle comprit un peu mieux lorsque Dory lui expliqua qu’elle avait des troubles de la mémoire. En même temps, il fallait dire que pour un poisson, ce n’était pas si étonnant. Elle ne se fichait donc pas d’elle et c’était peut-être également la raison pour laquelle elle avait eu l’air si surprise de ne pas voir l’ancienne bibliothécaire en arrivant. Elle avait sûrement oublié qu’elle avait été remplacée. Maintenant qu’elle y pensait, cette histoire de poisson à mémoire courte nommé Dory lui disait bien quelque chose. N’était-ce pas l'acolyte de Marin dans le film Pixar Le monde de Nemo ? Wendy avait visionné beaucoup de longs-métrages des studios Disney et Pixar depuis qu’elle avait appris qu’elle provenait de l’un d’eux et même si elle ne les connaissait pas encore bien par coeur ou qu’elle les mélangeait parfois, elle était sûre que Dory était ce petit poisson bleu sur l’affiche du film.

« Ne vous inquiétez pas, nous venions juste de nous installer. Avant ça, vous me disiez que vous étiez un poisson et encore avant, vous me demandiez mes qualifications pour être sûre que je n’étais pas une impostrice. »

La pauvre Dory n’avait pas l’air de se souvenir de beaucoup de choses depuis son arrivée dans la bibliothèque et Wendy se demandait réellement comment elle pourrait l’aider, si elle-même ne savait pas ce qu’elle était venue chercher au départ. Néanmoins, les deux jeunes femmes pouvaient toujours rester là à converser jusqu’à ce que ça lui revienne, si cela devait revenir. Il n’y avait pas beaucoup d’activité à la Plume Magique ce jour-là et Wendy pouvait bien se permettre de discuter un peu, d’autant plus que c’était dans son rôle de prendre soin des personnages Disney. Elle eut un petit rire lorsque Dory remarqua que les humains se ressemblaient tous. La rouquine ne partageait pas ce point de vue, d’après elle chacun était différent et avait quelque chose de spécial qui le rendait unique, mais elle pouvait concevoir que pour un ancien poisson, ce pouvait être plus difficile de s’y retrouver, surtout quand la mémoire lui faisait défaut. Wendy se demanda combien de temps Dory avait passé à côtoyer des humains, mais ce devait déjà faire plusieurs années si elle avait connu l’ancienne bibliothécaire. Peut-être qu’elle-même ne saurait répondre à cette question, après tout des trous de mémoire répétés pouvaient facilement faire perdre la notion du temps à n’importe qui.

« Il n’y a pas de mal, ne t’en fais pas. Ça arrive à tout le monde de se tromper. Et puis, il vaut mieux être trop prudent que pas assez. »

Elle ne voulait tout de même pas l’encourager à devenir complètement paranoïaque chaque fois qu’elle croisait une rousse, mais avec tous les chasseurs qui rôdaient, un peu de prudence ne pouvait pas faire de mal. Dory chercha ensuite dans son téléphone si elle n’avait pas reçu un message qui aurait pu lui donner un indice sur ce qu’elle était venue faire ici, mais elle ne trouva rien. Elle supposa donc qu’elle voulait simplement un livre. Wendy hocha la tête : c’était une raison plutôt logique pour venir dans une bibliothèque. Elle se laissa ensuite emporter par son propre discours et aborda le sujet des films. Wendy se demanda si elle n’avait pas simplement oublié le début de sa phrase mais n’osa pas poser la question à voix haute. Après tout, la discussion à propos de la raison de sa présence ici était certainement clos, puisque Dory ne s’en souvenait plus, et il ne servait à rien d’insister. La jeune femme répondit donc avec enthousiasme :

« J’aime beaucoup les films, même s’ils ne pourront jamais détrôner la lecture parmi mes activités favorites. Mais il existe de belles histoires que l’on peut voir sur grand écran, alors ce serait dommage de passer à côté. Et même si tu ne t’en souviens pas ensuite, le plus important c’est d’apprécier l’instant présent. »

Elle aurait été bien triste de ne pas réussir à se souvenir de son aventure au Pays Imaginaire, d’ailleurs elle s’était efforcé de la garder chaque jour en mémoire pour ne jamais oublier, mais elle se disait qu’au fond, l’expérience avait été formidable et que c’était tout ce qui comptait. Elle espérait néanmoins que Dory était capable de se remémorer quelques bons souvenirs de son passé, tout de même, même si ce n’était que quelques bribes, cela valait toujours la peine d’y repenser. Cependant, quand l’ancien poisson reprit la parole, ce n’était pas pour parler des bonnes aventures de sa vie mais au contraire de celles qui avaient mal tournées, même si elle ne s’en rappelait pas. Quelque chose qui avait provoqué ses craintes, qui aurait expliqué sa méfiance vis-à-vis de la jeune bibliothécaire lorsqu’elle l’avait aperçue. Peut-être en rapport avec cette fameuse rousse qu’elle avait mentionnée plus tôt ? Dory demanda si ce n’était pas mieux, finalement, de ne pas s’en souvenir. Wendy hocha la tête, mais réfléchit un instant avec de répondre :

« Oui, sûrement. Je ne sais pas non plus ce qui a pu arriver, mais une chose est certaine, c’est que c’est du passé. Ce qu’il faut retenir, c’est que tu es saine et sauve, et en sécurité ici. C’est mon rôle aussi, de m’assurer que rien de mal ne puisse plus arriver aux personnes comme toi et moi. »

Elle ne savait pas à quel point elle était capable de tenir cette promesse, car malheureusement le mal pouvait arriver n’importe où et n’importe quand et elle savait qu’elle ne pourrait pas forcément être là pour l’en empêcher. Mais elle se jurait de toujours tout faire pour garder les Disney en sécurité, tant qu’elle le pouvait. Elle sourit finalement et décida de revenir sur un sujet plus joyeux :

« Tu as dit que tu étais peut-être venue à la recherche d’un livre, tout à l’heure, veux-tu quelques suggestions ? Qu’est-ce qui t’intéresserait ? Nous pouvons chercher ensemble, j’en serais ravie ! »

Dory semblait déjà ne plus penser à ce qui avait bien pu lui faire aussi peur, tout à l’heure. C’était sans doute un avantage à l’amnésie, de pouvoir mettre les mauvaises choses aussi facilement derrière soi, même si à choisir Wendy préférait garder toute sa mémoire pour ne pas perdre tous les moments positifs qu’elle avait vécus jusque-là. Mais bien sûr, ce n’était pas comme si Dory avait eu le choix. La jeune femme décida donc qu’elle ferait son possible pour l’aider à trouver ce qu’elle cherchait. Heureusement, il y avait de grandes chances que ce qu’elle cherchait soit un livre et quoi de mieux qu’une bibliothèque comme celle-ci pour trouver son bonheur. Bien sûr, Wendy avait plutôt l’habitude de conseiller des personnes qui savaient déjà ce qu’elles voulaient, mais elle se disait que le cas de Dory serait un bon challenge.

Par chance, sa cliente avait déjà quelques idées en tête, ce qui permettait de réduire un peu le nombre de possibilités. Elle cherchait à se renseigner sur un sujet en particulier plutôt que de lire un roman de fiction. Elle lui demanda s’il était possible de se rendre vers les rangées des ouvrages documentaires et Wendy hocha la tête. C’était une bonne idée, peut-être que quelque chose lui reviendrait en parcourant les étagères.

« Bien sûr, nous en avons un bon nombre dans la partie droite de la bibliothèque. Suis-moi, c’est par ici. » Elle se leva et l’entraîna vers l’emplacement des livres qu’elles cherchaient. « Il y en a de toutes sortes et sur plusieurs sujets. De ce côté-là, tu trouveras plutôt des écrits scientifiques. » Elle pointait du doigt les étagères tandis qu’elle expliquait. « Par ici, on aura des manuels sur la biologie, la faune, la flore. Et là-bas, il y a toute une section voyage, sur la géographie, les différents pays du monde, les coins insolites sur Terre, etc. »

Cela faisait un moment désormais qu’elle travaillait ici et elle connaissait la bibliothèque sur le bout des doigts, mais malgré tout Wendy devait avouer que ce n’était pas son endroit préféré de la Plume Magique. Elle aimait bien mieux s’évader à travers les romans d’aventures que de lire des amas d’informations sur le monde - même si c’était souvent très instructif. Elle adorait découvrir un nouvel univers sorti tout droit de l’imagination d’un auteur et suivre les histoires extravagantes de quelques personnages haut en couleur. Mais ce n’était pas pour ces récits qu’était venue Dory. Elle avait dit avoir souhaité se renseigner sur quelque chose, la question était encore de savoir de quoi il s’agissait.

Wendy était prête à poser quelques questions supplémentaires pour tenter de résoudre cette affaire quand la blonde eut soudainement une illumination. Elle lui demanda si elle avait des livres sur Sydney. Wendy sourit, mais quand elle se rendit compte que Dory lui parlait comme si elle était un poisson, elle perdit un peu de son enthousiasme. C’était l’amnésie qui lui jouait des tours, il n’y avait aucun doute. Elle avait oublié qu’elle était humaine et qu’il n’y avait donc aucune chance de voyager à travers des courants marins ou même de croiser une baleine au détour d’un couloir. Souhaitait-elle réellement se rendre à Sydney, ou bien la mention de cette ville l’avait involontairement replongée dans une période spécifique de son passé ?

« Dory, je suis vraiment navrée. Mais nous ne sommes pas sous la mer. Nous sommes sur la terre, dans une bibliothèque, à la Plume Magique, tu te souviens ? Il n’y a pas de courants marins ici. Si tu veux vraiment aller à Sydney, la meilleure solution est de prendre l’avion. Mais je ne suis pas certaine que tu souhaites vraiment t’y rendre, je pense que tu cherchais simplement à lire un livre. »

Elle la guida vers la section voyage et s’approcha d’une rangée pour en tirer un livre. La couverture affichait en grosses lettres « 28 jours en Australie » et présentait quelques images magnifiques du paysage australien. Elle l’ouvrit, parcourut le sommaire et, quand elle trouva la page qu’elle cherchait, le tendit vers Dory avec un petit sourire.

« Il y a tout un chapitre sur Sydney là-dedans, si ça t’intéresse toujours. Tu y trouveras peut-être ton bonheur. »

Il y avait plusieurs paragraphes accompagnés d’illustrations à propos de la ville, son histoire, ses traditions et les endroits à visiter. Avec un peu de chance, c’était ce que Dory cherchait. Elle lui laissa un peu le temps de regarder avant de reprendre, avec curiosité :

« Sydney… J’imagine que c’est une ville qui te parle ? Tu y est déjà allé ? »

Elle ignorait à quel point la mémoire de Dory pouvait lui faire défaut mais, puisque c’était elle qui avait mentionné le nom de la ville australienne au départ, Wendy supposa que c’était l’une de ces choses qui lui restaient en tête. Peut-être pourrait-elle ainsi mieux comprendre pourquoi elle avait voulu s’y rendre absolument tout à l’heure.